Semaine de prière pour l’unité des chrétiens

Publié le par Garrigues et Sentiers

Elle revient chaque année depuis les années 30, réunissant toutes les confessions chrétiennes depuis 1939. Serait-elle devenue un marronnier, comme on dit dans la presse ? L’ensemble des chrétiens s’y intéresse-t-il, croient-ils que cela a de l’importance ? Ou est-ce une petite manifestation comme d’autres qui se déroule sur son petit chemin sans que personne ne pense à ce qu’elle implique, ne désire vraiment que cette prière aboutisse ?

 

La semaine se déroule du 18 au 25 janvier, entre les fêtes de la « Chaire de Saint Pierre » et de la « Conversion de Saint Paul ». Pierre et Paul, les deux colonnes de l’Église, Pierre symbole du gardien du Temple, Paul symbole de la sortie du Temple. L’un serait-il plutôt catholique, le second plutôt protestant ? Cela pourrait se discuter.

 

C’est grâce au second que l’Évangile a été annoncé hors d’Israël, donc à nous, maintenant. Nous sommes tous fils d’Israël, ni Pierre ni Paul n’ont renié leur foi juive, mais Paul a forcé le premier à l’ouvrir au monde. La fête de la « Conversion de Saint Paul » prend alors toute son importance, elle mérite qu’on s’y arrête un peu.

 

Paul, homme de foi, aimait le Dieu d’Israël, ce Dieu exigeant aimant son peuple dont il veut être proche. Cette foi s’exprime principalement dans le respect de la Loi, par laquelle on rencontre Dieu. Cette conversion n’est pas un rejet de cette foi, mais un bouleversement : Paul a découvert Jésus, Christ ressuscité. Il a découvert le Juif Jésus et sa bonne nouvelle : Dieu appelle tous les hommes à devenir ses fils, Dieu passe de sa position dominante exigeant la soumission, de chef du peuple, à celle de Père (mais attention, le Père dans l’antiquité n’était pas un « copain », il détenait le pouvoir), qui se donne à ses fils qui peuvent l’appeler « Abba », c’est-à-dire « papa ». Par sa mort-résurrection Jésus atteste la vérité de cette relation, le monde en est transformé, et d’abord Paul.

 

Son premier apport est d’annoncer que l’amour de Dieu s’adresse à tous les hommes. Paul, apôtre des Gentils. N’est-ce pas déjà là que l’on découvre la nécessité de cette semaine de prière ? Tous les hommes sont appelés à devenir fils, à ce titre leurs divisions sont insupportables. Il ne s’agit pas d’uniformiser les chemins qui peuvent être nombreux et divers, mais de marquer notre fraternité, quel que soit le chemin qui est le nôtre. Chaque chemin a ses richesses, à nous de les découvrir. Oublions l’institution, catholique, réformée, orthodoxe, là n’est pas l’essentiel, tous nous sommes fils du Père par le Fils, tous nous sommes l’Église. Nous avons des désaccords doctrinaux ? C’est le travail des théologiens1. Cela a entraîné une dispersion des modes d’expression de notre foi, qui empêche une totale unité. À chacun de s’ouvrir et savoir accueillir, savoir célébrer avec les autres. Ne nous faisons pas d’illusions, ce sont les peuples qui font l’unité, pas leurs chefs. Espérons que ces derniers s’intéressent aux avancées doctrinales des théologiens, c’est sous la poussée des peuples qu’ils pourront refaire la communion entière entre nous tous.

 

La conversion de Saint Paul est aussi cette nouvelle fantastique : ce n’est plus la Loi qui est le chemin vers Dieu, mais l’amour. Cet amour, évidement, existait et existe toujours entre les Juifs et Dieu, les prophètes l’ont toujours proclamé. Mais désormais la Loi a pris la place d’un simple garde-fou (et en ce sens elle n’est pas abolie). Elle perd son rôle dominant parce qu’il y a ce nouvel amour de fils envers le Père, parce que par Jésus nous sommes vraiment devenus fils. Et si l’on prolonge un peu, ce n’est plus la Loi et ce ne sont plus les œuvres qui nous justifient. Elles aussi sont nécessaires, comme conséquence de l’amour, mais l’amour est premier. Premier est l’amour du Père pour nous, Lui seul nous justifie (merci à Luther d’avoir insisté sur cette réalité qui avait tendance à s’estomper). Les œuvres ? Par amour de Dieu nous pouvons aimer2 nos frères, mais cela ne dit pas tout. L’annonce de Jésus est aussi que l’Esprit vit en nous. Cet Esprit fait que nous sommes capables d’aimer nos frères, et à travers cet amour nous comprenons l’amour que Dieu nous donne. Je n’aime pas mon frère pour obéir à Dieu, par obligation parce que Dieu m’aime, mais parce que l’Esprit vit en moi, l’Esprit qui me fait dire « Abba, Père » et qui me fait proche et à l’écoute des autres.

Nous devons alors ouvrir encore un peu les perspectives. L’unité des chrétiens est une première marche vers l’unité des hommes. Tous sont appelés. Il y a ceux qui savent que Dieu vit en eux, qui donc peuvent prier Dieu, lui rendre grâce, le louer pour ces dons qu’il nous fait. Ceux-là, tous ceux-là, donc aussi les Juifs, aussi les Musulmans, témoignent de leur relation avec Dieu. À ce titre ils sont nos frères et nous pouvons les inclure dans cette grande prière pour l’unité non plus des chrétiens, mais des « croyants ».

Et il y a ceux qui ne le savent pas (parfois des chrétiens), qui n’ont pas été atteints par la révélation de la Bonne Nouvelle, ni par les annonces des prophètes ou encore celles de Mahomet. Cet immense monde est appelé par Dieu à vivre pleinement son humanité, l’Esprit est aussi en eux, parle à travers eux, travaille par eux à étendre l’amour parmi nous. Il existe une faille entre eux et nous parce qu’ils ne peuvent pas rendre grâce envers un Dieu qu’ils ignorent, mais au-delà de cette faille ils sont nos frères et nous disent quelque chose de l’amour qui nous anime. Dans « l’au-delà » il sera temps de rendre grâce, Dieu est infiniment patient, dès ici-bas tout homme qui s’efforce de vivre humainement est notre frère dont nous ne pouvons pas nous séparer.

 

Ainsi cette semaine de prière peut être pour nous l’occasion de nous ouvrir à tous nos frères chrétiens, mais aussi aux Juifs, nos pères dans la foi, aux musulmans qui adorent le Dieu de miséricorde, et à tous les hommes de bonne volonté (espérant qu’il s’agit donc de tous les hommes) avec qui nous partageons ce que nous nommons l’amour, qui n’est pas réservé à notre petite ou grande Église. Présentons l’humanité au Père, lui demandant de nous faire tous vivre de son Esprit, c’est le gage de notre espérance.

 

Marc Durand

 

 

1 – Le « Groupe des Dombes » réunit chaque année une quarantaine de théologiens catholiques et réformés, hommes et femmes, pour prier, célébrer ensemble et débattre sur les points de convergence et de divergence de nos fois respectives. Il publie des textes lorsque telle ou telle question a été suffisamment éclaircie. Il est un exemple vivant de l’unité de l’Église et développe ainsi depuis 1937 un chemin d’union qui transcende les séparations de nos diverses communautés ainsi que les « pudeurs » de nos responsables institutionnels.

2 – Il ne s’agit pas de sentiment d’amour (le sentiment aide mais n’est pas toujours présent, par exemple dans le « aimez vos ennemis ») mais de volonté du bien pour l’autre, de reconnaissance de l’autre dans toute sa richesse, de don de soi.

 

Publié dans Réflexions en chemin

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