Assomption : Marie au cœur de notre foi
Pourquoi un culte à Marie ?
Les Évangiles parlent peu d’elle : dans l’évangile de l’enfance par Luc, qui semble un conte pieux mais pétri de références à l’Ancien Testament, elle apparaît aussi deux ou trois fois au cours de la vie publique de Jésus, c’est très peu, sa présence à la Croix est attestée par le seul Jean, enfin les Actesla disent au Cénacle lors de la Pentecôte... puis rien pendant trois siècles et elle reparaît à la marge dès 325 dans les discussions qui mèneront en 431 au dogme du concile d’Ephèse affirmant que Jésus est Dieu incarné (c’est la fameuse question du « theotokos », c’est-à-dire « mère de Dieu »). C’est l’Incarnation qui était en cause, Marie était là dans un rôle de simple faire-valoir.
Puis au fil des siècles elle prend de plus en plus de place jusqu’à la mariolâtrie du 19e siècle qui s’est prolongée jusqu’à nous. Elle a abouti au dogme bien discutable de l’Immaculée Conception et en dernier lieu à celui de l’Assomption, dogmes assez incompréhensibles dans leur signification car l’un basé sur le péché originel, notion floue et discutable, l’autre tellement vague qu’on se demande ce qu’il signifie.
Pourtant Marie est au cœur de notre foi. En accueillant l’ange1, elle a accueilli l’Esprit qui est à l’œuvre dans son mystère de maternité et de fidélité.
Marie est un exemple de fidélité : Juive fidèle qui suit toutes les prescriptions (présentation au temple, retour au temple lors de l’adolescence de son fils, références aux textes bibliques dans le Magnificat), Marie est la « fille de Sion », personnification du peuple de Dieu. Dans sa fidélité à Dieu elle prononce ce « fiat » qui a inauguré un nouveau monde. Elle ne tergiverse pas alors que l’annonce a de quoi bouleverser ! Elle reconnaît et proclame alors la venue du Royaume qu’elle célèbre dans le Magnificat, en reprenant le cantique d’Anne, mère de Samuel. Samuel a inauguré la lignée des grands prophètes, avant lui on trouvait de simples devins, il est celui qui oindra le roi David (« Jésus, fils de David »), il se trouve donc à la source de la lignée qui mène à Jésus. Marie peut se référer à Anne puisqu’elle devient mère du nouveau prophète qui apporte le salut.
Cette fidélité sera la marque de Marie tout au long de la vie de Jésus. Elle est présente à Cana, point de départ de la mission, présente à la synagogue où elle vient le chercher au début de cette mission, puis au pied de la Croix, quand « tout est consommé ». Par cette fidélité, Marie s’est montrée l’humaine parfaite, la « conçue sans péché » de l’Immaculée Conception, terme qu’il faudrait transcrire en « celle qui n’a jamais péché », ce n’est pas la même chose, c’est-à-dire celle qui est totalement fidèle à son humanité, et donc à Dieu.
Marie est mère, elle a accepté de l’être, rien ne l’a forcée. Mère de Jésus, cela la mènera à devenir, au pied de la Croix, mère de tous les hommes appelés à vivre de l’Esprit de Jésus (« femme, voici ton fils... voici ta mère »), de tous les hommes représentés par Jean, ceux qui reconnaîtront la Croix. La maternité de Marie est un mystère non pas par l’affirmation de sa virginité2mais par l’annonce de la venue de l’Esprit à l’œuvre en elle. Par sa maternité Marie rend possible la venue du salut, c’est par elle que le Christ est passé pour nous atteindre, elle est totalement associée à notre lien avec Lui.
La fidélité de Marie l’emporte d’abord sur sa maternité. Dans chaque interpellation de sa mère, Jésus emploie le mot « Femme » (alors qu’il dit « Abba, Père »), c’est à la première fidèle qu’il s’adresse. Rappelons ce « rappel à l’ordre » : « Qui est ma mère ? Et mes frères ?... Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère, et une sœur, et une mère » (Mc 3, 33, 35). Mais au moment de remettre son Esprit, il fait de cette « Femme » qu’il interpelle une dernière fois, la mère de tous les hommes. La fille de Sion, personnalisation du peuple élu, est devenue la mère de l’Église, peuple de Dieu. Le salut est passé par la maternité de Marie, il passe par l’Église Corps du Christ. Présente à la Pentecôte, Marie a été présente à l’Église naissante, elle n’a cessé d’être présente à l’Église, c’est la mission qu’elle a reçue au pied de la Croix.
Jésus, totalement fidèle à son humanité et à sa mission, a été ressuscité, source et promesse de notre résurrection, de notre vie nouvelle qu’il est venu « nous donner en abondance », notre résurrection, c’est maintenant. Marie, la seule à avoir vécu avec son fils la même fidélité, est naturellement associée à sa Résurrection, et par là participe à la promesse de salut portée par l’Église. Là est peut-être un sens de l’Assomption. Augustin George, exégète, écrivait (dans le Vocabulaire de théologie biblique) : « Le mystère de la maternité implique une union totale au mystère de Jésus, dans sa vie terrestre jusqu’à l’épreuve de la Croix, dans sa gloire jusqu’à la participation à sa Résurrection ».
Le culte marial ne peut pas se contenter de ces prières fades et infantiles que l’on rencontre souvent, il est une entrée dans le mystère de la mort et résurrection de Jésus, en union avec toute l’Église, Corps du Christ, dont elle est mère.
Marc Durand
1 – L’Annonciation par l’ange est évidemment un texte mythique, c’est le sens qu’ont voulu donner les rédacteurs qui nous intéresse.
2 – Le mythe de la virginité, outre le fait qu’il veut établir une cohérence avec l’action de l’Esprit dans la génération de Jésus, a pris de l’importance parce que Marie sera vue comme représentante de l’Église, « épouse du Christ » pure et sans tache (ce qui, à notre époque de scandales, oblige à bien séparer l’Église sainte et sans tache de sa réalisation dans les institutions ! Mais nous tous, chrétiens, portons notre part de responsabilité).