A l'écoute de la Parole de Dieu
Quatrième et cinquième dimanches du temps ordinaire et Présentation au Temple (2 février).
Jr 1, 4-5.17-19 ; Is 6, 1-2a.3-8 ; Mi 3, 1-4 .
Ps 70 (71) ; Ps 137 (138) ; Ps 23 (24).
1 Cor 12, 31-13, 13 ; 1 Cor 15, 1-11 ; He 2, 14-18.
Lc 4, 21-30 ; Lc 5, 1-11 ; Lc 2, 22-40.
Nous pensons que les textes de ces trois eucharisties se répondent suffisamment pour mériter d’être commentés ensemble. Ils tournent autour de l’appel des prophètes et de notre propre réponse.
Le premier texte évoque la vocation de Jérémie. Lui-même ne se sent pas digne, c’est Dieu qui lui donne la force, ce sont les paroles de Dieu qu’il devra prononcer. Ce ne sera pas une partie de plaisir. Ce n’est pas nous qui avons choisi Dieu, nous avons été choisis de toute éternité pour vivre de la Vie et la porter aux autres. L’appel se déroule dans le temps de Dieu, il est donc de tout temps (« de toute éternité »), il est aujourd’hui. Chacun est appelé à suivre sa vocation et Dieu est notre force pour la rendre féconde.
Quand, dans le psaume nous demandons que Dieu tende son oreille vers nous, c’est pour vivre de sa Vie, non pour notre confort dans la vie ordinaire. Psaume d’espérance, nous pouvons compter sur Dieu qui « nous accueille », qui « est accessible ».
A la vocation de Jérémie répond celle d’Isaïe, deux siècles plus tôt. L’homme est écrasé par la grandeur de Dieu. Il se sait un homme aux lèvres impures, donc incapables d’annoncer Dieu qui seul peut le désigner et lui donner les capacités de cette annonce. Cette vision rappelle que l’affaire est sérieuse : c’est Dieu, le Tout Autre, que l’on annonce, cela ne peut que nous engager entièrement car ce type d’annonce dépasse totalement d’autres paroles, humaines, que nous pouvons porter. Dieu rend l’appelé pur afin qu’il puisse porter sa Parole (pas celle de l’homme). La réponse attendue ne permet pas de discuter, de tergiverser, elle ne peut être que le refus devant une telle tâche, écrasante, ou simplement le « me voici, envoie-moi ». La suite nous informe que l’annonce sera dure, faite de condamnation. Isaïe aura besoin de toute la force donnée lors de son appel pour annoncer les oracles de Dieu.
Le psaume, d’action de grâces, manifeste le bonheur d’être choisi : on n’y est pour rien, mais ce choix de Dieu comble celui qui est appelé, malgré les souffrances que cela engendrera pour lui. Cela rappelle Jésus, ou Abraham, tressaillant de joie :
« A cette heure même il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint... » (Lc 10, 21)
Ou encore :
« Abraham, votre père, exulta à la pensée qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu et fut dans la joie » (Jn 8, 56).
Pourtant Jésus ne pouvait ignorer que sa route risquait de mal finir ! Mais « Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! ».
Malachie, dans l’épître de la fête de la Présentation, annonce la venue du messager de Dieu, plus qu’un prophète car il agit lui-même pour Dieu, il ne fait pas que porter la Parole. Il est « pareil au feu du fondeur, à la lessive des blanchisseurs », c’est lui qui fond et purifie, affine comme l’or et l’argent :
« Il purifiera les fils de Lévi, il les affinera comme l’or et l’argent; ainsi pourront-ils, aux yeux du Seigneur, présenter l’offrande en toute justice. »
Il sera bien un prophète, mais dont la parole sera efficiente, elle transformera le peuple qui le recevra.
En remplacement du texte de Malachie, la liturgie propose aussi une lecture de l’Épître aux Hébreux, sur le même thème : l’envoyé de Dieu qui va purifier le peuple. Jésus est cet envoyé. Il est non seulement prophète, mais il agit pour Dieu, en ce sens il est prêtre (le seul prêtre, mentionné un peu plus loin). Parce qu’il est allé jusqu’au bout de sa Passion (de sa mission) il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve, avec ce texte en écho à la citation de Malachie :
« Il lui fallait donc se rendre en tout semblable à ses frères, pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi pour les relations avec Dieu, afin d’enlever les péchés du peuple. »
Jésus est ainsi dans la lignée des prophètes d’Israël (qu’on se souvienne aussi de la Transfiguration où il se trouve entre Moïse et Élie), choisi de toute éternité par son Père pour nous apporter la Vie et nous associer à la Vie trinitaire, ce qui est le rôle du prêtre.
Le psaume est un hymne à la gloire de Dieu-Roi. Par le don de sa vie Jésus a atteint la royauté ainsi célébrée : Il est prêtre, prophète et roi.
Ces textes réunissent les deux grands prophètes, Jérémie et Isaïe qui encadrent celui qui est « plus qu’un prophète » annoncé par Malachie puis par le Baptiste, Jésus lui-même, reconnu dans l’épître aux Hébreux.
Paul donne les conditions pour être prophète dans la lecture qui suit le récit de la vocation de Jérémie. Il ne suffit pas d’être déclaré prophète, d’avoir la science, d’avoir la foi, tout ce qui permettrait d’annoncer Dieu. Il ne suffit pas de l’annoncer par de bonnes œuvres. Je dois d’abord avoir l’amour. C’est d’un amour concret que Paul parle, il ne craint pas de rentrer dans les détails, il ne s’agit pas de sentiment vague ou d’émotion. C’est « le chemin par excellence ». La condition, c’est « de connaître parfaitement comme j’ai été connu », c’est-à-dire de vivre en Dieu comme il vit déjà en moi.
A la suite du texte d’Isaïe, Paul rappelle son rôle personnel de prophète et l’enseignement qu’il a donné. Il a été appelé malgré sa lutte précédente contre « l’Église de Dieu ». Il nous donne un exemple de ce que peut être un vrai prophète. Ce n’est pas de sa propre autorité qu’il peut prophétiser, il le fait « par la grâce de Dieu » qui, venant en lui, « n’a pas été stérile ». « Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu ». Qui parle ? « Ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi ». Cela répond au texte d’Isaïe sur la situation de l’appelé.
L’Évangile du 4ème dimanche (30 janvier) raconte l’épisode qui suit cette lecture d’Isaïe :
« L’Esprit du Seigneur est sur moi […] pour porter la bonne nouvelle aux pauvres […] proclamer une année de grâce du Seigneur »,
lecture de l’annonce de la venue du Messie. Jésus proclame alors dans la synagogue qu’il est celui qui accomplit la prophétie, et que, comme tous les prophètes (cf. Isaïe et Jérémie) il ne sera pas « bien reçu dans sa patrie ». Il constate ce refus, de chacun, de s’ouvrir à l’événement qui vient, à l’ailleurs de sa vie, pour répondre à sa vocation. Alors le prophète ne peut être entendu il n’est que « le fils du charpentier », bien de chez nous. Jésus dit une parole dure, annonçant que des païens ont mieux reçu les prophètes que les Juifs. Et on veut déjà le tuer pour cela, « mais, lui, passant au milieu d’eux, passait son chemin », ce qui rappelle la consigne donnée à ses disciples de secouer la poussière des pieds en quittant les lieux où on les refusera. Comme Jérémie qui sera persécuté, comme Isaïe envoyé pour s’opposer au peuple et en subir les conséquences, Jésus prophète est en butte avec les siens, et son sort sera pire encore que ceux de ces deux prédécesseurs.
L’Évangile du 5ème dimanche (6 février) nous raconte l’appel par Jésus de ses disciples pour en faire des « pêcheurs d’hommes ». Il appelle de nouveaux prophètes qu’il enverra sur toute la Terre. En ce sens, là encore, Il est plus qu’un prophète, il peut envoyer au nom de Dieu. Là encore la réponse attendue ne peut être que simple : le refus triste de Nicodème dont la foi n’arrive pas à le libérer de sa propre vie pour accéder à la Vie, à la renaissance qui lui est proposée, ou l’acceptation sans commentaire : « et laissant tout, ils le suivirent ». Ils partent vers l’inconnu, ouverts à ce qui peut advenir, « vers qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de Vie ? ».
Fête de la Présentation au Temple : Jésus est l’envoyé de Dieu, il ne s’auto-désigne pas. Anne et Siméon représentent le Temple, ils sont là pour confirmer sa vocation qui est une réponse à l’appel de Dieu. Il est venu enfin, ce prophète qu’on attendait, celui annoncé par Malachie, qui par son action amène le salut attendu. Siméon et Anne peuvent louer Dieu de cette venue attendue depuis des siècles par ceux qu savent attendre et entendre. Mais elle se fera dans la douleur : cette « lumière qui se révèle aux nations » portée par Jésus « provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël », « il sera signe de contradiction ». Cela rappelle ce que Dieu a annoncé à Isaïe et Jérémie quand il les a appelés pour être ses envoyés. Quant à l’enfant, « la grâce de Dieu était sur lui », cette grâce qui lui permettra de réaliser sa mission.
Ces textes de ces trois eucharisties nous appellent à reconnaître nos propres vocations et à les méditer.
Marc Durand