Annonciation
Il fallait le « oui » de Marie pour permettre au Père d’envoyer son Fils et accueillir l’humanité au sein de l’amour trinitaire. Ce « oui » de Marie (nouvelle Ève) est un événement opéré en notre nom et qui est encore d’actualité. Il signifie l’ouverture de l’humanité au salut proposé après l’éviction du paradis (1).
Marie est une Juive pieuse, vierge, promise à un homme installé (charpentier). Sa vie est tracée, une vie bonne, conforme à ce que demande la société, à ce qu’on lui a appris, aux commandements de la Loi de Moïse. Et voilà que l’Ange du Seigneur vient la «bouleverser » ! Il l’appelle à briser ce confort, cette assurance bien légitime dans laquelle elle vit. Avoir un enfant hors mariage, à cette époque ! Où cela risque-t-il de la mener ? D’une vie tracée par avance, par la Tradition dans ce qu’elle a de meilleur, la voici projetée sur une voie sans balises ! C’est l’avenir, ce qui advient (on pourrait dire l’eschatologie) qui va désormais la mener, être le fondement de sa nouvelle vie. D’une vie bonne elle est appelée à s’engager dans une Vie en Dieu. Elle est appelée à se déprendre d’elle-même pour se retrouver dans une Vie transformée, et imprévisible.
Son acceptation, lucide (elle a commencé par demander « Comment se fera-t-il ? ») permet à Dieu d’insuffler son Esprit, c’est-à-dire sa Vie, dans l’humanité, par son Fils. Désormais rien ne sera plus comme avant, « Oui, désormais, toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1, 48). C’est l’à-venir de Dieu qui donne la Vie à tous les hommes.
Un signe désigne ce retournement, ce point central de basculement, pour passer d’une vie à la Vie : la vierge sera mère (2). Tout devient possible « car rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37). Isaïe avait annoncé ce bouleversement du monde quand il écrivait en début du chapitre 11 « un rejeton sortira de la souche de Jessé, etc. », ou encore « la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils » (Is 7, 14) que la tradition juive, déjà dans la Septante, traduira par « la vierge est enceinte... ».
Dans cet instant d’acceptation qui marque l’entrée dans un monde nouveau, Marie fait le chemin qui est pour chacun de nous celui de toute une vie : passer de notre moi, de notre ego, à la Vie en Dieu, dans l’Esprit. Cet événement de l’annonciation devient événement pour nous : non pas rejeter notre ego, car « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, cela était très bon » (Gn 1, 31), mais le dépasser en l’assumant pour le projeter dans l’à-venir de Dieu. Tout un programme !
Marc Durand
1 – Peu importe que ces récits soient mythologiques, l’important est la signification de l’événement pour nous, maintenant.
2 – Il nous semble que ce signe est autrement important que tous les commentaires sur la « valeur » de la virginité qui a fait les beaux jours de toute une prédication pour le moins suspecte.