Résurrection-Ascension-Pentecôte

Publié le par Garrigues et Sentiers

 

Ces trois termes désignent le même événement que la Tradition nous propose d’approfondir tout au long des cinquante jours qui suivent la fête de Pâques. Il s’agit du second volet (le volet « glorieux » est-on tenté de dire, mais…la gloire n’est-elle pas pour plus tard ?) de l’élément central de notre foi : la Mort-Résurrection du Christ, réponse du Père à sa promesse faite à son peuple Israël, car « Dieu ne regrette rien de ses dons ni de son appel » (Rm 11, 29).

 

La Résurrection n’est pas une sortie glorieuse du tombeau, mais l’apparition d’un tombeau vide. L’Ascension n’est pas plus glorieuse, « une nuée le déroba à leurs regards » (Ac 1, 9). C’est alors que pourra s’accomplir la promesse du Père, car « vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans l’Esprit » (Ac 1, 5).

Le Christ ressuscité laisse la place vide, il n’a pas « rétabli le Royaume en faveur d’Israël […] il ne vous appartient pas de connaître le temps et l’heure que le Père a fixés » (Ac 1, 6-7). Les Apôtres sont renvoyés en Galilée (il leur faudra la force de l’Esprit pour se décider à s’éloigner du centre, Jérusalem, pour aller vers cette périphérie) et l’humanité est renvoyée à sa propre responsabilité. Ce n’est pas Jésus qui va organiser le monde. La Pentecôte n’est pas une irruption de l’Esprit dominant le monde, mais le don de l’Esprit à chacun, personnellement (une langue de feu pour chacun), donnant à chacun la force de sortir de lui-même pour se tourner vers les hommes en parlant leurs langues (plutôt qu’une glossolalie pour glorifier Dieu) et leur annoncer la Bonne Nouvelle : les hommes sont appelés à devenir fils du Père comme le Christ ressuscité les y a invités. « L'homme et l’humanité entière ont, corps et âme, vocation à engendrer dès à présent leur éternité » écrit Jean-Marie Kohler dans un article sur la Résurrection qu’il faudrait entièrement relire (1). Les hommes participent à la Résurrection du Christ. « Le corps du Christ ressuscité est une communauté humaine réunie... ‘en mémoire de lui’ » écrit Loïc de Kérimel (2).

 

La Pentecôte est essentielle, tout autant que l’Ascension et la Résurrection : c’est l’Esprit reçu qui nous anime et nous permet de prendre en mains le monde et l’annonce du Salut. C’est l’Esprit qui vit en nous qui fait de nous le Corps du Christ. Sans l’envoi de l’Esprit, ce serait au Christ ressuscité, seul, de poursuivre son œuvre, ce qu’il ne veut pas : « Cependant je vous dis la vérité : c’est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jn, 16, 7).

 

Après les tâtonnements des premiers siècles, l’Église a bâti son institution (et sa théologie) sur l’exemple des empires, faisant du Christ le Souverain du Monde, oubliant que le « Prince de ce Monde » est Satan. Oubliant l’Esprit qui nous fait vivre, qui nous défend, qui est le « Consolateur », elle a remis le pouvoir, tout pouvoir, dans les mains du Christ chargé de nous gouverner... par l’entremise de son « vicaire », le pape. C’était aller un peu vite en besogne : si le Père tout-puissant règne avec son Fils glorieux pour gouverner le Monde, les temps sont finis, il n’y a plus d’eschatologie, nous sommes dans l’après-Parousie. Cela est radicalement contraire à ce qui se passe à l’Ascension qui nous renvoie à nos responsabilités envers les hommes, avec l’aide de l’Esprit qui nous est promis, venue qui se réalise dans la foulée, à la Pentecôte. Une telle théologie oublieuse de l’Esprit et faisant du Christ notre roi, marque un renoncement à notre temps, à la Terre, pour se croire déjà dans le Ciel.

 

Jésus n’a laissé aucun écrit, mais non plus aucun corpus. Son enseignement est juste le rappel de l’amour du Père et le sens donné au don de sa vie pour nous faire fils avec lui. Il a fallu quatre évangiles et bien d’autres textes pour essayer un début de compréhension : les interprétations sont divergentes dès le départ, l’Esprit travaille en chacun et nous permet de découvrir des chemins de Salut. Jésus n’a pas fondé une doctrine sainte et absolue mais nous a demandé de le suivre avec ce que nous sommes, en interprétant les textes, les méditant, les approfondissant. Les dogmes décrétés lors des Conciles, principalement ceux des premiers siècles, sont des points d’orgue des diverses avancées dans la compréhension de notre foi, points qui ne sont pas figés mais doivent être repris à chaque époque, et par chacun, car rien ne peut enfermer la Vérité, ni surtout l’Esprit.

 

Nous vivons dans un processus de construction du Royaume, de compréhension de notre foi, qui ne s’achèvera qu’avec la venue finale du Christ qui, alors, mais seulement alors, récapitulera tout pour le remettre dans les mains du Père. Pour le moment le Christ a laissé la place, toute la place, aux hommes pour qu’ils se dirigent sur le chemin du Salut. Et ils peuvent le faire, dans l’Espérance malgré tous les obstacles, parce qu’ils ont reçu le Défenseur, l’Esprit qui leur fait dire « Abba, Père ».

 

Reste enfin que pour recevoir l’Esprit il faut accepter de l’accueillir. Dieu a pris le risque que l’homme refuse cet accueil, et par là empêche la récapitulation de tout par le Christ. Qu’est-ce qu’accueillir l’Esprit ? Qui l’accueille ? Comment l’accueillir ? Nous sommes alors au-delà des diverses religions. A chacun de creuser son chemin … dans l’Esprit.

 

Marc Durand

 

(1) Jean-Marie Kohler, Vivre par-delà la mort, ou le miracle de la résurrection au quotidien, Garrigues et sentiers, 15 septembre 2020.

 

(2) Loïc de Kérimel, En finir avec le cléricalisme, Seuil, 2020.

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