En Jésus, une énorme "fêlure" pour approcher la transcendance
À mon tour de répondre à l’article de Didier Lévy Regards sur un Messie chrétien : réévaluer la frontière judéo-chrétienne ? non seulement de son texte mais aussi sur le commentaire de Pierre Locher et celui d’Alain Barthélemy-Vigouroux qui ont suivi et m’ont aidée à comprendre d’abord et à fixer la frontière entre accords et désaccords avec ce que je crois moi-même. Car il ne s’agit pas seulement de débat intellectuel, mais s’agissant de Jésus en particulier, du ressenti d’une présence, sans doute ce qu’on appelle la foi, qui guide jusque dans tous les aspects de la vie quotidienne, pour autant qu’on souhaite « ajuster sa foi et ses œuvres ».
Comme nos deux commentateurs, bien sûr, je proclame un Jésus juif, dans un monde juif ; un Jésus en totale rupture avec l’environnement religieux de son temps («le Temple »).
Comme eux, je m’attache à récuser l’idolâtrie, mais je fais une autre analyse. Et je pense au rôle de l’Église depuis le début (depuis Pentecôte ?). Je note d’ailleurs que, sauf erreur, je ne vois le mot Église cité nulle part dans les trois textes.
Depuis la Pentecôte ? Tout le moins depuis que les chrétiens se sont séparés des judéo-chrétiens, que dans le même temps, les Évangiles et autres textes fondateurs ont été écrits et répandus. Il s’agissait d’exister, de faire communauté, donc d’établir une Histoire commune suffisamment forte et attrayante pour agglomérer des personnes variées et créer des rituels pour revivre ensemble les moments forts (« Vous ferez ceci en mémoire de moi »). En cela, ça fonctionne toujours ! Alors, je suis d’accord, l’important est d’interroger les textes et faire la part des choses, en se méfiant « des chefs, des tribus, des races, de l’argent et du marché », bases de l’idolâtrie, et tous faussement fédérateurs.
Vous voyez, je parle communauté, vivre ensemble, fédérer, agglomérer : c’est que je parle de peuple, celui du Royaume que nous construisons ici et maintenant. Comme on parle du peuple juif dans le premier testament et du peuple de Dieu remis en première position depuis le concile de Vatican II.
Donc, non, je ne pardonne pas à l’Église d’avoir largement utilisé les modus operandi de l’idolâtrie – et surtout, je ne lui pardonne pas de les conserver encore. Mais je récuse complètement un culte du Christ qui serait idolâtre par nature et confisqué définitivement par l’idolâtrie.
Autre point à souligner pour moi : le positionnement de la transcendance : je rejoins Alain Barthélemy-Vigouroux : si la transcendance est inconnaissable, n’en parlons pas ! N’en parlons plus.
Mais, pour moi, la transcendance comporte des fêlures par lesquelles passe la lumière qui nous permet déjà de savoir qu’il y a une transcendance. Et si Jésus est Dieu, fait homme, nous avons là une énorme fêlure pour approcher la transcendance.
Voilà : je suis désolée de paroles si ordinaires pour un si grand débat, témoignage d’une « petite » chrétienne qui essaie de vivre sa foi et de la comprendre en se départissant de toute once d’idolâtrie.
Danielle Nizieux
P. S. : Je note que je ne réponds pas à la question « un seul Messie ? »…