" Et vous qui dites-vous que Je suis ? " La réponse de Christiane Guès

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Si ce qu'on appelle le « Royaume de Dieu » se présentait comme un gouvernement, je dirais que Dieu en est le Roi et Jésus son premier ministre. Mais Jésus nous a fait entrevoir une relation à Dieu très différente, une relation de Père à fils, une relation d'amour qui dépasse infiniment la loi mosaïque encore très valable aujourd'hui dans la gestion de la société en ce qui concerne les cinq derniers commandements qui engagent le prochain. De ce fait le décalogue se trouve très condensé dans deux seuls commandements : Aimer Dieu et aimer son prochain. Jésus simplifie même encore en disant aux apôtres : « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». En se reportant ainsi à la personne de Jésus, on se dirige ainsi à la fois vers son amour du Père et son amour pour les autres humains.

 

Si Jésus n'est pas, je dirais « génétiquement », le Fils de Dieu, il a une relation privilégiée avec Dieu le Père qu'aucun autre être humain n'a pu avoir avant sa venue et que peut-être personne n'a pu avoir après. Il est bien le premier-né dans cette relation fusionnelle avec le Père.

 

Il est très difficile d'évaluer le degré d'amour de chacun de nous envers Dieu, même au cours de nos temps de prière, car certains peuvent être assez vides. Dieu aime le premier, certes, mais nous devons pour le rencontrer rester disponibles à cet amour et nous ne le sommes pas toujours, à commencer par moi-même. On ne peut évaluer ce degré d’amour que dans les œuvres envers le prochain : nos solidarités, nos accueils, nos partages. C'est pour cela que Jésus dit que le deuxième commandement, aimer son prochain, est semblable au premier, aimer Dieu.

 

Cette loi d'Amour dépasse toutes les lois humaines. Jésus dira qu'il est venu accomplir la loi (celle du décalogue), c'est-à-dire en quelque sorte il est venu la surdimensionner, la transfigurer, la projeter dans l’Éternité. Non seulement « Tu ne tueras point » mais tu aimeras, tu dépasseras ta haine ou ta rancune et tu la transformeras en pardon. Jésus pour moi est celui qui est venu revivifier le monde, lui proposer un autre avenir que celui de l'actualité que nous lui connaissons.

 

Ma rencontre avec Lui a été vraiment une nouvelle alliance dans ma vie. Pour moi il est le Vivant par excellence. Il me suffit de me tourner vers Lui et je ressens un véritable apaisement, et parfois de courts moments d'intimité s'établissent. Me dire ainsi qu'il est vivant, que je peux sans cesse aller vers Lui, que même avec mes manques et mes fautes, mes difficultés à pardonner ou à demander pardon, je le retrouverai toujours, cela me suffit pour vivre cette vie.

 

Il nous dit que « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux ». C'est là pour moi la véritable Eucharistie, la véritable présence réelle du Christ. La consécration du pain et du vin en corps et en sang du Christ est le geste qui vient symboliser cette présence réelle dans la communauté. D'ailleurs ce geste eucharistique de partage vient souvent terminer un temps de prière ou une messe comme pour signifier à la fois une conclusion et une attestation de ce qui a été profondément vécu avant, au sein de cette communauté, par l'échange de la Parole. C'est un peu comme pour les pèlerins d'Emmaüs. Jésus leur laisse ce signe (en fait sa signature) à la fin de leur rencontre avant de disparaître, après les avoir longuement enseignés sur sa venue prédite dans les Écritures.

 

Luc est le seul a avoir dit : « Faites ceci en mémoire de moi ». Ainsi Luc établit le geste Eucharistique dans une mémoire vivante pour donner à ce symbole toute son importance rendant le Christ un peu plus présent parmi nous.

 

Je ne sais trop ce que sera notre Résurrection. Elle sera sans doute celle de la personne avec toute son individualité. A mon avis notre corps constitue seulement notre enveloppe que nous laissons à la terre. Un texte d’Évangile atteste cette version : oes Sadducéens niant la Résurrection, mais voulant sans doute en savoir un peu plus, interrogent Jésus sur la femme qui a perdu successivement sept maris : Matthieu 22, 28 « A la Résurrection duquel des sept sera-t-elle donc la femme ? » et la réponse v. 30 « A la Résurrection on ne prend ni femme ni mari mais on est comme des anges dans le ciel ». Marc dit la même chose en 12, 25. Luc ajoute même : Luc 20, 36 « Aussi bien ne peuvent-ils plus mourir car ils sont pareils aux anges». Les anges n'ont pas de corps donc si nous sommes pareils, nous non plus, d'où plus de vie sexuelle ni de mort biologique. Au cours du Credo, je ne dis plus « je crois à la Résurrection de la chair » mais en moi je dis : « je crois à la Résurrection de la personne » car l’âme est peut-être un autre corps spirituel en nous.

 

Une autre scène figure dans Luc, celle du bon larron. Jésus lui dit Luc 23,43 : « En vérité je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis ». Cela semble attester d'une résurrection invisible et immédiate sans les apparitions aux apôtres. Mais seul Luc parle de ce bon larron que nous aimerions bien réel, mais qui, à mon avis , n'est peut-être que virtuel car ni Marc, ni Matthieu, ni Jean n'en parlent, Pour ces derniers il n'y a que deux malfaiteurs l'un à droite, l'autre à gauche de Jésus. Luc a-t-il voulu reproduire une image du jugement dernier ?

 

Ce genre de scène me fait penser à certaines sculptures figurant souvent sur les façades des cathédrales d'un côté les bons qui sont accueillis, de l'autre les mauvais qui sont chassés vers l'Enfer, le tout symbolisant le jugement dernier. Or, dans Luc, le refoulement du mauvais larron vers l'Enfer reste dans le flou, dans l'inachevé et laisse ainsi espérer la possibilité d'une autre forme de salut de rattrapage pour ce mauvais larron si semblable aux soldats et aux chefs du peuple. Il y a aussi les badauds qui se taisent mais dont l'opinion ne diffère peut-être pas tellement de celle du mauvais larron.

 

Aussi cet épisode de Luc, même créé de toute pièce, reste pour moi indispensable dans les Évangiles car il est à triple dimension mettant en relief le message d'amour de Jésus en matière de pardon, en matière de privilège pour les publicains, les prostituées, les marginaux repentis d'accéder les premiers dans le Royaume du ciel et en matière de salut pour tous vers la Vie Éternelle. Comme Luc, je ne m'attarde jamais sur l'Enfer. Il y a un esprit mauvais dans ce monde je le sais, mais j'essaie de ne retenir que ce que j'en vois de positif.

 

Mais qu'est-ce qui a déclenché la motivation des apôtres d'aller témoigner de Jésus au péril de leur vie après la Résurrection ? Ils l'ont tout simplement « su » vivant d'une certitude absolue. Ils l'ont vu, ils l'ont entendu, ils lui ont parlé, disent-ils, mais ils ont surtout expérimenté, sur la route, sa présence intérieurement. « Notre cœur n'était-il pas tout brûlant ? » diront les pèlerins d'Emmaüs.

 

Jésus leur avait dit : « je vous enverrai l'Esprit-Saint ». Et Il a tenu sa promesse. Cet envoi a été si important que non seulement chaque apôtre en a reçu une quantité bien au-dessus de ses moyens en intelligence du cœur et de l'esprit, mais même les païens ont été éclaboussés de sa lumière et se sont convertis. C'est ce qui parfois me fait m'exclamer comme ce centurion romain : Mat 27, 54 « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu ! ».

 

En fait, peu m'importe qu'il y ait ou non une résurrection de la chair. C'est celle de l'esprit qui compte pour moi. Dés leur vivant, les apôtres ont reçu cette conversion de l'esprit au contact de Jésus et chacun de nous dans sa vie, en reçoit un peu. De ce fait, nous sommes tous déjà en Vie Éternelle. Par amour pour l'humanité, Jésus nous a démontré cependant qu'il fallait passer par la mort pour atteindre en plénitude ce Royaume de l'invisible appelé encore Royaume de Dieu. Mais « l'essentiel n'est-il pas toujours invisible pour les yeux ? »

 

Christiane Guès

 

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