Aux clercs l'honneur d'oser déraciner le cléricalisme !

Publié le par Garrigues et Sentiers

Pour en faciliter la lecture, nous publions sous forme d'article ce commentaire d'un internaute qui nous a été adressé sur la messagerie du blog.

G & S

 

C'est essentiellement aux  clercs  (prêtres, évêques et diacres) que reviendra, à mon avis, l'honneur de faire sortir le peuple de Dieu du cléricalisme. Mais il s'agit sûrement d'un rude chemin à parcourir, et il semble qu'il ne peut être vécu qu'ensemble. Les disciples de Jésus partent au minimum deux par deux, et c'est quand nous sommes réunis en son nom qu'il est là au milieu de nous.

 

Même si les laïcs s'attaquent de toutes leurs forces au cléricalisme, ils butent sur le pouvoir des clercs. 

 

Ce sont eux qui verrouillent l'Église aujourd'hui. 

C'est à eux-mêmes qu'ils s'attribuent la parole de Jésus : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux »

Ce sont donc aussi eux qui peuvent permettre de délier, d'ouvrir les portes et de  vivre  passionnément ensemble le XXIsiècle.

Ce sont eux qui ont participé à la formation des chrétiens.

Ce sont eux, souvent avec des laïcs collaborateurs sous leur autorité, qui ont forgé les consciences chrétiennes. 

Ce sont eux que l'on appelait l'Église enseignante.

Ce sont eux qui, aux yeux de la majorité des catholiques, ont le savoir.

Ce sont donc eux qui peuvent donner les éléments pour sortir de ce cléricalisme et reconnaître notre égale dignité d'enfants de Dieu, tous membres à égalité d'un seul peuple... Un seul baptême !

 

En conséquence il me paraît urgent que les clercs prennent conscience que la racine du cléricalisme prend sa source dans l'affirmation du sacerdoce ministériel auquel ils ont été ordonnés, ce sacerdoce qui marquerait les clercs d'un caractère ineffaçable, comme une seconde nature s'ajoutant à leur être d'homme. Ce sacerdoce ne me semble pas avoir de réalité évangélique. 

 

Je suis personnellement intimement convaincu que le clerc n'a pas de modification de son être. Il est simplement baptisé comme tous les autres chrétiens. Il n'a pas de « pouvoirs divins spécifiques », il n'est pas un autre Christ. Consacrer le pain, pardonner au nom de Jésus, baptiser et confirmer ne sont-ils pas des biens qui appartiennent à tous les membres du peuple de Dieu ? Tous ces gestes ne sont-ils pas là pour nous manifester les uns aux autres la présence du Christ à nos côtés et non des pouvoirs un peu magiques et réservés, conférés à certains ?

 

Le clerc a fait un choix de vie au service de la communauté des croyants et il y a été confirmé. Il y exerce une fonction qu'on lui confie. Il y consacre ses capacités, ses richesses intérieures, ses forces vives, son cœur, et cela est infiniment respectable. Merci à tous ces hommes pour tout ce qu'ils ont pu apporter et apportent encore au service des chrétiens et plus largement, pour beaucoup d'entre eux, à la vie de leurs contemporains, femmes et hommes, jeunes et vieux, bien portants ou malades...

 

La remise en cause fondamentale de leur « être de prêtre » comme source de ce mal qu'est le cléricalisme suppose nécessairement audace et courage. Sous peine de dérives et de naufrages, une telle démarche ne peut se vivre qu'ensemble : il s'agit en effet d'oser reconnaître et ensuite de dire au peuple chrétien que, tout en ayant des fonctions particulières et vitales pour les communautés, ils ne sont rien de plus, et rien de moins, que n'importe quel chrétien ou n'importe quel être humain.

 

Bien sûr que leurs études longues leur ont permis d'acquérir un savoir et des connaissances qui justifient une certaine autorité de réflexion. Ils peuvent proposer des pistes de réflexion mais ils ne sont pas détenteurs et maîtres de vérité et de morale. Simplement, avec les autres  chrétiens ils croient en un certain Jésus qu'ils affirment vivant et espoir de vie pour tous les humains, et, à leur façon et avec la fonction qui est la leur, ils apportent leur pierre à l'édifice de la communauté et, plus largement, du monde.

 

Pour le peuple chrétien très marqué par son catéchisme et des siècles de tradition, il paraît indispensable que ce soient précisément ces hommes, les clercs, qui, aux yeux des fidèles, ont savoir, autorité, mission, compétence théologique reconnue, qui fassent faire le pas de « décléricaliser les clercs ».

 

Les chrétiens,  dans leur grande majorité, ont été formés par argument d'autorité. Bien sûr, beaucoup ont fait leur cheminement personnel et se sont forgé leur credo. Toutefois un très grand nombre reste attaché à  la parole des clercs. Il suffit de voir, ne serait-ce qu'au niveau des médias, comment on présente les sujets en lien avec la foi chrétienne : c'est toujours la parole d'un clerc à qui on donne le dernier mot.

 

En ce temps de crise, il me semblerait donc très fondamental que les clercs, prennent conscience que le cléricalisme s'enracine dans une faille, à mon sens, radicale qui est l'existence du sacerdoce ministériel et le reconnaître ne diminue en rien la grandeur de leur action actuelle. Mais, par contre, il me paraît leur revenir tout particulièrement, du fait même de ce pouvoir qui leur est reconnu, de dénoncer cette fausse route auprès des laïcs et de remettre à tout le peuple chrétien ces pouvoirs que le sacerdoce ministériel s'est annexé. 

 

Bien sûr on va m'objecter toute l'histoire et la tradition de l'Église, on va me démontrer à l'aide de conciles et d'arguments d'autorité ou théologiques qu'elle est infaillible. Il n'en reste pas moins que les clercs se sont arrogé ce pouvoir sur la vérité, sur ce qui doit être déclaré bien ou mal, ils ont déduit ce pouvoir de leur ordination sacerdotale affirmée comme une marque à caractère définitif dans leur nature même d'homme, cet absolu intangible qu'est le sacerdoce ministériel. 

 

Mais de fait, et comme le manifestent si malheureusement les événements actuels (pédophilie mais aussi malversations financières, abus de pouvoir, double langage) les clercs ne sont que des hommes comme les autres, pas pires, pas meilleurs, que l'on a revêtus d'une aura qui conduit aujourd'hui à décrédibiliser complètement cette Église qu'ils veulent servir et souvent si généreusement.

 

Le cléricalisme est arrivé à son terme et tous les épisodes actuels manifestent l'impasse dans laquelle il conduit l'Église. N'est-ce pas précisément la preuve de son errement ? Ne juge-t-on pas l'arbre à ses fruits ?

 

Reprendre les choses à la racine semble être la chance de toutes ces crises. N'est-ce pas le refus du cléricalisme sous toutes ses formes qui peut revivifier l'Eglise du XXIe siècle ?

 

Tous ensemble, femmes et hommes, tous de même valeur, de même nature, avec nos fonctions et nos places différentes dans la communauté, ne pouvons-nous pas entendre une invitation à poursuivre notre service passionné de la grandeur de chaque personne humaine, service tel que Jésus Christ vivant nous le fait découvrir dans ce monde concret de 2018 ?

 

Jean-Luc Lecat-Deschamps

Publié dans Réflexions en chemin

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V
Bel article, belle réaction. Mais réaction d’un humain, pas d’un catholique, et pure rêverie. Vous demandez la lune. Autant demander aux hommes politiques de ne plus briguer le pouvoir et de se suicider en masse. Il n’y a aucune solution à l’intérieur d’une institution : elle gagne toujours car elle ne connaît pas de personnes mais uniquement des fonctions. “Reprendre les choses à la racine”! Vous connaissez donc cette racine. De quelle autorité? Ce n’est que votre opinion personnelle, et une Église, comme toute institution, n’est pas une addition d’opinions personnelles. L’institution ignore les individus. Si des individus se rassemblent en nombre autour de leurs idées, ils créent nolens volens une autre institution. Et le problème repart à zéro. (Sauf dans le cas d’une communauté scientifique [dans l’idéal], qui est la seule à accepter par définition que ses résultats soient remis en cause. C’est sa raison d’être : elle n’existe qu’à partir de ce principe. Quel croyant est prêt à abandonner sa croyance en reconnaissant que sa base est fausse?) Il ne s’agit toujours que de faire des réaménagements et, dans votre cas, d’en revenir à la mythique pureté des origines. Mais c’est cette origine elle-même qui est peut-être le problème. Vous affirmez que l'Église est aujourd’hui dans une impasse à cause du cléricalisme. Mais pourquoi le cléricalisme est-il apparu? Est-ce une excroissance pathologique de l'Église? Et si le problème venait de Jésus lui-même, de ce Jésus tel que vous l'imaginez et qui est le point de départ de votre foi? Dans mon commentaire de l’article d’Antoine Duprez “Changer de regard : deux cas évangéliques”, je citais le théologien protestant Ulrich Luz : “[…] le mal apparaît par le simple fait que Jésus, le Christ, reçoit une valeur absolue. Nos questions nous conduisent dès lors tout droit à Jésus lui-même, sur lequel repose toute la christologie du christianisme primitif : quel rapport, chez lui, entre son message de l’amour infini de Dieu et son message du jugement? Peut-il légitimement approcher les hommes, qu’il aime infiniment au nom de Dieu, en les confrontant en tant que messager divin comme il le fait, avec des exigences inouïes concernant sa propre personne – des exigences qui leur font inéluctablement violence –, puisqu’en cas de rejet l’amour absolu se transforme en menace absolue? La racine du mal se trouve-t-elle déjà dans le fait que Jésus s’est érigé lui-même en absolu?” [1] Je n’ai eu sur le site aucune tentative de réponse à cette question d’un chrétien.<br /> <br /> [1] “Le problème historique et théologique de l’antijudaïsme dans l’évangile selon Matthieu”, dans Daniel Marguerat éd., Le Déchirement. Juifs et chrétiens au premier siècle, 1996, p. 150.<br /> <br /> Armand Vulliet
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B
Nous partageons les réflexions de Jean-Luc Lecat-Deschamps, tout comme celui de Massimo Paggioli publié le 18/09/2018. On peut indiquer la très bonne analyse de cet enlisement institutionnel dans le livre de Guy Lauraire : On n'enterre pas la lumière... paru aux Éditions du Temps Présent, collection Racines & Ruptures en 2015 (ISBN : 978-2-916842-21-9), lecture facile et réconfortante, dans la lignée des Congar, de Lubac, L-J Lebret, J-M Perrin, B. Beret et les communautés de base...et les pavés de Joseph Moingt (au moins "Faire bouger l’Église catholique", DDB 2012).
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