Faire naître la Fraternité

Publié le par Garrigues et Sentiers

Le mot fraternité a été cher à Pierre de Givenchy, c’était sa motivation la plus importante pour faire vivre le centre Recouvrance.

 

La question qui est posée est : comment la fraternité peut-elle devenir une direction, un projet de vie, un projet de société en faisant converger nos vies, nos engagements, nos institutions, nos métiers et toutes nos forces vers un but commun ? Qui peut insuffler dans nos vies une dimension spirituelle, un but partagé pour tous qui pourrait réunir « ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas »  comme le disait Aragon ? Pouvons-nous « spiritualiser nos vies par l’entrée dans la fraternité universelle » comme nous le dit Abdennour Bidar dans Plaidoyer pour la fraternité ?

 

Si nous cherchons la fraternité et que nous ne la trouvons pas, ce n’est pas qu’elle n’existe pas mais c’est parce que nous ne l’avons pas cultivée, comme une plante qu’on n’arrose pas et qui se dessèche. Pour sortir des idéalismes, des grands principes théoriques, des développements qui dessèchent, nous avons besoin de la fraternité, sinon la laïcité, la liberté, l’égalité, la citoyenneté resteront des valeurs froides.

 

Le 11 janvier 2015 il y a eu ce formidable élan, des marches historiques. Chacun était de tout cœur avec l’autre. C’était un réveil de la vie, du cœur. Cela pose la question suivante : comment passer du choc des indifférences à la fraternité du cœur ? La victoire est toujours du côté de la vie, de la chaleur humaine, de ceux qui la respectent. Mais attention, ne restons pas d’un optimisme excessif car nous risquons de retomber dans nos divisions habituelles. Il reste la question : comment transformer cet enthousiasme du vivre ensemble en actions quotidiennes ? Car nous ne pourrons jamais empêcher durablement les hommes de se battre, de se haïr, de s’ignorer.

 

Il est donc nécessaire d’associer la laïcité et la fraternité. La laïcité comme moyen de vivre ensemble et la fraternité comme lien entre nous pour vivre ensemble.

 

La fraternité est une valeur universelle que l’on trouve dans tous les héritages, dans les sagesses religieuses et les morales profanes. La fraternité nous ramène à l’essence même de notre humanité, l’évidence que nous ne sommes rien les uns sans les autres. La fraternité s’apprend. On ne naît pas fraternel, on le devient : comment s’investir dans la relation à l’autre en faisant attention, en étant patient, confiant, bienveillant et disponible…

 

Le XIXesiècle a été celui de la conquête politique de la liberté, le XXefut celui des conquêtes sociales, de l’égalité, souhaitons que le XXIesoit celui de la fraternité universelle. Nous pourrions alors actualiser la phrase de saint Augustin : « Sois fraternel et fais ce que tu veux. »

 

La fraternité peut devenir le point de convergence de toutes les sagesses de l’humanité qu’elles soient religieuses ou profanes. Cette aspiration est présente sous des formes diverses aussi bien dans le Bouddhisme, l’Hindouisme, le Confucianisme que dans les religions monothéistes, les philosophies et les morales athées. 

 

Avec la devise : « Fais à autrui tout le bien que tu voudrais qu’il te fasse » toutes les grandes civilisations peuvent se rencontrer sur ce principe. Chacun a sa contribution propre à apporter. Le meilleur du religieux et du profane se rencontre dans la fraternité. « On ne voit bien qu’avec le cœur » nous dit le Petit Prince. On ne reconnaît l’humanité de l’autre que si l’œil du cœur est ouvert. La fraternité n’est pas une croyance, elle se vit. La fraternité ne s’enseigne pas, elle se pratique au quotidien, en développant les capacités de coopérer.

 

Nous comprenons alors que chacun n’est rien sans les autres.

 

Mettons-nous à fabriquer de la fraternité. Nous ne sommes pas seulement citoyens mais frères. « La fraternité est le divin de l’homme » nous disait Pierre de Givenchy.

 

Tous les chemins de fraternité mènent au divin de l’homme qui est en tout être humain.

 

Maurice Elain

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