Pentecôte : l’Esprit qui vivifie
Les apôtres ont reçu l’Esprit, et nous à leur suite. Nous sommes donc désormais fils du Père, le Fils nous a introduits dans cette filiation qui est réalisée dans l’Esprit. Il nous introduit au sein même de la vie de la Trinité.
L’Esprit est aussi le Paraclet, le Défenseur. Nous le recevons pour être capables de vivre notre foi et d’assurer la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle au monde entier. S’agit-il de faire de tous des disciples ? de les faire entrer dans l’Église ? Ou prioritairement d’annoncer à tous les hommes leur libération, leur liberté ? Si nous croyons à l’Évangile, à ce que nous a transmis Jésus, notre mission est de faire connaître cette parole de libération à nos contemporains. Dans un monde en déréliction, dans lequel la « crise » n’est plus une crise mais une transformation profonde de la terre et de l’humanité, des rapports humains, Jésus nous lance une parole d’espérance que nous devons proclamer. Mais pouvons-nous y croire ?
L’état du monde a de quoi nous inquiéter : direction effective autoritaire par un groupe – que l’on appelle « le marché » - indéfinissable et hors sol, groupe dépassé lui aussi par sa propre technologie, démocratie en déshérence, repli de chacun sur ses intérêts particuliers, ce qui est la négation de l’être humain fait de relation, politiques impuissants devant cette direction sans tête, guerres fratricides et terrorisme aveugle, destruction du vivant. Comment oser espérer ? Espérer quoi ?
L’état de l’Église n’est pas plus brillant. Scandales inouïs tellement ils contredisent tout ce qu’elle prétend représenter, incapacité à se réformer pour dire une parole de vérité, inaudible pour nos contemporains et même pour bien de ses membres, qui la quittent, incapacité à renouveler ses responsables à tous les niveaux, tentée dans ses franges à un retour mortifère sur « la Tradition » qui rassure ses adeptes mais va dans le mur. Comment oser espérer ? Espérer quoi ?
Non, nous ne voulons pas être condamnés à voir notre monde ni l’Église s’effriter, se détruire, se condamner. Cette fête de la Pentecôte nous appelle à un sursaut, à tout reprendre, à sortir de nos certitudes et de nos désespoirs. L’Esprit qui vit en chaque homme nous donne la possibilité de sortir de nous-mêmes, de nous extraire de nos pesanteurs, de nous atteler à la construction d’un nouveau monde. Le monde n’est pas fermé sur lui-même mais appelé à sortir de son carcan. Notre mission est d’annoncer cela et de nous mettre au travail. De l’annoncer à tous, car chaque homme, quel qu’il soit ou qu’il ait été, a une valeur, est aimé de Dieu, a une parole à apporter. Le Paraclet est donné pour nous en rendre capables. Nous ne voulons pas être condamnés
Dieu ne dirige pas le monde, ni l’Eglise, Il nous laisse toute liberté. Mais Il nous appelle au « sortir de soi » qui est le premier pas vers l’amour. Pouvons-nous y croire ? Pour cela il faut essayer de regarder, d’écouter, de se laisser surprendre, bousculer. C’est peut-être la première grâce que nous devons espérer. Sachons voir en chaque homme la part de vérité qui l’habite, l’étincelle d’éternité qui le fait vivre. Sachons, dans les structures existantes et qui sont bien souvent mortifères, dégager ce qui est porteur d’avenir, et sachons brûler ce qui doit disparaître.
« La parole tue, l’esprit vivifie » : l’infusion de l’Esprit nous permet d’agir sans être contraints par les paroles, seraient-elles celles d’une institution légitime. Les paroles, même d’Évangile, sont des paroles humaines, nécessaires pour s’exprimer, échanger, réfléchir, comprendre, mais toute parole est réductrice, aucune parole ne peut prétendre à l’autorité absolue, à la vérité. Celles d’Évangile ne sont rien si l’Esprit ne les transcende pour nous les faire comprendre, pour nous amener à « inventer » notre foi en l’homme et en Dieu, à « inventer » notre agir. Enfant du Père, c’est chacun, qui vit de l’Esprit, qui doit décider de son action au service d’un monde nouveau. L’Esprit souffle où il veut, il est totalement imprévisible.
Sachons accueillir l’Esprit, permettons-nous d’agir, pour que la venue du Verbe, de la Parole, ne soit pas vaine.
Marc Durand
Pentecôte 2019