L’Église catholique traverse une des crises les plus graves
La Lettre de Témoignage Chrétien du 28 mars rend compte d’un sondage sur la réaction des Français aux récents scandales sexuels qui éclaboussent l’Église catholique (1). 62% d’entre eux déclarent que l’image de l’Église s’est dégradée, ainsi que celle des évêques et des prêtres de France pour 69% des Français et de l’ensemble des catholiques. « La défiance à l’égard de l’Église en France a augmenté de 24 points en l’espace de 8 ans. C’est colossal ». Réalisée au lendemain du refus par le pape de la démission du cardinal Barbarin, après sa condamnation en première instance à 6 mois de prison avec sursis pour non dénonciation de crimes à caractère sexuel, 65% des Français et 58% des catholiques pensent qu’il gère mal la crise. Suite à la diffusion sur la chaîne de télévision Arte du documentaire Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église, Anne-Marie Saunal, psychologue clinicienne, psychanalyste et chrétienne engagée déclare : « Comme femme et comme chrétienne, j’ai été profondément bouleversée et scandalisée. L’Église a des exigences morales très élevées pour les laïcs, et parallèlement, des prêtres se comportent de façon ignominieuse » (2).
Dans un commentaire de ce sondage, Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, tout en soulignant qu’il y aurait une injustice certaine à généraliser les abus constatés à l’ensemble de l’Église catholique, constate : « Cette crise est sans nul doute une de plus graves que nous ayons eu à affronter. Bien sûr, l’Église en a traversé et surmonté d’autres, mais nous avons aujourd’hui trois spécificités majeures : l’Église en est entièrement responsable, elle est mondiale et elle touche les plus vulnérables, les enfants spécialement ou des personnes en situation de vulnérabilité comme des religieuses. Le hiatus entre ce qui est dit, prôné, et ces réalités est insupportable » (3).
L’ouvrage de Frédéric Martel Sodoma. Enquête au cœur du Vatican publié simultanément en huit langues et dans une vingtaine de pays analyse comment un cancer institutionnel constitue une des maladies les plus graves dans l’Église catholique qui neutralise le message évangélique. A ceux qui se choquent de cette analyse des perversions de l’appareil central de l’Église catholique, je rappellerai le fameux discours du Pape François à la Curie romaine du 22 décembre 2014 où il détaillait ce qu’il appelait les quinze maladies qui la minent dont entre autres: « la maladie de celui qui se sent immortel, immunisé ou tout à fait indispensable, la maladie de la pétrification mentale et spirituelle, la maladie de la rivalité et de la vanité, la maladie de la schizophrénie existentielle de ceux qui ont une double vie, la maladie de la rumeur, de la médisance et du commérage, la maladie qui consiste à diviniser les chefs, la maladie de l’indifférence envers les autres, la maladie qui consiste à accumuler, la maladie des cercles fermés, la maladie du profit mondain, des exhibitionnistes » (4). L’essentiel de Sodoma consiste en un travail de quatre ans sur les cinq continents et avec des centaines d’entretiens de responsables catholiques pour donner corps au diagnostic que faisait François au début de son pontificat (5).
Il n’est plus possible à une Église qui prétend se référer à l’Évangile de continuer de s’appuyer sur le cléricalisme de personnages « consacrés » gérés par l’appareil central du Vatican. Pour Christine Pedotti, directrice de Témoignage Chrétien : « Il n’y a pas d’autre solution qu’une révolution culturelle. Pourquoi les exigences de transparence, de sincérité, de parité, de démocratie qui parcourent nos sociétés ne seraient-elles pas bonnes pour l’Église catholique ? » (6).
Bernard Ginisty
(1) La Lettre de Témoignage Chrétien, n° 3816, 28 mars 2019.
(2) Anne-Marie SAUNAL, Des vies fracassées, ibid., p. 5.
(3) Véronique MARGRON, Propos recueillis par Sophie Bajos de Hérédia, ibid, p. 5.
(4) Pape FRANCOIS, Discours lors de la présentation des vœux à la Curie romaine, le 22 décembre 2014.
(5) Frédéric MARTEL, Sodoma - Enquête au cœur du Vatican, éd. Robert Laffont, 2019.
(6) Christine PEDOTTI, Révolution culturelle, op. cit. p. 2.