Pentecôte 2020
« Au commencement […] le Souffle de Dieu planait sur les eaux » (Gn 1, 1-2). Ainsi commence la Bible. La création est habitée par l’Esprit. La séparation entre Dieu et la création est radicale, mais son Esprit plane, car le monde est présent à l’Esprit de Dieu.
Après l’Ascension, fin du cycle pascal, Jésus Christ n’est plus sur cette terre, parmi les hommes. S’ouvre le « nouveau monde », la création nouvelle, dans laquelle il a pour mission de ramener l’humanité dans l’amour du Père. Un monde libéré de la Loi car Jésus fait de nous des fils, un monde qui renouvelle l’histoire, car elle est désormais définie par ce qui advient, par l’avenir du Christ avec nous. Un monde dédié à la « Gloire de Dieu ». La « Gloire de Dieu », c’est l’accueil de l’humanité dans sa vie trinitaire. Dans ce monde l’action du Christ passe par nous pour réaliser ce plan de Dieu qui renouvelle sa création.
Et de nouveau l’Esprit est là. L’Esprit est relation entre le Christ et son Père. Dieu est ouverture, le Père n’est pas le Fils, ouverture et relation, ce qui Lui permet de nous accueillir car Il n’est pas fermé sur lui-même. L’Esprit est le lien de cette relation, c’est en lui que nous pouvons nous y introduire. Le même Esprit est à l’œuvre pour que ce nouveau monde puisse exister. Par la Croix, suivie de la Résurrection, la relation de Dieu avec les hommes a été renouvelée de fond en comble, il ne s’agit pas seulement du « pardon des péchés », mais de la relation possible entre Dieu et l’homme. Cette relation ne peut s’établir que par la venue de l’Esprit que le Christ a appelée sur nous et qui fait de nous des fils. Nos vies sont donc totalement renouvelées.
« Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous, mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16, 7). Tant que Jésus était sur terre, l’Esprit qui vivait en lui suffisait. Mais il nous promet de nous l’envoyer pour le moment où nous nous retrouverons seuls, avec la mission sur les épaules. C’est par lui que nous vivrons dans la vérité, pour la Gloire du Père, pour construire ce monde où Dieu est tout en tous : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité toute entière […] Lui me glorifiera » (Jn 16, 13-14).
L’Esprit ne se contente pas de « planer sur les eaux », il vient en tout homme qui veut bien le recevoir. Il souffle où il veut, il n’est pas attaché à un lieu. Dans une grande vision, Ézéchiel (Ez 1, 4-27) le voit parcourir le monde, loin de Jérusalem, chez les ennemis, et porté par les serviteurs des divinités païennes ! Ces serviteurs deviendront dans l’Apocalypse de Jean les « Vivants » portant la gloire du Christ (Ap 4, 6-8). Sans l’Esprit, nous ne sommes rien, avec lui nous sommes tout. Sans lui nous ne pouvons vivre de la vie de Dieu, le Christ ne peut rien avec nous. Avec lui nous pouvons, ici-bas, dès maintenant, travailler à la venue du Royaume. Tous les hommes sont appelés, la majorité ne le sait pas, y compris parmi les chrétiens. Mais ceux qui ne le savent pas sont aussi appelés à vivre leur humanité, faite de don et d’ouverture aux autres, d’amour et de service. Et cela chacun le sait. Et cela fait la «Gloire de Dieu » qui ne nous a pas créés pour recevoir un culte de notre part, il n’en a aucun besoin !1 Mais pour devenir des hommes capables d’amour et qu’il pourra alors accueillir.
Quant aux chrétiens qui ont reçu cet appel, leur responsabilité est grande. Eux sont envoyés en mission, la révélation qu’ils ont reçu de l’amour de Dieu est une mission : appeler tous les hommes à cette vie pleinement humaine qui est de tout temps dans le plan de Dieu2. Pour cela, évidemment, ils ont besoin de l’Esprit qui puisse agir directement en eux. A eux de l’appeler, de le recevoir et de lui être fidèle...ce qui n’est pas simple ! Et l’Esprit, par eux, construit le Corps du Christ dont nous sommes membres pas encore pleinement ressuscités, corps qui est souffrant aussi (le monde dans lequel nous vivons est englué dans les souffrances) que donc nous devons soigner.
Actuellement tout le monde parle d’un monde nouveau à venir après la crise sanitaire. Peut-être serait-ce l’occasion de prendre soin de lui, de panser ses plaies, de lui insuffler enfin ce qui peut le rendre plus humain, de renoncer à quelques « valeurs » bien ancrées (profit, puissance, refus des contraintes dénommé « liberté », etc.), tellement enkystées que nous les pensons intouchables, dont la domination fait obstacle à une vraie humanisation de nos sociétés. Il n’est pas bien difficile de les déceler, plus ardu est le combat pour les mettre au service des hommes. Tous nous sommes complices de ces « valeurs », le combat est aussi en nous.
Marc Durand
1 – Je ne dis pas que le culte est inutile, entre autres il nous permet de nous tenir en vérité devant Dieu. Mais ce n’est pas Lui qui en a besoin, par contre il est là quand nous nous présentons devant Lui.
2 – Tous les hommes connaissent cet appel à promouvoir cette humanisation. Les Chrétiens reconnaissent en cela l’appel de Dieu à qui ils doivent rendre des comptes, et savent qu’ils le font grâce à l’Esprit qui vit en eux. Ils en rendent grâce à Dieu.