À l'écoute de la Parole de Dieu
22e dimanche du temps ordinaire (année A)
30 août 2020
Jr 20, 7-9 ; Ps 62 (63), 2-6, 8-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27
L’ensemble des textes de ce jour concentre notre attention sur ce qu’est un vrai disciple de Jésus-Christ. Il ne suffit pas de remplir une demande d’adhésion ; il ne s’agit pas d’avoir un insigne à sa boutonnière. Il faut se «con-sacrer» totalement à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint.
Le serviteur du Seigneur n’est pas un mercenaire, c’est un amoureux, il a été « séduit » (Jr 20,7) ; il cherche Dieu sans cesse depuis l’aube, non pas comme on s’évertue à retrouver un trousseau de clefs égaré, mais de façon vitale, comme la « terre aride » (que nous sommes) attend l’eau (Ps 63 2). Le disciple offre sa vie « en sacrifice vivant » (Rm 12,1). Finalement, dit Jésus : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mt 16,24). Combien de fois avons-nous entendu cette dernière phrase sans en mesurer la portée, le poids et le prix à payer ?
« Porter sa croix », notre compréhension bute sur les mots. Ça a l’air clair : il suffirait d’assumer la part d’ennuis, d’épreuves, de chagrins que la vie apporte avec elle, en faisant au mieux, voire en les majorant comme a pu y inviter une religiosité doloriste aux siècles passés. Pas si simple ! Jésus, qui y a « joué » sa vie, précise bien qu’il faut aussi « renoncer » à soi-même, c’est-à-dire : abandonner la possession ou le désir de quelque chose, de nos « mérites » comme de nos « douleurs », plus encore : abdiquer la prétention à être par nous-mêmes quelque chose (ou quelqu’un). C’est de notre personnalité, de notre « amour-propre » dont il est question ; c’est autre chose que de se priver d’un bout de chocolat ou d’une séance de cinéma pendant le carême. Bossuet remarquait : « Après qu'on a fait l'effort de renoncer à soi-même, on commence à aimer véritablement [le prochain], non pour soi-même, mais comme soi-même ». Cette affirmation éclaire le deuxième commandement : « Aimer son prochain comme soi-même », qui est un des deux fondements de la foi depuis la première Alliance (Lv 19,18) jusqu’au message de Jésus (Mt 22,39).
Il faut épurer notre amour de l’autre, qui risque trop souvent d’être, de façon inconsciente peut-être, une manière de l’utiliser pour notre usage ou notre « promotion ». On aimerait telle personne comme on aime ce qui nous est utile ou agréable. Quel critère pour jauger la sincérité de notre amour ? Se poser la question banale mais efficace parce qu’elle interdit les biais : « Jusqu’où irais-je pour aider cette personne ? ». Ne serait-ce pas aussi une bonne question pour évaluer notre amour de Dieu ? Mettrais-je en péril mes biens ? mon honneur ? ma vie ? Celle de mes proches ? Et ce haut prix dans une partie de « qui perd gagne », c’est le gage que la foi ne saurait être que désintéressée. Le pari de Pascal, même s’il est habile, reste à cet égard ambigu, car il représente une sorte d’investissement à long terme, dans une recherche d’un avantage personnel (notre « salut »). La foi doit être un don total et non « spéculatif ».
En même temps, on répète toujours que la foi ne saurait être un acte volontaire, mais qu’elle est un don de Dieu. Nous ne pouvons qu’acquiescer, recevoir, adhérer et, à ce moment-là, agir conséquemment. C’est ce qu’ont fait les saints, qui n’étaient certes pas sans défauts, mais se montraient sans retenue dans leur amour de Dieu, ce qui en a fait de vrais disciples. À ce prix, sommes-nous prêts à être des saints ?
Marcel Bernos