Ascension 2020
Vendredi Saint, Pâques et Ascension sont un même événement. L’envoyé de Dieu, le Messie, homme parmi les hommes, a été condamné et exécuté pour avoir été fidèle jusqu’au bout à sa mission. « Pour moi, une fois élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12, 32). C’est dire que par son élévation sur la Croix, Dieu le fait Christ avec cette mission de rassembler toute l’humanité dans l’amour du Père. Sa Résurrection signifie son entrée dans la Gloire du Père, mais avec cette mission de Christ. Sa Résurrection est une mission. Tout n’est pas terminé, lui seul a été ressuscité, premier-né des hommes (c’est-à-dire dans le plan de Dieu depuis toujours), premier ressuscité d’entre les morts afin que par lui tous les hommes puissent être ressuscités, c’est-à-dire entrer dans cet amour trinitaire auquel il les convie.
L’Ascension marque la fin de l’acte de cette mort-Résurrection, un autre monde est en gestation, celui de l’avenir de Dieu avec les hommes, un monde dans lequel la Loi n’a plus de raison d’être car nous sommes appelés « fils ». Mais notre propre résurrection n’est qu’en gestation ! La Croix, c’est-à-dire la fidélité à notre mission et au Christ quoiqu’il en coûte, n’est pas abolie. Elle a fait partie de la Résurrection du Christ, elle fait partie de notre chemin de résurrection.
Pâques était le troisième jour, signifiant par là que l’homme Jésus était bien mort, marquant son absence d’homme parmi les hommes. Puis 40 jours ont été donnés pour laisser le temps de prendre la mesure de l’événement. Les disciples devaient comprendre que désormais s’ouvraient des temps nouveaux, le vieux monde était renouvelé totalement. Il a fallu quarante ans au désert pour que le peuple digère sa libération effectuée par Dieu, 40 jours dans l’Horeb à Lie pour intérioriser sa mission, 40 jours à Jésus pour se préparer après son baptême. 40 jours ont paru nécessaires pour que les disciples se fassent à cette idée que le Jésus qu’ils avaient côtoyé était devenu le Christ. Que c’était maintenant à eux de partir vers la Galilée. On peut remarquer d’ailleurs que le succès était mitigé, ils en étaient encore à se fixer sur le royaume d’Israël ! Heureusement que Jésus leur promet l’Esprit pour les déboucher ! Pour cela ils doivent venir à Jérusalem une dernière fois, d’où la recréation du monde est partie, où est né le Nouveau Monde issu de la Croix. Puis ils seront envoyés jusqu’aux confins de la Terre. Mais insistons bien, les trois événements, distincts « par pédagogie » pourrait-on dire, sont bien le même et unique événement.
Jean, dans les chapitres 13 à 19, nous fournit un « testament » de Jésus qui doit se lire à la lumière de la Résurrection. Les Synoptiques rapportent l’action et l’enseignement de Jésus appelant les Juifs à la fidélité à Dieu et s’opposant à toutes les entraves à une vraie foi, ce qui l’a confronté à la religion officielle. Il les a instruits de l’amour et du salut de Dieu. Jean, qui a une place particulière car au pied de la Croix Jésus lui a confié Marie, nous rapporte ce testament qui prend tout son sens dans la Résurrection : « Qui m’a vu a vu le Père », ou encore « maintenant le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui », « je suis le chemin, la vérité et la vie ; personne ne va au Père que par moi ». On pourrait continuer les citations. Ce jour est une occasion de relire ces chapitres à la lumière de l’Ascension.
Nous sommes donc dans un monde nouveau, l’histoire de l’humanité est transformée par cet avenir avec le Christ. Comme chaque fois avec les prophètes, cette révélation qui nous est faite n’est pas une simple manifestation de Dieu ou du Ressuscité, mais une mission : «Pardonnez à vos ennemis » et « aimez-vous comme je vous ai aimés ». Il nous faut constater que dans ces chapitres, Jean ne parle jamais de religion, ni de culte. Il ne parle même pas de « l’institution de l’Eucharistie », le seul geste est le lavement des pieds (service des autres, amis ou ennemis – Judas était là!). Dans la période que nous traversons cela devrait nous éclairer.
La question qui se pose à nous est celle de notre foi en cet autre monde inauguré à Pâques. Quels sont nos critères de jugement, quelle direction prennent nos vies ? Ce monde nouveau qui est instauré n’est pas une éternité sans saveur, il est fini, le temps compte. Nos vies sont finies, mais le monde aussi. Les récits apocalyptiques ne sont pas là pour nous faire peur, mais pour nous empêcher de nous endormir dans une douceur de vivre...puisque Jésus est ressuscité et qu’il nous attend. Le rappel que ce nouveau monde a un but qui n’est pas renvoyé à l’infini, nous oblige à agir dès maintenant, ce que nous ne ferons pas ne sera pas fait, le verre d’eau que nous n’aurons pas donné ne sera pas donné. Peut-être pourrions-nous profiter de ce que nous ne pouvons pas nous consoler par nos belles cérémonies dans nos belles Églises pour décider de ce qui est important, dès maintenant, dans notre dévouement au Christ ressuscité.
Marc Durand