À l'écoute de la Parole de Dieu
5e Dimanche de Pâques (année A)
Ac 6, 1-7 ; Ps 32 (33), 1-2, 4-5, 18-19 ; 1 P 2, 4-9 ; Jn 14, 1-12.
La lecture et l’étude des Actes des apôtres constitue un des principaux accès à la connaissance des chrétiens dans l’Église primitive. Elle éclaire les débuts de notre «religion». Certes, les jeunes communautés manifestent un élan, un enthousiasme rafraîchissant, qui contraste avec la morosité de certaines de nos célébrations.: «Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun. Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier…» (Ac 2, 43-47).
Mais on aurait tort d’idéaliser la vie de ces premiers chrétiens et leur solidarité communautaire. La vigueur de cette leur foi toute neuve n’empêche pas les heurts entre les personnes, par exemple entre les convertis du paganisme et les judéo-chrétiens. On le voit bien avec les récriminations des «frères de langue grecque», qui estiment leurs veuves (des pauvres par excellence) lésées dans les partages quotidiens de nourriture, à une époque où la célébration du Seigneur reste encore un repas fraternel, partagé à domicile, et non un rite structuré et distant aux mains de «spécialistes».
Certains de ces hommes et de ces femmes, faillibles comme nous, commettent des péchés à l’égard du groupe ; ils ne sont pas tous des saints. On connaît l’«affaire Ananie-Saphire» (Ac 5, 1-11), où des fidèles ont gravement menti et ne se sont pas montrés ces «hommes justes et droits» célébrés par le psaume 32. Ils n’étaient pas obligés de donner tout le produit de la vente de leurs biens à laquelle procédaient les chrétiens de la première génération, «liquidation» anti-économique qui ne pouvait se comprendre que dans la perspective d’une parousie imminente. Ce que leur reproche Pierre, ce n’est pas le détournement de fonds, mais d’avoir menti en disant qu’ils avaient tout donné, alors qu’ils avaient conservé une partie de la vente par devers eux. Ce mensonge fait à la communauté est considéré comme ayant été fait à Dieu lui-même et plus particulièrement à l’Esprit. Or on sait que le péché contre l’Esprit ne peut être pardonné. D’où, peut-être l’issue fatale pour les personnes incriminées. Les trois évangiles synoptiques y reviennent comme sur quelque chose d’essentiel (Mt 12,31-32 ; Mc 3,28-30 ; Lc 12,10).
On voit aussi comment l’institution, non organisée par Jésus, s’établit et se complexifie peu à peu en fonction des nouveaux besoins de la «société chrétienne». Le sévère jugement de Pierre est, si l’on veut, l’ébauche des officialités et autres tribunaux ecclésiastiques. Et l’on voit bien (Ac 6,1-6) comment la diaconie a dû être inventée devant un besoin nouveau : le service quotidien des tables, que les apôtres ne pouvaient plus assumer sans prendre sur le temps nécessaire à la proclamation de la Parole de Dieu, l’organisation de la prière elle aussi quotidienne, et aussi, sans doute, l’accueil des malades (Ac .5, 15-16).
L’évangile du jour aborde un tout autre problème, essentiel pour les Chrétiens : Qui est Jésus ? Quelqu’un de très proche du Père puisque croire en lui c’est croire en Dieu, puisqu’il est capable de nous préparer une place dans la demeure du Père, puisqu’il est «le Chemin, la Vérité, la Vie» , voie royale vers ce Royaume, puisque quand on l’a vu, on a vu le Père en qui «il est». Rappelons que prononcer les paroles «Je suis», c’est parler comme Dieu. Si on lui demande qui est son Dieu, Moïse devra répondre : «Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous» (Ex 3,14).
Si la «méditation» est, au sens religieux, un état de «fervent recueillement synonyme de prière», nous pouvons rester jusqu’à dimanche prochain sur le paragraphe précédent et relire Jean 14, il y a matière à méditation…
Marcel Bernos