À l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Vendredi Saint 15/04/2022

 

Is 52, 13 – 53, 12 ; Ps 30 (31) ; He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18, 1 – 19, 42.

 

Le texte d’Isaïe raconte la souffrance du Serviteur. Qui est ce Serviteur ? Qui représente-t-il ? Israël ou du moins ceux qu’on a appelés le « petit reste », ceux qui, dans la souffrance de l’exil, sont restés fidèles à Yahvé et seront la source de la renaissance du peuple. Bien sûr on peut relire ce texte en identifiant le Serviteur à Jésus. Enfin ne représente-t-il pas chacun de nous, dans la mesure où, entrant dans la Passion de Jésus, nous nous associons à toute la souffrance du monde écrasé par le Mal ?

 

Cela commence par un appel à l’espérance :

« Voici que mon serviteur prospérera, il grandira, s’élèvera, sera placé très haut. De même que des multitudes avaient été saisies d’épouvante à sa vue... de même des multitudes de nations seront dans la stupéfaction... pour avoir appris ce qu’ils n’avaient pas entendu dire. » (52, 13-15)

Il faut toujours entrer dans la méditation de la Passion avec à l’esprit le sens de cette histoire qui ne s’arrête pas sur le Golgotha, mais débouche sur la gloire offerte de Dieu.

Le Serviteur, lui, s’enfonce dans la souffrance des hommes. Il n’est pas frappé par Dieu qui ne se venge pas en exigeant la souffrance d’un homme. Et s’il est écrit plus loin que « Yahvé a voulu l’écraser dans la souffrance », ce qui semble en contradiction avec toute l’économie du texte, il faut comprendre que Yahvé lui-même s’est laissé écraser par la souffrance de la personne de son Serviteur.

 

Le psaume est une supplication que nous pouvons exprimer dans nos souffrances. Si notre faiblesse ne nous sauve pas, nous pouvons nous appuyer sur Dieu. Ce qui permet, même dans la déréliction, de dire une parole d’espérance :

« Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ; sauve-moi par ton amour. Soyez forts, prenez courage,vous tous qui espérez le Seigneur ! »

 

L’Épître aux Hébreux veut renforcer notre confiance en Dieu lorsque nous sommes assaillis par le mal. Jésus est passé par là, cela faisait partie de sa mission parmi nous car c’était le moyen de nous délivrer. L’épître ajoute, ce qui peut sembler une provocation :

« Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé ».

Exaucé ! Autant dire que les voies de Dieu ne sont pas les nôtres ! Mais à la fin

« il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. »

Il est donc bien exaucé. Ainsi ce texte nous oblige à revoir notre conception de Dieu et de notre foi. Le Vendredi Saint est un jour de retournement de l’histoire, de nos vies, qui exige de notre part une acceptation de l’appel de Dieu, appel dérangeant s’il en est.

 

Nous n’allons pas commenter le récit de la Passion, chaque phrase mérite une méditation… Quelques suggestions cependant.

 

Le récit décrit la descente de Jésus dans le Mal. Il est en butte aux deux pouvoirs de l’époque : le politique et le religieux. Pilate a peur de ce peuple agité et de César (il risque sa place, voire sa vie), Caïphe et ses prêtres ont peur de voir déstabilisée leur religion, leur assurance dans la vie (et aussi leur pouvoir probablement). Jésus met en cause leur foi, leurs certitudes qui garantiraient leur vie devant Dieu. Les deux, Pilate et Caïphe, sont donc devant un risque mortel pour eux, ils doivent s’en sortir. On assiste alors à une lutte entre eux qui manifeste la présence du mal parmi eux. Ils sont ici le symbole du mal ancré dans le monde. Pilate va capituler par peur alors qu’il a le pouvoir, Caïphe semble triompher mais au prix d’un reniement dramatique : « Nous n’avons de roi que César ! » (19, 15) doit-il concéder pour obtenir la condamnation. Et Pilate va se venger d’avoir perdu en imposant le fameux écriteau sur la croix qui reconnaît la royauté de Jésus. Les deux se sont reniés, l’un par peur a condamné un innocent, l’autre a renié sa foi et celle de ceux dont il a la charge.

Alors Pilate peut présenter Jésus au peuple : « Ecce homo », « voici l’homme ». L’homme par excellence, qui représente tous les hommes, qui a pris nos vies sur lui, est cet être humilié, torturé, bafoué, condamné, en qui pourtant le Père « a mis toute sa faveur » (Mt 3, 17).

C’est bien Dieu qui est descendu dans les profondeurs du Mal pour nous en libérer, et c’est dans cette confrontation avec le Mal qu’il atteste de sa Vérité. « Je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité » (18, 37). Vérité qu’on ne peut saisir, pénétrer, que dans une attitude d’amour, cet amour demandé avec insistance par Jésus lors du repas du Jeudi Saint. Pour Pilate, indifférent, elle ne reste qu’une question vide de sens : « Qu’est-ce que la vérité ? » (18, 38).

 

L’aboutissement de l’événement, « tout est consommé » (19, 30) ouvre dans l’instant une nouvelle Histoire marquée par le déchirement en deux du voile du Temple et par la reconnaissance de la vérité par le Centurion et ses hommes, donc du monde entier, hors du judaïsme et des disciples : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu » (Mt 27, 54).
Ainsi l’instant de la mort sur la Croix, instant du basculement, est encadré par ces deux proclamations :
« voici l’homme » et « voici Dieu ».

 

Quant à nous, n’oublions pas que le disciple n’est pas plus grand que son maître. C’est en nous associant à la passion de cet homme (« voici l’homme »), donc concrètement en nous associant à la souffrance de tous les hommes, nos frères que Jésus est venu sauver, en nous plongeant dans le Mal pour le débusquer, que nous marcherons vers la Rédemption qui est déjà à l’œuvre, maintenant, y compris dans nos descentes aux enfers.

Marc Durand

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