L'amour fraternel témoigne de la Résurrection, entretien de Maurice Bellet avec François Vercelletto (Pâques 2013)
Promoteur d’un catholicisme ouvert et fraternel, Maurice Bellet s’inquiétait de ses dérives identitaires. Travailleur infatigable, il restera comme un penseur visionnaire, capable d’ébranler les certitudes, afin d’ouvrir la conscience chrétienne aux réalités du monde d’aujourd’hui.
Je reprends ci-dessous l'entretien paru, le dimanche 31 mars 2013, dans Ouest-France. Il nous livre quelques clés pour tenter de comprendre ce que le langage humain ne peut traduire.
François Vercelletto
L'amour fraternel témoigne de la Résurrection
Quel sens donner à la croix et à la mort de Jésus ?
L’une des significations de la croix, c’est que Jésus Christ est descendu au plus profond de la détresse. Dans cette violence si forte que les humains ne s’en aperçoivent même plus. En conséquence, n’importe lequel des humains, même le plus accablé, peut dire de Jésus : il est des nôtres.
Quelle est la portée des récits du Nouveau testament sur la résurrection ?
C’est tout le débat. Récits mythiques ? Hallucinations collectives ? Témoignages symboliques ? Ou est-ce, comme je le crois, l’émergence fulgurante de quelque chose d’inouï ? Ce que ces témoins ont perçu, au-delà de ce qui est raconté, c’est la re-naissance de l’humanité. Une nouvelle manière d’être humain à travers l’image de Jésus, qui surgit par-delà la mort.
Selon l’Évangile de Jean, le ressuscité se montre en premier à Marie-Madeleine. Est-ce important ?
Ce n’est pas insignifiant. L’interprétation basique, c’est la reconnaissance du rôle de la femme. La relation du Christ avec cette femme est une relation aimante. Cela suggère qu’il y a entre les humains un amour extrêmement profond qui peut comporter une dimension érotique, mais qui ne s’y réduit pas. Cela renvoie à ce que le Nouveau Testament appelle l’agapè, et que l’on pourrait traduire par un amour de bienveillance et de miséricorde sans réserves.
Pourquoi le ressuscité n’est-il pas re-connu immédiatement ?
Cela signifie que le ressuscité est vu de façon déconcertante. On ne peut pas comparer le récit de ces événements à un rapport de gendarmerie ! Le paradoxe, c’est que ces récits disent dans un langage humain quelque chose qui est comme l’inscription dans notre monde de ce qui est par-delà le monde.
C’est difficile à comprendre…
Nos contemporains ont du mal à accepter qu’il y ait un non-savoir qui est le cœur de la connaissance véritable. Comparons avec les rapports interhumains. Les gens qui savent, qui collent des étiquettes, c’est terrifiant. Alors que, quand je n’y comprends rien, je suis tout oreilles.
Je ne comprends pas, mais j’essaye d’entendre…
Dans tout ce qui a rapport avec Dieu, il n’y a pas de savoir. Ce qui nuit à l’acceptation de la résurrection, c’est la volonté de conceptualiser, de démontrer, etc. Et puis aussi l’imaginaire dont il faut se méfier. Il peut y avoir d’autres chemins.
L’art ?
Ce peut être une direction intéressante. Une des perceptions les plus fortes que j’ai de la résurrection, c’est la messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach. Là, je l’entends. Je la vois aussi, dans ce tableau de Piero della Francesca du petit musée de Sansepolcro en Toscane. Un Christ ressuscité, debout avec un manteau rose, avec un regard presque effrayant ! Une image d’humanité qui parle avec une force incroyable de ce que nous portons tous en nous. Qui est à la fois nous-même et plus que nous. La résurrection nous dit cet amour qui reconnaît en tout humain la présence divine.
Qui révélerait la part de divin qui est en l’homme ?
On peut dire ça. Prenons l’image d’une tapisserie au mur. Le dessus, c’est ce que nous ne voyons pas encore, car nous sommes dessous. Mais si nous pouvions voir le dessus, nous verrions en vérité chaque humain dans la lumière divine et comment sa vie peut se transfigurer sous cet éclairage. En un sens, nous participons déjà à la résurrection.
Concrètement ?
L’expérience la plus visible, c’est l’amour fraternel. C’est le commandement que nous a donné Jésus : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. C’est la clé. Dire Christ est ressuscité – cet être humain a quelque chose en lui que la mort n’élimine pas – et dire, il nous est donné de nous aimer les uns les autres avec la profondeur dont le Christ a aimé les hommes, c’est la même chose.
Et l’enfer ?
Cela a été un moyen de pression assez odieux. Ou un pur scandale : comment imaginer que Dieu envoie des gens brûler éternellement même s’ils ont fait des choses très vilaines ? De l’enfer, nous n’avons qu’une parole. Et cette parole vise quoi ? A nous éviter d’y aller. La volonté de Dieu : c’est que tous les hommes soient sauvés."
Source : http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/03/29/l-amour-fraternel-temoigne-de-la-resurrection.html