Annonciation
Fête importante s’il en est, marquant le début du mystère de l’Incarnation, le don de Dieu aux hommes pour les appeler à sa Vie. Au cœur de cette célébration se trouve Marie. Peut-être alors pourrions-nous méditer à cette occasion sur la place (la fonction?) de Marie dans notre vie de foi. Et de façon plus précise nous pourrions reprendre la prière du « Je vous salue Marie » qui est tellement répandue qu’on en oublie ce qu’elle exprime.
D’abord pourquoi prier Marie ? Les protestants semblent avoir raison dans leurs réticences devant tous les cultes des saints qui sont un chemin détourné pour aller à Dieu, qui ne paraît pas justifié. Et justement pour Marie ils sont plus nuancés. Elle a une place à part. Elle est intimement liée à cette histoire du Salut, de l’irruption de Dieu dans notre monde, qui commence ce jour de l’Annonciation. Elle a été présente à chaque étape, quasiment silencieuse mais bien là : naissance, début de la mission de Jésus à Cana avec cette phrase : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5), à la Croix (en silence), à la Pentecôte (en silence aussi) qui marque le début de la Mission. Il est étonnant pour nous qu’elle ne soit pas mentionnée pour la Résurrection : son rôle n’est pas d’annoncer, c’est celui de Pierre, simplement d’accompagner.
Marie a donc une place à part et éminente qui la lie de façon tellement intime à la mission de Jésus, que nous pouvons avoir une relation privilégiée avec elle qui ne soit pas un évitement de notre relation à Dieu.
Revenons alors au « Je vous salue ». Il est devenu une ritournelle, tellement il est récité à tout moment, sans trop y penser, comme soutien (?) à nos méditations. Il est temps de revenir à ce qu’il exprime.
Remarquons d’abord que ce n’est pas tellement une prière de demande, de réclamation. Dans la seconde partie, nous ne réclamons aucune action, nous la prions d’être auprès de nous dans sa prière, dans sa relation avec son Fils, et surtout aux deux moments fondamentaux de notre vie : maintenant et lorsque nous devrons passer vers le Père.
La première partie est une salutation qui reprend d’abord la salutation de Gabriel, messager de Dieu : « Je te salue, comblée de grâces ». Marie a été choisie, cela est un don de Dieu (qui ne lui évitera pas la Passion) qui marque son être. Elle est « la » comblée de grâces.
Puis il s’agit de bénédiction : elle et son Fils sont bénis, cette bénédiction la désigne comme choisie « entre toutes les femmes » et Jésus, désigné comme son Fils, « le fruit de tes entrailles » (on aurait pu trouver mieux comme expression !) est béni en tant que son fils, cela marque l’importance que Marie a dans cette histoire de Salut. Ceci est la salutation d’Élisabeth, mère de celui qui doit introduire Jésus dans sa mission : « Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! » (Lc 1, 42).
Être béni, c’est recevoir un don, un père bénit son fils pour lui donner sa vie, son héritage, etc. La bénédiction de Dieu est le don de la Vie de Dieu qui proclame sa bienveillance (1). Dans la Bible les bénédictions abondent envers son peuple, jusqu’à ce don de la Cène annoncé par la bénédiction de Jésus sur le pain et le vin qui ne sont plus des objets, mais des signes visibles de la Nouvelle Alliance. Dans les évangiles Jésus n’est déclaré béni que deux fois, à l’Annonciation et lors de son entrée dans le temps de sa Passion : « Béni soit celui qui vient » (Mt 21, 9) crié le jour des Rameaux. Et c’est enfin dans l’Apocalypse, après sa mort (« l’Agneau égorgé ») et sa Résurrection, que le Christ reçut la bénédiction, sans que le mot soit prononcé « Digne est l’Agneau égorgé de recevoir la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange » (Ap, 5, 12).
Quant-aux hommes, Jésus les bénit au moment de disparaître (Lc 24, 50), cette bénédiction est le gage du don de l’Esprit (Jn 20, 22) promis et manifesté à la Pentecôte.
Ainsi dire à Marie « Tu es bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de ton sein, est béni » est probablement la plus belle incantation que l’on puisse avoir pour un humain, et seule Marie peut la recevoir, et je dirais qu’elle est la seule adresse possible envers Marie. La fête de l’Annonciation nous rappelle cette place éminente de Marie dans notre vie de Foi, et nous appelle à la prier à l’aide de ce « Je vous salue » qui doit dépasser la ritournelle habituelle.
Marc Durand
1 - Contrairement à une coutume bien ancrée et non moins problématique, on ne bénit pas des objets (même des navettes à Marseille), le don et la bienveillance de Dieu s’adressent aux humains. La bénédiction n’est pas un acte magique rendant un objet saint, c’est-à-dire proche de Dieu !