À l'écoute de la Parole de Dieu
2ème dimanche de Pâques 11/04/2021
Ac 4, 32-35 ; Ps 117 ; 1 Jn 5, 1-6 ; Jn 20, 19-31
Le doute comme chemin de la foi
Même ceux et celles qui avaient vécu plusieurs années avec Jésus ont douté avant de reconnaître Jésus ressuscité. Alors, pour nous !
En Mc 16,8 Les femmes, les premières à qui « fut vu » (ophthé) Jésus ressuscité, ont peur même après l'apparition de l'ange : « Elles s'enfuient, toute tremblantes et ne disent rien à personne », contrairement à la mission reçue du Christ d’annoncer aux disciples qu’il était ressuscité.
En Jean 20,11-18, Le Christ se manifeste à Marie-Madeleine. Elle le prend pour un jardinier. Une fois qu'elle le reconnaît, elle s'agrippe à lui ; sans doute pensait-elle que tout allait recommencer comme avant. Jésus est obligé de la reprendre en lui disant de « cesser de le retenir ».
Quant aux disciples, ce n'est pas mieux : d’abord, ils prennent les dires des femmes pour des « racontars de bonne femme » ! Il est vrai qu'à l'époque, le témoignage d’une femme n'avait aucune valeur. Simon Pierre, fatigué par sa course, voit le tombeau vide. Il ne comprend rien, alors que Jean, plus rapide physiquement et intellectuellement, « voit et croit ». Même scénario chez les disciples d’Emmaüs : ils prennent Jésus pour un marcheur inconnu. Bien qu’ils aient « le cœur brûlant », ils ont d’après Luc 24,30- 32 « l’esprit lent ». Quand ils retrouvent les Douze, tout hommes qu’ils soient, ils ne sont pas plus crus que les femmes !
Quand Jésus ressuscité apparaît à l'ensemble des apôtres enfermés et tremblants par peur des Juifs, ils doutent et pensent « que c'est un esprit » En Luc 24, 7ss, « à cause de la joie ils ne croyaient pas encore ».(Luc 24,41 ; phrase énigmatique : sans doute croyaient-t-ils en un Jésus réanimé ; tout allait aussi recommencer comme avant.
La fin est un sommet ! (sans mauvais jeu de mot) En Ac 1,6, juste avant l’ascension, lors de la dernière rencontre, le Christ qui s’est manifesté pendant 40 jours, leur a donné l’Esprit et les a envoyés s’entend poser la question « stupide » qui prouve que certains des apôtres n’ont encore rien compris : « Est-ce maintenant que tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? », espoir d’une restauration messianique d’Israël, conception du Messie contre laquelle Jésus avait lutté durant toute sa mission
Merci à Thomas d'avoir osé dire tout haut ses doutes, même si c'est pour lui l'occasion de se faire reprendre devant tous par le Seigneur. (Jn 20,29). Son intervention est bien dans la ligne du personnage : Thomas, surnommé le jumeau (didyme) n’est pas un inconnu parmi les douze disciples choisis par Jésus (Marc 3,18 /et parallèles) . En Jean 11,11, juste avant la résurrection de Lazare, Jésus décide que malgré le danger, ils vont retourner en Judée, chez Lazare. Thomas rétorque, péremptoire : « allons-nous aussi, et nous mourrons avec lui. » Plus loin, en Jean 14,4, Jésus affirme curieusement que les disciples connaissent le chemin par lequel il s’engage. Thomas le contredit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous connaître le chemin ? ». Cela demande du courage pour oser dire tout haut dans un groupe qu’on ne comprend pas et qu'on n’est pas informé ». Cette question permettra à Jésus de développer ses relations au Père.
Thomas était absent à la rencontre du Christ avec les disciples la semaine d’avant. On n'en connaît pas les raisons. Mais cela prouve une certaine indépendance. Il sera présent à la rencontre du Christ sur le lac de Tibériade et avec tous et toutes dans la chambre haute après l’ascension (Actes 1,13).
Réflexion faite, Thomas est particulièrement « bouché » (bienheureuse faute !). Toute la communauté des disciples qui a rencontré Jésus Christ ressuscité la semaine précédente, qui avait parlé à Jésus, avait reçu l’Esprit Saint pour la rémission des péchés, n’arrive pas à le convaincre qu’ils ont vu Jésus Christ ressuscité ! Comment l’expliquer ? Pour lui, comme pour les Grecs de l’époque, la survie des morts était possible sous forme d'esprit ou fantôme ; il est donc persuadé que les apôtres ont été en communication avec le fantôme de Jésus ; aussi Luc et Jean vont devoir insister sur le fait que Jésus est ressuscité avec son corps et n’est pas un fantôme. Thomas mettra son doigt à la place des clous et mangera du poisson grillé (Jean 21, Luc 24,41-42). Il faudra une rencontre personnelle avec Jésus pour que Thomas dépasse ses doutes et aie ce magnifique cri de foi « Mon seigneur et mon Dieu », écho des professions de foi des premières communautés primitives
Que conclure pour nous ?
Si les apôtres eux-même ont eu tellement difficulté à croire à la présence de Jésus ressuscité, il n’est pas étonnant que nous-mêmes, nous ayons à traverser bien des doutes pour accéder à la foi. N’ayons pas peur de dire entre nous nos doutes à nous personnellement et en Église car les textes d’Évangile montrent que la foi en Jésus Christ ressuscité ne se fait pas naturellement ; le doute fait partie d’un itinéraire de foi.
Première difficulté : Les cinq versions des apparitions (par ordre chronologique : Paul, Marc, Mathieu, Luc, Actes, Jean) ne concordent pas, quant aux lieux (Jérusalem ou la Galilée), aux durées (l’ascension, le soir de la résurrection ou 30 jours après), aux participants (les femmes ont disparu de la liste citée par Paul I Co,15 !).
Mais ces divergences mêmes confirment le seul fait historiquement incontestable : ceux qui avaient vécu avec Jésus pendant des années ont affirmé qu’il « leur avait été fait voir » (ophthé en grec) Jésus-Christ ressuscité avec son corps, mais autre. Jésus n'a pas voulu comme le Coran dicter un seul texte officiel, ce qui aurait été plus simple pour l’autorité. Ces six versions différentes disent, de manière différente, une même chose : leur rencontre avec le Christ ressuscité. Ce sont les témoignages des témoins qui disent l’expérience vécue d’une présence de Jésus ressuscité et à la différence d’une télé-réalité actuelle, les témoins donneront leur vie pour affirmer que cette expérience de rencontre avec Jésus-Christ ressuscité était vraie.
Deuxième difficulté : ce mystère est d’une certaine façon indicible car il s’agit d’une vie nouvelle et « inouïe » d’un homme hors de l’espace et du temps, deux catégories fondamentales pour penser notre vie humaine. Les Évangélistes ont chacun essayé de dire à leur manière cette présence du divin dans l’humain
N’ayons pas peur de nos doutes. Ils sont comme pour les apôtres une étape nécessaire de la foi ; après 2000 ans de christianisme, il est tellement facile de répéter « je crois en Jésus-Christ ressuscité » sans se rendre compte de l’inouï de cet acte de foi qui peut devenir une ritournelle qui n’a plus sens.
il s’agit vraiment là du cœur de notre foi : cet homme Jésus, Dieu l’a ressuscité et établi Seigneur fils de Dieu pour que nous, les hommes; soyons fils de Dieu. Un homme Jésus vit de la vie même de Dieu pour que nous les hommes puissions vivre de cette même vie d’Amour plus forte que la mort.
Cette rencontre avec le Seigneur ressuscité vient toujours d’une initiative de Dieu par son Fils Jésus Christ. Dire réellement « Mon seigneur et mon Dieu » n’appartient pas à nos seules forces. C’est un don de l’Esprit, une grâce. C’est la vie même de Dieu qui nous est donnée, car, par nature, Dieu, Père, Fils, Esprit n’est que don et amour.
Cette grâce est d’abord une expérience personnelle de rencontre : c’est quand Jésus appelle par son prénom Marie de Magdala qu’elle le reconnaît, ainsi pour Pierre, Thomas, Paul et tous les apôtres. Cette expérience de la présence d’un Autre se fait au plus intime de nous-mêmes. Jésus ressuscité nous rencontre au plus intime du plus intime de moi-même. Peut-être nous souvenons-nous de ces moments où nous avons fait l’expérience, au cœur même de nos doutes, d’une rencontre avec un Infini, peut-être dans des moments de prière, ou d’admiration d’un paysage, d’une musique, d’une tendresse partagée : cette expérience est une façon d’entendre à notre manière « Tu es mon fils, tu as du prix à mes yeux » ; tout parait alors évident, limpide dans ces rares moments ; même rares, ces moments ouvrent une brèche pour toute la vie, comme une trace de la vie du Ressuscité en nous.
Cette expérience de rencontre avec l’Autre se fait avec d’autres. La foi n’est pas solitaire; elle n’est pas monologue entre Dieu et moi, dans un espace et temps clos entre moi et mon Dieu privé. Comme pour les apôtres, cette expérience personnelle s’est faite au sein d’une communauté de croyants qui constitue le corps du Christ. Quand je dis « Je crois », je me situe dans cette longue chaîne de croyants décrite dans Héb12, depuis Abraham avec tout le peuple de Dieu. Elle se prolonge aujourd’hui par toutes les communautés de croyants avec lesquelles je partage cette foi en Jésus Christ et avec lesquelles je puis partager mes doutes et dire « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Cette expérience du Christ ressuscité, se fait pour d’autres. Cette rencontre du Christ ressuscité est liée à une mission : annoncer la bonne nouvelle là où je suis. Une bonne nouvelle ne se garde pas pour soi seul. On la partage et c’est en la partageant qu’elle devient réellement Bonne Nouvelle
Le propre de l’Agapè, divin ou humain, c’est de vouloir concrètement le bien de nos frères et sœurs, notamment des plus pauvres. « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. » Ceci, dès aujourd’hui ; il n’y a pas à attendre « la fin des temps ».
Merci Thomas.
Antoine Duprez