Quelles suites pour les textes approuvés par le Chemin synodal d’Allemagne ?

Publié le par Garrigues et Sentiers

Le « chemin synodal » que l’Église catholique allemande a ouvert en 2019 vient de franchir une étape importante en adoptant des résolutions lors de son assemblée plénière tenue à Francfort.

Même si ce cheminement est d'un autre ordre que la démarche synodale dans laquelle est engagée depuis l'automne 2021 l’Église catholique tout entière, ses enseignements peuvent éclairer la réflexion de ceux qui participent actuellement chez nous à des groupes de réflexion synodaux.

C'est pourquoi nous versons dans notre dossier participatif n° 39 Pour une Église synodale : Communion, participation et mission cet article qui fait le point sur les résolutions arrêtées à Francfort et l'accueil que peut leur réserver le Vatican. 

G & S

 

Au début du mois de février, l’assemblée plénière du Chemin synodal s’est réunie à Francfort et a approuvé un certain nombre de propositions de réforme de grande envergure pour l’Église catholique en Allemagne. À présent, les membres de l’Église débattent de la suite à donner aux résolutions approuvées et de la manière de les mettre en œuvre.

L’assemblée plénière a approuvé trois textes en deuxième lecture ; les deux tiers des quelque 230 délégués, y compris les évêques, ont approuvé les textes ; lors d’un vote séparé réservé aux évêques, les textes ont encore recueilli les deux tiers des voix.

Le premier texte, dit d’orientation, est un document purement théologique mais qui a des conséquences sur toutes les idées de réforme avancées. Il traite de la question des sources dans lesquelles l’Église puise ses vérités. Or, en plus des sources connues comme la Bible, la tradition et le magistère, le texte en indique trois autres : la science théologique, les « signes des temps » et le « sens de la foi du peuple de Dieu ».

Il est fort probable qu’il y a quelques années seulement, la Congrégation pour la doctrine de la foi à Rome aurait déclaré comme erronée une telle ouverture du registre des sources de l’Église. Mais pour l’instant, aucun veto de ce type n’est attendu de Rome.

Le pouvoir

Cela vaut également pour le deuxième texte fondamental concernant la question du pouvoir dans l’Église. Ce texte ne remet pas complètement en cause la hiérarchie traditionnelle, mais il concède une plus grande voix de codécision aux laïcs.

Les principes de l’État de droit démocratique doivent désormais être la mesure de l’Église – sans toutefois que l’Église elle-même soit restructurée en une démocratie à majorité. Elle deviendrait une institution « ordonnée par le synode ». Cela devrait également obtenir la bénédiction du pape François, qui est expressément mentionné dans le texte.

La participation des laïcs

L’assemblée a également approuvé un texte appelant à une plus grande participation des laïcs au choix des évêques. Il s’agit du chapitre cathédral, un groupe de clercs qui conseillent l’évêque et exercent une certaine gouvernance lorsqu’il n’y a pas d’évêque. Ces clercs aident également le nonce à choisir une liste de trois évêques potentiels à soumettre au Vatican. Dans le texte synodal approuvé, les chapitres cathédraux seraient élargis de telle sorte que les laïcs seraient autorisés à participer à la sélection des candidats évêques. Comme les droits spéciaux des chapitres cathédraux sont principalement régis par des concordats, ceux-ci doivent être modifiés ou appliqués de manière plus souple. Aucun veto de Rome n’est attendu à ce niveau.

Il en va de même pour certains des textes qui n’ont passé qu’une première lecture. Il s’agit notamment d’une surveillance plus stricte des abuseurs sexuels et de changements dans le droit du travail de l’église. L’Église étant un employeur de très grande envergure en Allemagne, cette dernière question a été à plusieurs reprises source de problèmes – comme lorsqu’un employé de l’Église vivant ouvertement dans une relation homosexuelle a perdu son emploi en raison de son « style de vie personnel ». Il s’agit également d’une chose que les évêques allemands peuvent changer sans l’intervention du Vatican, et certains ont déjà commencé à faire des changements dans leurs diocèses.

La discipline

Tous les autres textes traitant de la sexualité et de l’égalité des sexes seront plus délicats. Il n’y a que peu de chances que le Vatican approuve les résolutions demandant un assouplissement des règles de célibat pour les prêtres et permettant aux femmes d’être diacres. Dans ces deux cas, les évêques allemands doivent demander au pape une autorisation spéciale.

En ce qui concerne la question du célibat, le Synode des évêques s’est prononcé en 2019 en faveur d’un assouplissement, afin qu’en cas de pénurie aiguë de prêtres, au moins une célébration de base des sacrements puisse être rendue possible. Depuis lors, des pénuries dramatiques de prêtres se sont produites dans certains diocèses allemands, de sorte que cette porte est désormais au moins entrouverte.

Il en va de même pour les femmes diacres. Le pape François a indiqué à plusieurs reprises son ouverture de principe à cette idée. Mais les chances qu’il l’autorise pour l’Allemagne en délivrant une permission spéciale – comme le préconise le Chemin synodal – sont néanmoins minces.

Que ferait Rome ?

Dans un avenir proche, il semble peu probable que les résolutions du Chemin synodal concernant la sexualité et les services de bénédiction catholique pour les couples homosexuels reçoivent l’approbation du Vatican. La rupture avec la doctrine traditionnelle serait ici trop flagrante. Par conséquent, la question n’est pas de savoir si Rome l’accepterait, mais si les autorités vaticanes prendraient des mesures contre les évêques qui autorisent ou encouragent de tels services de bénédiction.

Mais on ne s’attend pas à une telle tolérance de la part de Rome concernant l’appel du Chemin synodal en faveur de l’accession des femmes au sacerdoce. En effet, le droit canonique stipule que même la tentative d’ordonner une femme comme prêtre entraîne automatiquement l’excommunication. Avant que tout mouvement dans ce domaine ne soit possible, il faut d’abord lancer un effort pour modifier cette disposition pénalisante.

Ludwig Ring-Eifel

rédacteur en chef de la KNA, l’agence de presse catholique allemande

Source : https://presence-info.ca/article/idees/reflexion/quelles-suites-pour-les-textes-approuves-par-le-chemin-synodal-dallemagne/

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L
DE LA REFORME COMME REPONSE<br /> Ce n’est point seulement, avec cet article, un point d’étape sur le cheminement qu’a ouvert l’Église catholique allemande, dont la dynamique de réforme est sans doute la plus avancée entre toutes celles qui prennent source dans l’institutionnel. Car pour chacun de ses chapitres, ce compte rendu suggère en outre la frontière devant laquelle la progression devra négocier un passage … ou s’arrêter face à un mur.<br /> Avec d’abord, l’impression de saisissement - qui n’en est pas vraiment un en ce que la réflexion du lecteur retient plutôt, dans un second temps, l’idée d’un confirmation attendue – à se représenter que s’il y a des ouvertures, elles se laissent espérer sur le sujet de la théologie (la question des sources dans lesquelles l’Église puise ses vérités) : soit celui sur lequel se tient historiquement l’intangible, si l’on considère la logique séculaire d’un pouvoir absolu dont, en la matière, une haute cléricature ne saurait se départir.<br /> Et à trouver, tout à l’opposé, que la puissance du veto romain mobilise toutes ses ressources sur un rejet si extraordinairement ciblé et privilégié qu’on n’en déduit qu’il vise le plus fondamental, voire le plus constitutif, de la communion catholique : l’accession des femmes au sacerdoce. <br /> Question dont on voit mal cependant sous quel angle et à partir de quelles sources probantes, il serait si important d’en faire un tel ‘’marqueur’’ ; et surtout sur quels critères l’exigence de fulminer une réponse négative, qu’à vrai dire on devine véhémentement négative, pourrait être alléguée. Alors qu’au regard de ce qui paraît faire l’essence de cette même communion catholique, et aujourd’hui dans l’intellection commune du peuple de Dieu pris au sens le plus large, tout conclut qu’ordonner ou non une femme comme prêtre ne donne pas lieu à débat – et que s’il y a pourtant débat, le sujet en est parfaitement ‘’futile’’ (pour capital que soit, en termes de reconnaissance d’égale dignité, l’accès féminin aux ministères ordonnés).<br /> A examiner ensuite les projections qui se dessinent sur les autres chapitres (la « démocratie à majorité » dans l’Eglise catholique, l’autorisation donnée à des laïcs de participer à la sélection des candidats évêques, la ‘’question du célibat’’ – qui appelle des commentaires voisins de ceux destinés à l’égalité des sexes dans le ministère -, « les services de bénédiction catholique pour les couples homosexuels »), les voies de la réforme paraissent, au mieux, des plus étroites, et, dans la majorité des cas, des plus obstruées, pour ne pas dire sans issue.<br /> Et puisque par deux fois le mot ‘’réforme’’ s’est introduit dans ce commentaire, et certainement pas par hasard ou inadvertance, n’est-ce pas une bonne raison de se dire qu’il en forme la conclusion naturelle. <br /> En tant qu’invitation à regarder du côté des églises luthériennes – l’espace d’avec l’Eglise catholique, pour le ‘’croire’’, n’est d’ailleurs pas si grand à combler –, églises qui, elles, ont donné des réponses sur chacun des items qui renvoient aux impasses et aux blocages dont est prisonnière leur sœur romaine. Ou qui ont pour le moins quelques années-lumière d’avance (métaphore se voulant à la mesure de la durée et de l’induration de l’immobilisme dont elles se distinguent) vis-à-vis des revendications de ‘’l’aile avancée’’ du catholicisme. Et, au total, de quoi accueillir ces attentes dont la perte d’espoir est trop fondée.
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