A l'écoute de la Parole de Dieu
Troisième Dimanche de Carême (année C) 20/03/2022
Ex 3, 1-8. 10. 13-15.; Ps 102 ; I Cor 10, 1-6. 10-12 ; Luc 13, 1-9
Moïse, et c’est un avantage pour notre instruction, est curieux : il voit un buisson qui brûle sans se consumer, il désire comprendre pourquoi ; quand le Dieu, qui se révèle à lui, l’envoie en mission, il veut savoir qui est au fond ce commanditaire, dont il veut connaître le nom pour justifier sa mission auprès des Fils d’Israël. Cette demande a du sens. Dans la tradition juive, « le nom » dit la personne en sa profondeur, il désigne Yahveh lui-même. Face à l’interrogation de Moïse, Dieu ne manque pas de répartie : « Qui je suis ?», mais « Je suis celui qui suis !» (Ex 3, 14), c’est à dire l’être par excellence. Notons que l’on traduit parfois cette réponse énigmatique par « je suis celui qui serai », ce qui est bien plus métaphysique, insistant sur l’à venir, l’ «éternité persistante » de celui qui a parlé. Mais ce Dieu n’est pas une abstraction. Il a déjà montré sa puissance à Abraham, Isaac et Jacob cités en référence. Moïse peut donc le suivre en confiance même si la tache impartie est lourde : sortir le peuple hébreu de l’emprise de Pharaon.
L’histoire du figuier racontée par saint Luc est non moins intrigante. Un figuier ne produisait pas de fruit ; Jésus propose de le couper non pas seulement par souci écologique (ne pas épuiser le sol), mais dans une sorte de logique finaliste : supprimer ce qui ne sert pas. Pourquoi cette « radicalité » du maître ? Peut-être par provocation, pour faire réagir le vigneron présent, dont c’est la fonction de faire produire les plantations. Et que va-t-il faire pour espérer une récolte : travailler la terre et l’enrichir par des apports nourriciers ? Après, on verra bien ! Le figuier, n’est-il pas ici l’image d’un croyant, qui stagne dans sa stérile médiocrité ? Pour qu’il porte des fruits, il convient de le « travailler », de susciter en lui un effort, de nourrir son corps et sa foi, comme le Dieu d’Israël l’avait fait lorsqu’il a voulu faire sortir son peuple d’Égypte (I Cor 10,3-4).
Et le Seigneur patientera jusqu’à la prochaine récolte, car « il est tendresse et pitié, lent à la colère… » (Ps 102).
Ce psaume — relisez-le— est l’un des plus beaux, en tout cas l’un de mes préférés. Il nous annonce déjà le Dieu de saint Jean, « plein d’amour », qui est amour même (I Jn 4,8). Rappelons que la Fatiha, prière inaugurale du Coran, le présente ainsi : « le Clément, le Miséricordieux ». Pourquoi les hommes, chrétiens ou musulmans, ne vivent-ils pas comme leur Dieu ? Ce regret s’applique au terrorisme islamiste, sans doute, mais aussi bien aux guerres fratricides et volontairement terroristes entre chrétiens, comme celle qui déchire et désole l’Ukraine aujourd’hui.
Marcel Bernos