A l'écoute de la Parole de Dieu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Dimanche des rameaux et de la Passion 5/4/2020

 

Mt 21, 1-11 ; Is 50, 4-7 ; Ps 22 (21) ; Ph 2, 6-11 ; Mt 26, 14 – 27, 54.

 

L’introduction au drame qui va se jouer tout au long de la semaine est l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Son « triomphe » est reconnaissance de son statut de Messie, de sauveur envoyé par Dieu. Mais un triomphe humble. Au temps des triomphes des vainqueurs à Rome (ovation pour un général à cheval, triomphe s’il entre sur un quadrige), Jésus s’avance sur un âne ! En cela il reprend l’histoire du temps des Juges ainsi que l’annonce messianique du prophète Zacharie (il aurait pu choisir des symboles plus valorisants, Jérémie parle « d’équipages de chars et de chevaux », il ne l’a pas voulu). Il est bien le Messie annoncé, le Nouveau Testament accomplit l’Ancien mais un Messie sans puissance. C’est ce Messie-là, qui, dans la fidélité à sa mission, va être « sacrifié ».

 

La première lecture évoque le serviteur bafoué, maltraité. Le Messie ne peut pas y échapper. Mais Dieu ne l’abandonne pas dans sa douleur, non qu’il la lui épargne, mais il l’emplit de sa force. L’épreuve est inévitable, ce n’est pas Dieu qui la veut, elle est la rançon de la fidélité en face des hommes qui le rejettent. S’il ne se dérobe pas, le juste ne sera pas confondu. Texte d’espérance dans la déréliction, de foi en Dieu qui ne nous abandonne pas malgré les apparences.

 

Le texte de la Passion reprend les termes du psaume, supplication à Dieu dans la douleur. On n’est pas dans l’irénisme ou la naïveté. Oui la douleur est réelle et nous pouvons crier vers le Seigneur. Mais cri dans l’espérance : « tu m’as répondu et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée ».

 

Le texte de Saint Paul donne la clé. Jésus, dans la fidélité à sa mission, a pris totalement notre condition d’homme en descendant au fond de nos souffrances. Évidemment le Père était auprès de lui dans cette épreuve, il était Dieu se dépouillant de son statut hors d’atteinte, transcendant, pour nous prendre avec lui. Nous ne pouvons pas aller à Dieu, le Tout Autre, c’est lui qui peut venir à nous, il l’a fait par l’homme Jésus. Alors le Christ a été exalté, il a finalement vaincu. « Que toute langue proclame ‘Jésus est seigneur’ à la gloire de Dieu le Père ». En ce temps particulier que nous vivons, le dépouillement de soi par le Christ pourrait nous inspirer le dépouillement que nous pourrions, chacun et tous ensemble aussi, opérer afin de retrouver la vraie vie.

 

La Passion commence par ce qu’on appelle « l’institution de l’Eucharistie ». Dans Mathieu et Marc, après avoir partagé le pain, Jésus dit de la coupe « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. ». Dans Luc , « la coupe est la nouvelle Alliance en mon sang » et Paul « cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi » (1 Cor, 11, 25) (on boit la coupe de l’Alliance, pas du sang). Quant à Jean, il n’en parle pas. Il commence par le lavement des pieds. Il n’y a aucune idée de transsubstantiation (Jean ne l’aurait pas passée sous silence), mais de nouvelle Alliance. Les synoptiques parlent avec les clés de l’Ancien Testament, toute alliance était conclue par le sang (il ne s’agit pas de faire souffrir, ni même de mourir, le sang est le symbole de la vie offerte, donnée, l’Alliance est un pacte de sang dirait-on maintenant). Et pour Jean, c’est le service des uns par les autres qui est la marque de la Nouvelle Alliance. Toute sa « prière eucharistique » donne ce sens, amour du Père qui passe par l’amour des autres et le don de soi, don total que va faire Jésus en nous invitant à entrer dans l’amour trinitaire.

 

Après cela se déroule le drame de la Passion qui montre Jésus en butte à tout ce qui compte dans le pouvoir. Les dialogues ont tous été inventés (pas de témoins, les disciples s’étaient éclipsés!), mais ils donnent un enseignement : Jésus a été condamné par les représentants du peuple, de la religion et de l’occupant, pour ce qu’il est, le Messie de Dieu venu apporter le salut du Père aux hommes. Recouvert de la couronne d’épines et d’un manteau de pourpre, il est raillé comme Messie, le parallèle est saisissant avec l’entrée messianique dans Jérusalem. Condamnation totale, et la pire, la plus infamante. L’important n’est pas de méditer sur les souffrances physiques (elles sont celles que subissait tout condamné à la croix) : ce qui compte est la condamnation infamante, incompréhensible et insoutenable pour les disciples. Si le Messie a pu être ainsi éliminé, que signifie tout l’enseignement du Maître depuis deux ans ? Ce sera la question débattue par les disciples d’Emmaüs.


Jésus est allé jusqu’au bout de la souffrance humaine, jusqu’à désespérer du Père qui ne lui répond pas à Gethsémani et le laisse descendre seul jusqu’à la mort. D’où le cri final de désespoir, résumé du psaume de souffrance (Ps 22). Comme le dit Paul dans le texte aux Philippiens, il s’est bien anéanti, devenant semblable aux hommes, et jusqu’à la mort, et la mort de la croix (c’est-à-dire la pire à l’époque). Mais n’oublions pas aussi en contrepoint le « Père, je remets en tes mains mon Esprit ».
Cette mort de Jésus n’est pas un sacrifice sanglant voulu par le Père, elle est le chemin devenu obligé pour retrouver tous les hommes dans leur humanité, dans leurs souffrances, dans leur infidélité aussi. Cette mort marque la naissance d’un nouveau monde (le voile du temple se déchire) qui ne pouvait ressusciter sans mourir d’abord.

 

Dans cette méditation de la Passion, n’oublions pas les souffrances actuelles. Des hommes font le don de leur vie (il n’est pas question de sacrifice!) à d’autres. Beaucoup offrent leur vie pour aider leurs proches, leurs voisins ou d’autres encore, à passer à travers leurs souffrances, ou tout simplement à pouvoir vivre mieux ces temps difficiles. D’autres ne peuvent pas mieux que d’applaudir, ou de sourire de loin à ceux qu’ils rencontrent. Aucune hiérarchie entre nous, chacun a sa place, choisie ou non. Et certains perdent leur vie tandis que d’autres les pleurent. La Passion du Christ nous annonce que grâce à lui l’amour de Dieu nous anime, son Esprit nous habite et nous permet cette « charité », c’est-à-dire cet amour gratuit des autres sans lequel nous ne pourrions pas survivre. C’est le moment, dans le désert de nos villes et parfois de nos vies, de revoir comment nous nous « lavons les pieds » les uns aux autres et quelle place nous faisons à l’Esprit qui vit en nous.

 

Marc Durand

 

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