Pâques
Pour Paul, « Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est notre message, vide aussi notre foi » (1 Co 15, 14). Il a cru à la résurrection à travers la sienne : devenu aveugle « on le conduisit à Damas, où il resta trois jours aveugle, sans manger ni boire » (Act 9, 8-9), puis il a recouvré la vue et fut rempli de l’Esprit Saint (Ac 9, 18).
C’est au fur et à mesure de l’affermissement de leur espérance que les disciple ont retrouvé la Vie, ils ont été alors certains que le Christ ne pouvait pas être resté au Sheol, le monde des morts, mais se trouvait du côté de la Vie. Comme les disciples d’Emmaüs ils faisaient une relecture des événements passés, et cela les confirmait dans leur foi et leur espérance. Ils ont décrit la Résurrection avec les moyens pauvres qu’ils avaient, afin de persuader leurs auditeurs que le Christ vivait en Dieu et leur avait donné l’Esprit : tombeau vide, ange, apparitions, Thomas, etc. tout cela pour proclamer que le Christ vivait en eux, qu’il était fidèle à sa promesse de salut. Jésus n’est pas ressuscité comme Lazare, il a définitivement disparu de cette terre, mais ressuscité auprès du Père il nous a envoyé l’Esprit pour nous faire vivre.
Les disciples ont cru au Salut, don de Dieu, annoncé par Jésus tout au long de sa vie et pour lequel il est mort. Il ne s’agit plus de Rédemption1 (celle-ci est un jugement d’effacement de nos fautes, la Croix l’a définitivement dépassée, de même que sont dépassés les préceptes et la Loi) mais du Salut qui est l’appel à tout homme d’entrer dans la vie de Dieu comme fils. Avec ce credo, les disciples ont conforté leur espérance dans le Dieu de Jésus, espérance solidaire avec tous les hommes (cette foule de tous pays rencontrée à la Pentecôte), espérance universelle, espérance toujours d’actualité et valable pour toute l’humanité. Ce Dieu en qui nous croyons est le Dieu des vivants et des morts, tous reçoivent ou ont reçu son appel à se tenir devant lui, hommes libérés par la mort de Jésus en croix qui est dans le même temps sa résurrection. C’est bien l’humanité entière que Jésus sauve. Dans sa « descente aux enfers » qui continue encore car elle s’opère dans le temps de Dieu et non le nôtre, ce sont tous les hommes qu’il attire à lui, ceux qui le connaissent et ceux qui ne le connaissent pas, ceux d’avant et ceux de maintenant. Nous sommes dans l’ère du Salut qui est le don gratuit de la Vie de Dieu.
Dans notre monde, dans notre vie, nous acceptons ou refusons, ou ignorons ce don. Il ne peut s’imposer ni se marchander, il est gratuit pour qui veut. Il est proposé et c’est lui qui donne sens à nos vies, tirées vers l’avant par cette espérance. C’est ce futur, inauguré à la Résurrection qui nous mène en avant.
Qu’est-ce à dire pour nous maintenant ? D’abord qu’il y a urgence à prendre en compte cette espérance, à nous ouvrir à cet appel. Notre attente du Salut ne peut être reportée, elle est imminente. Elle déclenche une révolution (conversion) permanente de nos vies qui ne peuvent se contenter de l’écoulement d’un long fleuve tranquille. Chaque jour est nouveau, et c’est à nous d’agir, tout de suite, chacun à sa place. Ce n’est pas une question de héros, cette façon tellement lourde de juger les autres, nous ne sommes pas des héros, mais des fils, et donc des frères et sœurs. Le tombeau était vide, Jésus n’est plus sur terre. C’est son Esprit qui vit en nous pour nous permettre d’agir. Il nous attend en Galilée (Mc 16, 7) : « Allez donc dire à ses disciples, et spécialement à Pierre, qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, ainsi qu’il vous l’a dit ». La Galilée, loin du temple, lieu du monde où il attend que nous œuvrions au salut universel.
En ce temps difficile, n’oublions pas que « il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme : car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Gal, 3, 28). C’est suffisamment important pour que ce soit repris en Rm 10, 12, en 1 Co 12, 13 et en Col 3, 11 où pour faire bonne mesure Paul écrit aussi qu’il n’y aura plus ni Scythe ni Barbare, ni circoncis (juif donc) ni incirconcis (païen). Tous les hommes sont nos frères, tous avancent sur leur chemin, et c’est le Christ qui est le chemin et la Vie. Tous les gestes de solidarité dont nous sommes témoins nous rappellent que l’Esprit vit en tous, il n’y a pas de privilégiés. La Croix-Résurrection nous a tous transformés faisant de nous tous des fils.
Marc Durand
Pâques 2020
1- Cette mort de Jésus n’est pas un sacrifice sanglant voulu par le Père pour payer nos péchés, elle est le chemin devenu obligé pour retrouver tous les hommes dans leur humanité, dans leurs souffrances, dans leur infidélité aussi. Cette mort marque la naissance d’un nouveau monde (le voile du temple se déchire) qui ne pouvait ressusciter sans mourir d’abord.