Aller à la racine, urgence et nécessité

Publié le par Garrigues et Sentiers

« Ô Dieu pardonne-nous de n'avoir pas compris que le pouvoir que tu nous donnes... »

Oser aller jusqu'à la racine demandait François le 20 août 2018 : « dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme ». Or la racine n'est-elle pas précisément exprimée dans cette phrase, dite sûrement en toute bonne foi et humilité, par le président de la Conférence épiscopale française lors du temps pénitentiel à Lourdes, ce samedi matin 6 novembre 2021 : « Ô Dieu pardonne-nous de n'avoir pas compris que le pouvoir que tu nous donnes demande une exemplarité sans failles... »

Cette phrase resplendit d'humilité, de repentance... et de la toute-puissance de Dieu, que s'attribuent ainsi les évêques : Eric de Moulins-Beaufort parle à Dieu du pouvoir que Dieu leur donne à eux tous, les évêques.

J'avoue avoir été scotché par la simplicité et l'énormité de cette formule : « le pouvoir que tu nous donnes... » C'est l'affirmation même de cet être sacré que se reconnaissent les évêques et avec eux tout le corps sacerdotal, et cela depuis les premiers conciles. Dire ce que pense Dieu, agir selon ce que Dieu veut, se prétendre représentants de Dieu sur terre, voilà selon moi la racine du mal.

Nous sommes habitués à ces formules... « Le pouvoir que tu nous donnes »... Au fil des siècles, il s'est vécu des choses magnifiques au nom de ce pouvoir, il y en a eu aussi d'insupportables et d'abominables. La pédocriminalité ne vient-elle pas, comme un vrai séisme, mettre notre Église au pied du mur ? Et nous contraindre à poser des questions qui fâchent et qui peuvent faire très mal...

« Le pouvoir que tu nous donnes »... Qui peut s'arroger le droit de dire ce que Dieu pense, ce que Dieu est, ce que Dieu veut ? Qui peut prétendre agir au nom de Dieu ?

Oser au moins se poser cette question, accepter tout ce que cela peut avoir de déstabilisant, se préparer à renoncer à tous ces pouvoirs qu'on croyait avoir, et chercher, dans l'égalité totale, comment faire face à cette crise, comment marcher ensemble...

« Le pouvoir que tu nous donnes »... Non, selon moi, aucun d'entre nous, même pas François, ne peut parler du « pouvoir que Dieu lui donne » et cela pas plus une personne qu'un groupe, même s'il s'agit de l'Église. Cela c'est s'annexer Dieu. Qui pourrait avoir l'audace de s'approprier Dieu ?

Pardonnez-moi ma radicalité. Peut-être vous paraîtra-t-elle un orgueil démesuré, une prétention incroyable et inadmissible.

Tant pis mais je crois qu'il faut avoir le courage d'appeler un chat un chat... un abus de pouvoir un abus... même si cela dure depuis des siècles !

Jean-Luc Lecat 

Publié dans Réflexions en chemin

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V
Je trouve votre article très beau et poignant au possible. L’Église vous rend malade parce que vous êtes dans un double bind permanent: vous êtes dans l’Église en n’y étant plus et n’avez que le malheur en perspective en ne la quittant pas. L’Église est une création de Dieu; nier ce principe, c’est mettre à bas l’édifice. «Qui peut s'arroger le droit de dire ce que Dieu pense, ce que Dieu est, ce que Dieu veut? Qui peut prétendre agir au nom de Dieu? » Mais la réponse est simple: l’Église, justement; c’est sa définition même! Le message de Dieu est RÉVÉLÉ, et il est révélé à l’Église, c’est pourquoi elle seule est habilitée à en parler. Si vous n’y croyez pas, pourquoi restez-vous dans l’Église? C’est à mon avis la seule question qui vaille, et la seule VRAIMENT dérangeante.
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L
Complètement d'accord avec Jean-Luc...Autorité et pouvoir. L'autorité donne "des pouvoirs" mais ne donne pas "le" pouvoir.
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