La prochaine fois, je voterai blanc
Jusqu’au moment de mettre mon bulletin dans l’enveloppe, ce 24 avril 2022, je m’apprêtais à voter blanc. J’avais dans la poche mon petit bout de papier, bien découpé à la taille d’un bulletin de vote. Ce n’était pas un simple mouvement d’humeur, c’était réfléchi. En effet, « on nous avait déjà fait le coup » deux fois de devoir voter pour un tel ou risquer le chaos : en 1995 en faveur de Jacques Chirac ; et en 2017, en nous faisant espérer un promoteur du « ni gauche, ni droite » . On y a cru, compte tenu de l’impuissance et de l’inertie des traditionnels « partis de gouvernement », grâce à un « homo novus » jeune, neuf en politique et apparemment plein d’idées pour bâtir un monde nouveau. Dans les deux cas, les élus n’ont tenu aucun compte du fait que leurs électeurs n’étaient pas tous du sérail de leurs habituels partisans.
Naguère, j’étais (comme on dit) « de gauche », fils et petit-fils d’hommes d’une gauche populaire. La tradition familiale disait qu’un de nos ancêtres avait été condamné à mort, sous Napoléon III, pour menées républicaines. Mais où est-elle passé la gauche ? Éparpillée en factions rivales allant d’un centre gauche, mou et complaisant avec le capitalisme, à une radicalité irréaliste et dont les réalisations « révolutionnaires », à travers le monde, pouvaient laisser sceptique quant au bonheur des peuples. Jadis, on disait que la France disposait de la droite la plus bête du monde. Ne peut-on aujourd’hui marquer notre gauche de cette épithète ? Au moins dénoncer son incohérence, quand la lutte des ego a remplacé la confrontation des idées.
Alors, au premier tour, j’ai voté blanc. Quel gouvernement intelligent — et soucieux de démocratie — établira enfin le vote blanc, souvent promis, comme moyen d’expression pour refuser une offre politique, autre qu’une ambiguë abstention, dont on ne sait pas si elle est manifestation d’opposition, indifférence, ou préférence pour la pêche ou le farniente dominical ?
Alors au second tour, in extremis, j’ai mis le bulletin du candidat autre que celle qui promettait des lendemains qui chantent au soleil d’un populisme démagogique. Je n’en suis pas fier pour autant. J’avais imaginé, avant cet instant fatal, qu’un éventuel succès de la candidate de la «gauche de l’extrême-droite» pourrait agir comme un électrochoc sur les partis républicains. Mais c’était dangereux. Il est plus facile de tomber sous un pouvoir autoritaire que de s’en débarrasser. J’ai voté pour l’autre candidat.
Mais, la prochaine fois, c’est promis, si rien ne change … je voterai blanc.
Marc DELÎLE