« Le miracle de mes mains vides » : une contribution à la mémoire de Maurice Bellet
Réduit à ma plus simple nudité, n'ayant rien à t'offrir, Seigneur, que "le miracle de mes mains vides" faites pour recevoir la lumière des plus humbles, de ceux, mes frères, que la vie a meurtris et a dépossédés, comme elle le fit pour moi, de ce qui leur était le plus cher, je me tourne vers toi avec confiance, et je te demande, comme je le faisais enfant, de ne pas m'abandonner, mais au contraire d'augmenter dans mon cœur mon espérance qui n'est autre chose que ta lumière déjà, et sans doute depuis toujours présente.
Je l'ai reçue mystérieusement de toi, et je ne sais si j'ai reconnu ou s'ils m'ont reconnu, ces hommes et ces femmes à travers qui ta lumière m'a guidé et enseigné, laissant dans mon cœur un "dépôt", comme disait Massignon, qu'à mon tour je veux laisser me traverser afin qu'il accomplisse son œuvre jusqu'au bout. Aujourd'hui je la reconnais comme venant de toi. Cette nuit ta " voix de fin silence", je l'entends comme pour la première fois, comme je l'entendis enfant et la reconnus secrètement.
C'est elle qui m'a sauvé la vie, le jour où Maurice Bellet décocha dans mon cœur sa parole de feu. Car cette espérance, cette lumière, n'est pas n'importe quelle espérance ni n'importe quelle lumière : elle est celle qui sauve. Elle est celle qui nous fait espérer au-delà de tout espoir. Elle est cette lumière qui éclaire quand la nuit est devenue la plus obscure. Elle est cette absence qu'on sent vivante dans la présence de l'ami, elle est ce silence qui vient nous habiter par le verbe qui fend la nuit.
Elle sauve, c'est-à-dire que, mystérieusement, elle m'appelle moi par ce "nom impérissable" qui est dans ma vie la révélation imprescriptible de ton Nom.
Elle sauve, je veux dire qu'elle révèle son vrai visage quand elle me fait comprendre que "réussir sa vie" c'est "réussir la vie de son frère", de celui dont je suis pour toujours le gardien.
Christian Reynaud Monteil |
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