Et si le jeûne eucharistique dû au coronavirus conduisait à un retour à l’essentiel dans l’Église ?

Publié le par Garrigues et Sentiers

Cet article est dû au frère Alberto Fabio Ambrosio, dominicain italien du couvent de l’Annonciation à Paris, directeur de recherche au Collège des Bernardins et professeur de théologie et d’histoire des religions à la Luxembourg School of Religion & Society.

Intitulé « Aujourd’hui, du fait du coronavirus, il n’y aurait plus de bons chrétiens ? », il a été publié dans la rubrique « Forum et débats » du site internet du journal  La Croix voici cinq jours  (1) et aussitôt repris par le blog des chrétiens en Niortais et en Mellois sous le titre « Jeûne litur-gique » (2). Nombre d’entre vous, amis internautes, le connaissent donc sans doute.

Il nous a paru utile cependant d’attirer de nouveau l’attention sur lui en le versant, sous un nouvel intitulé, dans notre dossier n° 38, Faire du confinement un temps de partage, de solidarité et d’espoir

G & S

 

 

L’an dernier, un peu avant la célébration de Pâques, j’étais extrêmement en colère face aux abus perpétrés par quelques fils de l’Église, un peu trop prodigues – des pédocriminels –, face à des innocents, les victimes. Je l’étais et je le suis toujours, souvent, ce qui m’amène à me sentir plus près du cri qui vient d’au-dehors de l’Église face à sa lâcheté. Certes, à l’intérieur aussi, un cri monte, mais enfin j’ai l’impression qu’on le pousse pianissimo alors qu’il devrait être fortissimo.

 

L’an dernier, je me souviens parfaitement que j’avais imaginé un jeûne tout spécial pendant le Carême, presque un songe, de la pure fiction. C’était – là aussi – le Carême. Glosant le poète italien Cecco Angiolieri (s’i fossi Papa, allora sarei giocondo), je me disais que si j’étais pape, je demanderais la suspension de toute la liturgie de Pâques et de l’ensemble de la liturgie pour l’année suivante. J’avais quelques doutes quand même sur la validité d’une telle idée. Mais pour moi, une suspension totale de la liturgie aurait représenté une sorte de contestation interne : le clergé même devait s’infliger ce jeûne en signe d’expiation. Chose qu’on a bel et bien oubliée.

 

Certes, les fidèles laïcs auraient trouvé l’addition un peu salée, comme en ce moment, mais en fait la démarche aurait été – et elle l’est – purificatoire. On a trop facilement oublié que n’importe quelle liturgie ne relève pas du caractère absolu dans le christianisme. « Faites ceci en mémoire de moi » peut ne pas vouloir dire « soyez de purs imitateurs ». Or de la répétition, on a fait un absolu.

 

Plus souvent qu’on ne le pense, si on ne fait pas de messe, de liturgie, d’adoration ou de catéchisme, on ne sait que faire. Tiens donc ? Cela signifie-t-il que dans le christianisme, on « fait » des choses, on est des matérialistes de la vie intérieure ? On s’est trop moqué de ceux qui pensaient que la grâce s’achète au kilo. Merci ! Sincèrement ça ne m’intéresse pas, je préférerais aller au cinéma, danser et Dieu sait quoi d’autre.

 

On a perdu une partie du peuple, à force de lui faire comprendre que pour se montrer bon chrétien, il fallait aller à la messe. Tiens donc ? Alors aujourd’hui, du fait du coronavirus, il n’y aurait plus de bons chrétiens, stricto sensu ? Ah oui, j’oublie que c’est l’Église qui (te) dit que pour une raison supérieure, il y a la dispense de toute liturgie. Et alors, pourquoi ne pas l’avoir crié par-dessus les toits dans les cas d’abus, qui ont été – et sont – un fléau peut-être plus grave, certes du point de vue social et non sanitaire, que ce que nous sommes en train de vivre ?

 

Peut-être qu’un millième de millimètre – ce que mesure le coronavirus  – aidera à arrêter ce théâtre divin, comme Philippe Martin l’a défini. On craint pour la santé – et pour cause ! – et on n’a pas eu peur pour la santé/sainteté du peuple. L’Eucharistie a un sens si elle est l’expression de ce que l’on vit au jour le jour : les médecins, les infirmiers, les aides-soignantes aujourd’hui célèbrent des messes pour tous, les malades font la même chose ; franchement même les prêtres pourraient s’abstenir de le faire, à la rigueur.

 

On a peut-être un peu trop oublié que l’Eucharistie a un sens si elle porte dans sa célébration ce que l’on vit et que dans cette célébration, on a la force de vivre le quotidien. Une amie italienne m’a fait observer, en commentant le Cantico di Frate sole – « Loué sois-tu » (tiens ! littéralement le titre de l’encyclique sur l’écologie), que ce virus est aussi notre frère, comme la mort. Saint François d’Assise du moins pensait ainsi.

 

Je frappe fort, volontairement, car avec le virus, dans l’Église aussi, il y aura une reddition de comptes entre des théologies embourgeoisées, d’apparat, de salon, et d’autres qui vont au centre de l’existence, chrétienne aussi. Le virus amènera, qu’on le veuille ou pas, un retour à l’essentiel, non seulement dans la société civile et politique – comme on est en train de dire – mais aussi dans l’Église trop souvent ankylosée dans des styles et dans des doctrines théologico-liturgiques qui ne parlent qu’à une étroite portion du monde.

 

Alberto Fabio Ambrosio, o. p.

 

1. - https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Aujourdhui-fait-coronavirus-aurait-bons-chretiens-2020-03-22-1201085365

 

2.- http://www.eglise-niort.net/Jeune-liturgique-par-Alberto-Fabio-Ambrosio-op

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L
Une interpellation, profonde et cinglante, en laquelle fait plus que se laisser deviner le glissement d’une voix qui serait celle de François d’Assise. Et qui nous parle à quelque figuration de la Cène, à quelque sens des mots qui s’y disent et des gestes qui s’y accomplissent, que nous ayons adhéré. <br /> Chacun étant libre au reste d’attribuer ou non une importance à cette question du ‘’sens’’ dont on peut tenir qu’elle n’appelle pas de réponse - puisque Celui qui aurait pu dire ce qu’il fallait entendre par « Ceci est mon corps », et par « ceci est mon sang », s’est dispensé de le faire. Sans doute estimait-il que l’œuvre de l’Esprit n’était pas assez avancée, et qu’elle ne le serait cet égard que lorsque les temps seront accomplis.<br /> C’est là une digression. Assez justifié si l’on songe que des millions de chrétiens se sont hier entre-égorgés, ou encore pire, dans ce combat d’aveugles en la nuit d’un souterrain qu’a été là ce qu’on peut hâtivement résumer en la querelle de la ‘’présence réelle’’.<br /> Pour ‘’rebondir’’ directement à présent sur l’article du dominicain italien, cette idée venue de sa lecture. Et qu’on est allée chercher du côté de l’Évangile-Jean : et si le « Faites ceci en mémoire de moi » pouvait se traduire, ici et maintenant, en la restauration du geste, trop peu ou trop sommairement exploré, du ‘’Lavement des pieds’’ ? <br /> Si n’y formait pas obstacle une incompatibilité hélas évidente avec les consignes de distanciation sociale en vigueur, n’y aurait-il pas une exemplaire contagion évangélique à aller à la rencontre du miséreux, de l’exclu, de l’étranger en campement, pour lui proposer de lui laver et de lui désinfecter les mains ? Avec ce tact qui est l’autre nom du respect, et qui est le premier signe, la première expression de l’amour.<br /> Probablement, cela parlerait-il un peu plus qu’à ‘’une étroite portion du monde’’ – du moins à notre alentour.
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G
"un retour à l’essentiel"... Et il faudra qu'on se repose la question du sens de l'Eucharistie telle sue nous la vivions jusqu'à maintenant...J'ai toujours trouvé étrange que des prêtres isolés "disent" chaque jour "leur messe", seuls dans leur coin alors qu'il n'y a pas d'assemblée pour célébrer avec eux... Que président-ils ? Où est la communauté qu’ils sont censés servir ? Ca ressemble trop à une sorte de rituel magique... <br /> Et en ces temps où on demande aux chrétiens une "communion spirituelle", pourquoi lors des messes télévisées les prêtres présents communient-ils au Corps et au Sang du Christ devant des milliers de téléspectateurs qui en sont privés? Je n'en comprends pas le sens...<br /> Lors de la la célébration œcuménique du dimanche de la semaine de l'unité des chrétiens, Il n'y avait pas eu de communion (sous les espèces) et on s'était contenté de déposer le pain et le vin sur la table, sans y toucher puisque nos divisions nous en empêchaient. J'ai beaucoup apprécié ce geste symbolique très fort. Alors pourquoi ne pas en faire autant actuellement et que les prêtres, les seuls à pouvoir le faire, s'abstiennent de communier? On pourrait tout à fait se contenter d'une liturgie de la Parole…<br /> Avec le confinement nous sommes privés de la présence de ceux qui nous sont chers mais nous continuons à être proches d'eux par le téléphone ou tout autres moyens de communication. Et déjà nous imaginons les fiestas qui nous réuniront lorsque les choses iront mieux. <br /> Alors dans l’Église...
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