A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

28e Dimanche du Temps Ordinaire (Année A) 11/10/2020

Is 25, 6-10a, Ps 22 (23), Ph 4, 12-14.19-20, Mt 22, 1-14

 

Notre espérance eschatologique ne repose-t-elle vraiment que sur la promesse d’un «festin de viandes grasses et de vins capiteux» faite par Isaïe au nom du Seigneur ? Ce serait transférer «au delà» ce qui a pu nous réjouir «ici bas», rabaisser une image symbolique de la félicité éternelle, en une attente à basse valeur ajoutée. Plus important, car cela questionnera nos attitudes personnelles, ce festin préparé par Dieu «pour tous les peuples» : sommes nous prêts à le partager avec tous ceux, bons ou mauvais, qui traîneraient aux croisées des chemins, où, tout le monde le sait, on peut faire de mauvaises rencontres.


De nombreux textes nous assurent — comme ici le psaume 22 ou Thérèse d’Avila («celui qui possède Dieu ne manque de rien», «Le Château intérieur», 1577) — que celui qui place son espérance en Dieu ne manquera de rien, ne risquera rien, non seulement quant à la table, mais même à travers «les ravins de la mort». Il ne faudrait pas en déduire qu’on doit rester passif, et attendre que les cailles rôties tombent toutes seules. Il faut d’abord réguler nos besoins.

 

Paul nous indique la voie de la sagesse, que l’on retrouverait chez Ignace de Loyola par exemple, être disponible, prêt à toute situation : savoir vivre de peu ou dans l’abondance avec une égalité d’humeur. On peut noter que c’était déjà la règle de vie des vrais épicuriens : trouver le bonheur, et à tout le moins éviter la souffrance, en limitant nos désirs non seulement à ce qui est licite, mais à ce qui est nécessaire.

 

Le festin éternel, quelle que soit sa forme, Dieu nous y invite. Encore faut-il que nous répondions à l’invitation., comme l’illustre l’évangile de ce jour. Nous ne devrions pas hésiter sous prétexte d’essayer un nouvel attelage ou de devoir saluer nos parents. Au jeune homme qui se dit prêt à le suivre partout, mais «doit d’abord enterrer son père», Jésus répond : « Suis-moi et laisse les morts enterrer les morts» (Mt 8,19-22). Paroles terribles, surtout dans le contexte de la culture juive où enterrer les morts constitue une œuvre de miséricorde (Cf. Tobie 1,17-20). Il est vrai que les exigences de Jésus pour recevoir ses disciples sont parfois bien plus sévères : «Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (Lc 14,26).

Cet arrachement nécessaire à tout lien humain, à toute installation pouvant entraver notre liberté spirituelle, nous l’avions déjà rencontré, ne serait-ce qu’au 2e dimanche de carême de cette année, quand Abraham se voit sommé de «quitter son pays». Jésus, dans sa pédagogie spirituelle, bannit l’installation, l’attente passive, il l’a refusée à Pierre au Tabor, lors de la Transfiguration. Pour aller au Père, il y a un chemin à suivre. Attention, en fait deux : un large et aisé, et un étroit et cahoteux (Mt 7,13-14). Jésus ne se présente-t-il pas lui-même comme la Voie ?

Que le chrétien doive rester «en marche» devrait interpeller l’«Église enseignante» sur ce qu’elle appelle «Tradition». Que celle-ci soit la reconnaissance d’une transmission, toujours nourrie, d’expériences spirituelles depuis les origines, est d’une infinie richesse. Qu’on en fasse un butoir de toute remise en question de cet «acquis» pourrait être létal, parce qu’une «tradition» figée , devenue simple coutume, est une expérience morte. Le monde des métiers constitue une illustration facile de ce que l’on veut dire. La plupart des métiers manuels ont établi au cours du temps des compétences, des savoir-faire qui en font la richesse. Si à l’apparition d’une pratique nouvelle, une profession se fermait sur ce qu’elle sait déjà, toute amélioration du travail serait interdite.

La parabole se termine mal, en tous cas dans une certaine obscurité. Il ne suffit pas de venir à la noce. Parmi tous les gens trouvés au hasard des chemins, il en est qui n’ont pas l’ «habit de noces» et se font refouler.. S’agit-il de ceux qui n’auraient pas «lavé leurs robes […] dans le sang de lAgneau. » (Ap 7, 14) ? Restons sur cette interrogation vitale : que signifie pour nous laver ses vêtements dans le sang de l’Agneau ?

Marcel Bernos

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