A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur 28/03/2021

Mc 11, 1-10 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1-15 47

 

Mystère de la liturgie des Rameaux, elle commence comme une joyeuse «entrée royale» et se termine dans l’insupportable tragédie de la Passion. Ça déroute !

L’entrée du Christ à Jérusalem se fait, certes, dans l’allégresse populaire, mais ce «triomphe» spontané reste au total bien modeste ! Jésus est monté sur un petit âne (symbole d’humilité) et non sur le fier palefroi des gens de guerre et de pouvoir. En outre, son public est constitué de «gens» ordinaires venus à Jérusalem à l’occasion de Pâques, et qui, apprenant que Jésus est là, accourent, jettent leur manteau ou dispersent des feuillages pour lui faire un chemin glorieux. Il n’y a rien de prémédité, mais rien de durable. Les foules sont versatiles et les mêmes, peut-être, qui ont applaudi le prophète «venu au nom du Seigneur», crieront «à mort», quelques jours suivants !

 

Les textes de la messe, eux, sont tous orientés vers le Golgotha.

Celui d’Isaïe sur le «serviteur souffrant» et le psaume 21 sont traditionnellement référés au visage du Christ bafoué, torturé, mais qui reste ferme dans sa fidélité au Père. Ce tableau austère et doloriste est un peu compensé par l’épître aux Éphésiens, qui annonce déjà l’espérance de Pâques. Parce qu’il a obéi jusqu’à la mort, le Christ Jésus est exalté par Dieu et « son nom placé au dessus de tout nom».

 

Vient l’évangile de la Passion. Les commentaires insistent généralement sur la Crucifixion, avec son cortège de souffrances : le procès, les coups, la montée au Calvaire, la mise en croix, les clous pénétrant dans la chair des membres distendus, la levée du corps, dont le poids tire sur les plaies, l’attente au soleil sous les quolibets, la soif …

Le récit de Marc (chap. 14) dénonce le complot ourdi contre ce Jésus qui gène les gens du Temple, «authentiques» défenseurs de la «Religion», en les mettant face à leurs contradictions. Sans aller jusqu’au procès, puis à la Croix, nous nous arrêterons aux versets 32 à 42, avant l’arrestation du maître.

A Gethsémani, Jésus, «Dieu-fait-homme», mais ici seulement homme, a dû ressentir ce que tout homme, sachant ce qui l’attend — véritable supplice avant le supplice — ressentirait : «frayeur et angoisse» (14, 33). Il confesse sa «tristesse» (v. 34). Il en sue «comme des gouttes de sang» précisera Luc (Lc 22,44). Il souhaite que la coupe (d’amertume) s’éloigne de lui… Mais il accepte totalement d’accomplir la volonté du Père, quoi qu’il lui en coûte..

Les conseils donnés pour la méditation des Écritures recommandent souvent, pour ancrer l’esprit dans le concret, de se figurer la scène. Par exemple : «(se) représenter, à l'aide de l'imagination, le lieu matériel où se trouve l'objet que je veux contempler» (Ignace de Loyola, Exercices spirituels, § 47). Jadis, cette mise en situation, fréquente au commencement d’une retraite, contribuait à «secouer» le croyant, l’invitant en quelque sorte à se considérer comme co-responsable, par ses péchés, de la mort de Jésus : «… dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi», fait dire Pascal à Jésus. Aujourd’hui, cette pratique nous mènera à prendre au sérieux la Croix, dont le poids a cessé de peser sur les épaules de la plupart de nos contemporains. Le pape François a dû rappeler, au cours de l’Angélus du 30 août 2020, que «la Croix ne peut être considérée comme un bijou ornemental», encore moins comme un signe idéologique exhibé par certains hommes politiques ultramontains.

Mettons nous en esprit dans cette attente insupportable de Jésus au jardin des Oliviers pour «apprécier» celle-ci dans son intensité. Nous pouvons, banalement, nous souvenir de notre crainte, notre tension extrême avant une simple intervention chirurgicale, alors qu’on savait pourtant qu’on allait recevoir des sédatifs … Que notre empathie pour lui, à ce moment, s’étende à tous les torturés du monde, quelles que soit les raisons de leur arrestation, même s’ils sont coupables, car la torture, encore fréquemment et honteusement pratiquée à travers le monde, est un procédé intolérable de déshumanisation.

Marcel Bernos

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