A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

27ème dimanche du temps ordinaire 3/10/2021

Gn 2, 18-24 ; Ps 127 (128) 1-6 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16.

 

Les textes de ce dimanche nous obligent à d’abord réfléchir à la question de l’interprétation des écrits bibliques. Devant ces écrits il faut être sérieux : on ne peut pas balayer ce qui ne nous plaît pas, et il faut essayer de rentrer dans leur économie pour les prendre comme une révélation de Dieu ici et maintenant, dans notre vie actuelle.

 

Si nous penchons du côté fondamentaliste, avec une lecture au premier degré, le premier texte, dans la Genèse, fait de la femme un complément de l’homme dont elle est issue, d’où une hiérarchie dite « naturelle » entre eux et la nécessité du mariage (« il n’est pas bon que l’homme soit seul »). Le second texte, de l’épître aux Hébreux, nous apprend que pour entrer dans le plan de Dieu, il nous faut souffrir, la souffrance en fait partie, voulue par Dieu semble-t-il. Enfin le troisième proclame l’indissolubilité du mariage.
Seulement une telle lecture ignore le contexte, fait de la Bible un enseignement dicté aux rédacteurs, enseignement essentiellement éthique, ou moral. Cela ne tient pas la route si l’on réfléchit quelque peu, c’est le même argument qu’utilisent les fondamentalistes musulmans pour figer le Coran (
« dicté par Allah » donc un sacré intouchable). On connaît les conséquences d’un tel simplisme pour la vie de foi, des chrétiens comme des musulmans ou des Juifs…

 

L’évangile du jour se termine par un appel de Jésus : « celui qui n’accueille pas le royaume à la manière d’un enfant n’y entrera pas ». Il est nécessaire de nous débarrasser de nos a priori, de nos certitudes, pour écouter la Parole et la faire vivre en nous. La Bible nous introduit à un processus lent de la découverte de Dieu qui petit à petit se révèle aux hommes. Aucun texte ne peut être pris à la lettre (« la lettre tue, l’esprit vivifie »), chacun doit être écouté, remis dans son contexte, décortiqué pour comprendre ce qu’il peut signifier aujourd’hui pour nous, comment il nous éclaire sur un chemin dont nous ignorons la fin, chemin de découverte de Dieu parmi nous. Nous devons redonner vie à la lettre, sinon il s’agit d’une lettre morte.

 

Les premiers chapitres de la Genèse sont mythologiques, éclairage sur les origines de l’humanité. Ils donnent l’ordre des choses : le Dieu-Créateur instaure la domination de l’homme sur les animaux (c’est à l’homme de donner un nom à chacun). Mais aucun animal ne peut être une véritable aide pour l’homme, ne peut faire couple avec lui. Pour qu’il puisse être relation (il a été créé à l’image de Dieu qui est relation), il est nécessaire que l’homme ait en face de lui un(e) semblable tout en étant différent(e). Semblable, issu de sa chair, différent pour pouvoir entrer en relation d’égal à égal, sans domination de l’un sur l’autre. Une analyse un peu fine des premiers chapitres de la Genèse montre que ce n’est pas une hiérarchie entre l’homme et la femme qui est en cause. Les textes ne traitent pas non plus de l’homosexualité, l’important est que le vis-à-vis soit différent, libre dans le face à face. Magnifique texte, donc : « l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » Nous sommes invités à méditer sur notre condition d’hommes et de femmes appelés à se rencontrer, à faire couple, à créer la vie. Ne faire plus qu’un, dans la différence.

 

Après cette méditation sur notre condition humaine, nous sommes invités à considérer l’action de Dieu pour nous mener jusqu’à Lui. Sur ce chemin, l’épître aux Hébreux se heurte au scandale de la Croix et constate que suivre le Christ amène à renoncer à soi, à accepter la souffrance due à ce renoncement quand elle se présente. L’important est que « Celui pour qui et par qui tout existe, voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire » et « celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine ». Dieu a envoyé son Fils pour que nous puissions avoir la même origine que lui et être ainsi sanctifiés, d’où notre condition de frères du Christ. C’est cela qui est important, la volonté du Père de nous appeler à la vie avec Lui, en devenant frères du Christ, plus que le constat de la souffrance dont l’auteur de l’épître semble faire une nécessité pour Dieu. Écrivant dans le siècle qui a vu la crucifixion et la ruine du Temple, on comprend cette insistance sur la souffrance. Bien d’autres textes insistent sur la joie du Royaume, celle de devenir des « enfants de Dieu » en suivant le Christ. Dans le premier Testament déjà cette joie est proclamée, comme par exemple cette invite d’Esdras après avoir lu la Loi au peuple : « Ce jour est saint pour Yahvé votre Dieu ! Ne soyez pas tristes, ne pleurez pas ! […] Allez, mangez des viandes grasses, buvez des boissons douces » (Ne 8, 9-10). Ce texte aux Hébreux nous invite à la reconnaissance de l’appel de Dieu et à l’action de grâces, tout en n’ignorant pas le passage par la Croix.

 

L’évangile de Marc sur le mariage est couramment utilisé pour condamner le divorce. Que dit-il ? Quel en est le contexte ? Du temps de Jésus, un homme pouvait simplement répudier sa femme, ce qui la rejetait de la société, la condamnait à une vie devenue impossible*. C’est d’abord cela que Jésus condamne au cours d’une série d’affirmations** qui s’en prennent à l’injustice de la loi dans nombre de situations. Il va beaucoup plus loin en disant que le mariage est œuvre de Dieu (« ce que Dieu a uni »), en se référant au texte de la Genèse. Cela interdit-il de constater que la séparation peut exister ? Le divorce est un échec, on ne se marie pas en prévoyant le divorce qui suit ! Si on peut maintenir le lien qui a été béni par Dieu, c’est le mieux, c’est le dessein de Dieu. Mais dans tout l’évangile, l’amour prime. Si l’on prend toute l’économie de l’enseignement de Jésus, jamais il ne veut nous enfermer dans une situation impossible. « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » nous a-t-il enjoint, son enseignement sur le mariage ne doit pas être pris à la légère, mais il ne nous condamne jamais, même si nous ne sommes pas «  parfaits comme [le] Père céleste est parfait». Nous lisons ainsi d’abord un refus de l’injustice que la loi d’alors permettait, et surtout un appel à considérer la grande dignité du mariage, à approfondir chaque jour notre amour pour notre conjoint, signe de l’amour de Dieu pour les hommes.

 

Ces trois textes, pour peu qu’on veuille les méditer de façon positive, sont un appel à approfondir notre marche sur les traces de Jésus dans notre vie actuelle, vie de couple ou vie de relations avec le prochain.

 

Marc Durand

 

* Le rajout sur la femme qui quitte son mari (rajout qui ne se trouve ni dans Luc ni dans Mathieu) est une référence au droit romain. Le rédacteur final a dû vouloir équilibrer l’enseignement pour les lecteurs non-juifs qui pouvaient s’étonner que l’on ne parle que de l’homme répudiant sa femme, ce qui était la réalité du droit juif.

** Dans les textes parallèles de Luc et Mathieu.

 

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C
En ce qui concerne le texte de Gn 2 (et aussi Gn 1), il est regrettable que les traductions de nos bibles françaises continuent, pour la plupart, à maintenir cette domination masculine : le mot hébreu "ha'adam" est traduit par "homme" alors qu'il s'agit d'un humain non sexué, le mot hébreu traduit par "côte" n'a jamais signifié un os mais "côté" ou "partie", et est utilisé aussi pour le vantail d'une porte. Quant à "l'aide", la traduction par "secours" serait plus exacte. La mentalité patriarcale aidant, nous en connaissons les conséquences. Seules les bibles éditées par Bayard font un effort, en traduisant par "l'humain" ou l'adam". Faire modifier ces traductions est quasi impossible. André Wénin, professeur d'exégèse de l'Ancien Testament et de langues bibliques à la faculté de théologie de l'Université catholique de Louvain-la-Neuve ", m'a écrit "tout est verrouillé"...
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