«Esprit de Noël », es-tu là ?
Presse et pub manifestent le même empressement pour magnifier «l’Esprit de Noël», en rabâchant les mêmes fadeurs infantilisantes, avec les mêmes images mièvres de lumignons scintillants, de serpentins colorés, de neige artificielle, de «Père Noël» à lunettes et barbe blanche, bedonnant et souriant, entouré ou pas de ses rennes…
Noël est une fête largement sécularisée ; en étant plus rigoureux, on pourrait même dire profanée. La justifier en proclamant que c’est la «fête des enfants» n’en éclaire pas la genèse de sa version mondaine. Il n’est dès lors pas abusif de redire qu’à l’origine, il s’agit d’une célébration religieuse, celle de l’inattendue et «prodigieuse» incarnation de Dieu venu à l’homme, fait homme pour lui rappeler (ou lui apprendre), entre autres, ce que devrait être la vraie humanité.
Qu’y a-t-il de commun entre les vitrines encombrées, hyper-colorées, hyper-illuminées d’un monde marchand bruyant, sans finalité autre que le profit des bonnes affaires à réaliser en décembre chaque année, dans lequel nous mijotons, et la modeste étable, silencieuse, probablement froide et mal éclairée, de Bethléem ? Comment donner sens, pour des foules avides de biens matériels souvent fugaces, voire inutiles, à l’indigence de la mangeoire où repose l’espérance fragile du monde ?
Au moment même où une laïcité, parfois tatillonne, fait la chasse aux crèches publiques, à quoi correspond cet attachement forcené à une présumée «magie» d’un Noël, devenu simple spectacle le plus souvent anodin, au point de mettre entre parenthèses, pour quelques jours, les prescriptions de santé publique, appliquées avec rigueur dans d’autres domaines comme celui de la culture, pour permettre aux citoyens de fêter un rendez-vous calendaire plus ou moins coûteux, dont on a évacué la signification constitutive ?
Le Noël chrétien voulait être un temps de contemplation d’un mystère «incroyable», illustrant l’amour de Dieu pour l’humanité, une invitation à ancrer dans nos vies, par cet exemple venu d’en haut, le «aimez-vous les uns les autres» cœur de notre foi. Le «nouveau» Noël (pas si nouveau que cela d’ailleurs) semble ne plus être qu’un appel insistant à consommer ; enfin pour ceux qui ont les moyens de le faire…
Heureusement, la «Caritas», véritable Esprit de Noël qui souffle où il veut, se retrouve dans des initiatives séculières. Elle s’est parfois, et heureusement, incarnée aux périphéries dans des «œuvres» laïques, comme les Restos du cœur.
Albert Olivier