À propos de la « déclergification », relire Bernard Feillet
Bernard Feillet nous a quittés il y a quelques semaines, dans une relative indifférence. Il citait souvent Marcel Légaut ou Adolphe Gesché, deux théologiens tombés dans l’oubli.
Pourquoi parler de lui ? Parce qu’il était de ceux qui pouvait nous relier (au-delà de toute religion) à ce que j’appelle la tradition, la spiritualité ou à une vision chrétienne de l’homme. Je suis assez sensible à ce qu’il disait sur la religion et la spiritualité : « J’ai doucement glissé d’un intérêt pour le christianisme comme religion à une passion pour l’avenir spirituel de l’humanité ».
Nombreux sont ceux qui pourraient reprendre ces paroles. Comme tout mystique ou prophète (il était les deux), il a dû subir les humiliations de l’institution ecclésiale (depuis plus de 2000 ans, c’est une constante).
Mais peut-être faut-il aussi parler de lui parce que le sujet de la « déclergification » le concernait, il questionnait les religions sur ce qui lui paraissait essentiel : « …il leur (les religions) est arrivé de se tromper d’exigences, mettant plus d’ardeur à défendre leurs synagogues, leurs églises ou leurs mosquées qu’accompagner l’humanité dans sa quête spirituelle […] les hommes demandaient une spiritualité et on leur a donné des prêtres ».
Il questionnait plus particulièrement l’Église catholique : « …dans notre Église catholique la défense de la structure sacerdotale a souvent pris le pas sur la valeur inaliénable de chaque individu devant le mystère de Dieu ».
Mais, comme tout mystique et prophète, il voyait bien que d’autres questions plus fondamentales étaient en jeu : « Au cœur de toute religion on ne peut faire usage de Dieu pour fonder un pouvoir […]. Quand, dans l’expression du Credo, on dit « je crois en Dieu » et « je crois en l’Église », on ne dit pas la même chose, car toute Église est relative, seul Dieu est absolu. »
Il touche là une question qui n’apparait que très peu dans les débats sur la décléricalisation : quelle place pour l’institution catholique ? Je crains que si les vraies questions théologiques ne sont pas posées, on ne se retrouve dans quelques années ou décennies devant une coquille vide. L’Église est peut-être éternelle, l’institution ecclésiale, œuvre simplement humaine, elle, ne l’est pas.
Il faut décidément (re)lire Bernard Feillet.
Pierre Locher