Veillée Pascale et dimanche de Pâques
Cette année nous ne pouvons pas célébrer la veillée pascale, mais ne l’occultons pas, elle est l’occasion de revenir sur ce qui fait de nous des Chrétiens, l’histoire des relations de Dieu avec son peuple. Cette histoire est marquée par la promesse de Dieu, sans cesse réitérée et qui va aboutir dans la Résurrection. La promesse vétéro-testamentaire, bloquée par la Loi et l’élection d’Israël, est libérée. Elle trouve son accomplissement dans l’Évangile, accomplissement irréversible, qui est, sur terre et dans le temps, une promesse de l’avenir du Christ.
Nous proposons de méditer sur la veillée pascale avant de célébrer la Résurrection dans les textes du jour. N’oublions pas, dans cette longue méditation de la veillée, ou le lendemain en célébrant le Christ ressuscité, n’oublions pas la situation que nous subissons depuis un an. La Résurrection ouvre le Royaume ici-bas, elle ne nous retire pas du monde.
N’oublions surtout pas ceux qui souffrent de la situation probablement beaucoup plus que la plupart d’entre nous, lecteurs de ce blog (en se limitant à ceux qui nous entourent, on pourrait aussi évoquer ce qui se passe ailleurs!) :
Les jeunes qui ne savent plus où donner de la tête, voyant leur avenir se déliter alors qu’un jeune n’a que son avenir pour se projeter dans la vie.
Les personnes les plus pauvres, qui n’ont pas de filet de protection quand elles ne peuvent plus travailler, qui vivent concrètement les confinements dans des conditions matérielles très éprouvantes.
Les personnes discriminées, migrants demandeurs d’asile (combien vivent dans la rue?), sans-papiers (comment se soigner ? Même malades ils vont travailler, sinon ils ne mangent pas…), les autres migrants que la société repousse, les Roms (comment manger quand on habite un bidonville et qu’on ne peut plus faire de la ferraille ou autres activités devenues impossibles?).
Et tous ceux qu’on ne peut énumérer mais qui sont dans la souffrance.
La vie que nous célébrons cette nuit, la « vie véritable » que nous propose le Christ, cette vie commence ici-bas, et d’abord pour ceux qui souffrent. Les oublier donnerait un goût amer à nos célébrations.
Veillée pascale
Les textes de l’Ancien Testament proposés veulent nous rappeler diverses étapes qui nous ont menés du Dieu Créateur de la Genèse au Dieu d’Ézéchiel qui met en nous son Esprit, qui nous donne des cœurs de chair, dans la fidélité à sa promesse, à son Alliance. Nous sommes invités à relire ces textes que nous connaissons bien comme une prière, une façon de se tenir devant Dieu en cette nuit particulière, en les entrecoupant de psaumes. La Résurrection ne peut prendre sens qu’à la suite de ce cheminement. Comprendre que le Christ est vivant : il ne s’agit pas d’une vision béatifique (1), c’est le Jésus de l’histoire, héritier de toute la marche de son peuple avec son Dieu, que le Père a relevé de la mort comme Fils premier né. L’Épître aux Romains choisie pour cette veillée fait le lien entre Croix et Résurrection pour nous en indiquer le sens, notre libération après l’enfouissement, le commencement d’une ère nouvelle. L’Évangile de cette nuit ne donne pas dans le merveilleux, comme ces annonces triomphalistes que l’on entend bien souvent, il présente un tombeau vide ! Le Christ a été enseveli, nous sommes ensevelis avec lui, mais il n’est pas resté dans cet échec de la mort, il nous précède en Galilée (c’est à nous de courir à sa suite), c’est-à-dire ailleurs, non pas dans le Temple mais dans le monde.
Voici les textes proposés :
Gn 1, 1 – 2, 2 (Création en 7 jours), Ps 103 (104) (« Bénis le Seigneur » pour sa création).
Gn 22, 1 - 18 (Sacrifice d’Isaac, promesse de Dieu « je te comblerai de bénédictions »), Ps 15 (16) (mon refuge est en Dieu).
Ex 14, 15 – 15, 1 (passage de la Mer Rouge), Ex 15, 1 – 6, 17 – 18 (Eclatante est « sa gloire »).
Is 54, 5 – 14 (tendresse du Seigneur dans son « éternelle fidélité ») Ps 29 (30) (Dieu m’a relevé).
Is 55, 1 – 11 (« venez à moi...je m’engagerai envers vous dans une alliance éternelle ») Is 12, 2 – 6 (« J’ai confiance, je n’ai plus de crainte »).
Ba 3, 9 – 15.32 – 4, 4 (le peuple est errant, perdu, mais la Sagesse est partout ... « reviens Jacob, saisis-la de nouveau). Ps 18 (19), 8 – 11 (« la Loi du Seigneur est parfaite, qui redonne la vie »).
Ez 36, 16 – 28 (Pour sauver son Nom – Dieu a lié son Nom aux hommes - Dieu va de nouveau réunir Israël et le purifier, « j’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair, je mettrai en vous mon esprit »).
Ps 41 (42) 3, 5 ; Ps 42 (43) 3, 4 (« mon âme a soif de Dieu »). Ps 50 (51), 12 – 15, 18 – 19 (« rends-moi la joie d’être sauvé »).
Rm 6, 3b – 11 (« lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toute ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant...vous êtes vivants pour Dieu en Jésus-Christ ».
Ps 117 (118), 1.2, 16 -17, 22 – 23 (« non je ne mourrai pas, je vivrai »).
Mc 16, 1 – 7 (le tombeau est vide, le Christ « vous précède en Galilée »).
Célébration du jour
Ac 10, 34a.37 – 43 ; Ps 117 (118) ; Col 3, 1 – 4 ; Jn 20, 1 – 9.
Ces lectures commencent par le « discours de Pierre » qui témoigne de ce qu’il a compris. Le Ressuscité n’est pas un fantôme, mais bien le Jésus qui a arpenté les routes de Galilée et de Judée en annonçant le salut. « Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts ». Et saint Paul nous annonce le bouleversement de nos vies, elles sont désormais guidées par « les réalités d’en haut ». Jusqu’à Jésus les hommes marchaient accompagnés par Dieu qui leur avait promis sa bénédiction, mais on ne voyait ni but ni fin. La Résurrection change la donne, c’est la vie en Christ qui donne sens à notre vie sur terre. Elle ne nous sépare pas de la terre, mais elle inverse notre regard sur nos vies.
Quant à l’évangile, il est là pour nous amener à son sommet : « il vit et il crut ». A cela il ajoute cette remarque qui est bien contemporaine : « Jusque là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ».
Marc Durand
1 – La tentation de faire l’impasse sur l’histoire, de voir en la Résurrection un événement merveilleux, une manifestation de Dieu qui instaure dès aujourd’hui et complètement le Royaume parmi nous, cette tentation a été forte dans les premiers siècles, par exemple dans la gnose. Mais alors le Christ n’a plus de réalité, il serait l’image que nous avons de Dieu dans le ciel, image qui ne changerait rien à nos vies sur terre. La Croix serait effacée alors qu’elle est une des faces de la Résurrection.