ll faut lire ou relire Maurice Bellet
ll faut lire ou relire Maurice Bellet. Sa pensée critique, marquée par la psychanalyse, lui a ouvert des chemins périlleux, notamment en allant se frotter à la violence absolue présente dans la Bible, comme dans notre civilisation et donc au cœur de l’homme. Mais, montre t-il, c’est au prix d’un affrontement assumé avec « la source noire », principe même du mal, que peut se construire un chemin de libération. À la suite de Sigmund Freud (1) identifiant la pulsion de mort éternelle, affublée d’un masque difficilement déchirable car inconscient, et identifiant le combat contre Thanatos comme primordial pour donner sa chance à Eros, Maurice Bellet ajoute : « Quand quelque chose de la violence pure montre son mufle d’épouvante, c’en est fini des débats et analyses le grand abîme s’est ouvert ; si tu veux demeurer humain, refuse et combats » (2).
La lecture de la Bible nous met face à des situations qui décrivent ce grand abîme. Il ne faut ni esquiver, ni chercher à comprendre absolument ces situations, si ce n’est qu’elles nous disent autre chose de Dieu. Difficile quand on voit – au nom de Dieu – les uns vouloir détruire « la source noire » et les autres justifier leurs propres violences. « Qu’en est il alors du Christ pour nous ? s’interroge M. Bellet. C’est ce point de surgissement, apparemment infime au point d’être insaisissable, qui nous offre le plus de chance de retrouver tout ce qui « par là » est vivant » et donc du côté de l’Agapé. Vaste et perpétuel défi pour les chrétiens. La parole ancienne de saint Irénée nous y encourage : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ».
Bertrand Lebrun
(1) S. Freud, Malaise dans la civilisation, éd. Points, 2010.
(2) M. Bellet « Je ne suis pas venu apporter la paix ». Essai sur la violence absolue, éd. Albin Michel, 2009.