Crise du Covid et explosion des inégalités
Dans sa publication d’avril 2021, le magazine américain Forbes donne un certain nombre d’informations sur l’évolution de la santé financière des milliardaires au plan mondial depuis le début de la crise du Covid 19. Deux associations très engagées dans la lutte contre les inégalités et la domination des marchés financiers sur l’économie réelle, ATTAC France (1) et OXFAM France (2), commentent ces données dans une note intitulée « l’indécent enrichissement des milliardaires français pendant la pandémie » : « La crise sanitaire aurait fait basculer un million de françaises et de français dans la pauvreté qui s’ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Les ultra-riches ont au contraire connu une spectaculaire augmentation de leur fortune Entre mars 2020 et mars 2021, la fortune des milliardaires français a augmenté en moyenne de 40% et la France compte 4 milliardaires de plus dont le fondateur du Laboratoire Moderna » (3).
Les auteurs de cette note expliquent cette spectaculaire évolution non pas d’abord par la performance économique des entreprises, mais avant tout « grâce à la politique monétaire généreuse de la Banque Centrale Européenne qui a injecté des centaine de milliards d’euros sur les marchés financiers, sans réelles contreparties, afin d’éviter un effondrement boursier (…) et les aides massives accordées par l’État français aux entreprises du CAC 40 sans contrepartie sociale, fiscale ou environnementale ». Par ailleurs, « les ultra-riches rivalisent d’imagination pour échapper à l’impôt. Parmi les 50 familles les plus riches de France, 37 ont une présence au Luxembourg et y détiennent 535 sociétés avec au moins 70 milliards d’euros d’actifs ». ATTAC et OXFAM regrettent qu’à ce jour « le gouvernement français refuse tout débat sur une juste contribution des plus riches. Pourtant, même le Fonds monétaire international, qui était partisan des politiques d’austérité il y a encore peu, vient de recommander d’augmenter, au moins provisoirement, les impôts sur les plus riches et les entreprises ayant fait le plus de bénéfices pendant cette période afin d’aider les gouvernements à juguler les effets de la crise économique liée à la pandémie. Un appel secondé par le secrétaire général de l’ONU ».
Je voudrais laisser le dernier mot à un chef d’entreprise, Nicolas Hazard, fondateur de INCO (société d’investissement d’un réseau mondial d’incubateurs d’entreprises sociales) qui confirme cette analyse à partir de son expérience entrepreneuriale dans une vingtaine de pays : « La mondialisation et le néolibéralisme ne sont plus capables d’endiguer les inégalités sociales grandissantes et le réchauffement de notre planète. Les solutions d’hier sont les problèmes d’aujourd’hui et peut-être les tragédies de demain. Rien de plus faux que cette croyance en un espace-temps infini où nous pourrions extrapoler indéfiniment les principes qui nous ont réussi au XXe siècle (…). Le salut nous viendra d’un passage à l’action, d’une myriade d’initiatives venues de la société qui, en se multipliant, feront à terme basculer le système, tout en donnant immédiatement du sens à nos vies ! » (4).
Bernard Ginisty
- ATTAC : Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne < https://france.attac.org>
- OXFAM: Oxford Committee for Relief Famine <www.oxfam.org/fr>
- Au sujet des milliardaires français, « la France détient le record d’Europe de la concentration des richesses entre les mains des milliardaires : ainsi, selon le magazine Alternatives Économiques, si on calcule la somme par nationalité des fortunes européennes classées dans les 500 personnes les plus riches de la planète, la fortune des milliardaires français s’élève à 354,3 milliards d’euros, loin devant les milliardaires allemands (280,6 milliards d’euros) ou du Royaume Uni (146,6 milliards d’euros) ».
- Cf. Nantes Innovation Forum. Les crises, moteur de la citoyenneté ? Supplément de 4 pages dans le journal Le Monde du 8 octobre 2020. Depuis juillet 2020, Nicolas Hazard est conseiller spécial en charge de l’économie sociale et solidaire à la Commission Européenne.