« Le contraire d’une vérité n’est pas l’erreur, mais toute attitude de supériorité qui la dégrade » (Pierre Bellego)

Publié le par Garrigues et Sentiers

Chaque année, du 18 au 25 janvier, les chrétiens de toutes confessions sont invités à se retrouver ensemble autour de la prière du Christ : « Que tous soient un comme toi Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jean, 17, 21). Il est heureux que les différents responsables des Églises préfèrent se retrouver ensemble pour se laisser interpeller par l’Évangile que ne saurait confisquer aucun appareil ecclésiastique, au lieu de se livrer à des anathèmes réciproques. Cette manifestation ne se réduit pas à de la courtoisie entre notables religieux ou à un front de défense commun au moment où les Églises deviennent  souvent minoritaires. Il s’agit de donner au mot « vérité » toute la densité que lui donnent les textes du Nouveau Testament.

 

En 1991, le comité mixte catholique-protestant qui préparait la semaine pour l’unité des chrétiens s‘exprimait ainsi : « Lorsqu’elles s’adressent à ceux qui ne partagent pas tout ou partie de leurs convictions, nos Églises doivent s’exprimer sur le mode du témoignage et de la proposition ». Pierre Bellego, alors curé de la paroisse Saint-Severin  de Paris  commentait ainsi ce texte :

« L’évidente humilité qui inspire de telles paroles n’est pas seulement une qualité de comportement, la vertu qui se dépouille de tout esprit de supériorité et de domination. Elle est l’attitude qui donne part à la communion qu’est fondamentalement la vérité. Avant d’être lumière pour l’intelligence, la vérité est élan, énergie qui rapproche les cœurs. Si l’on peut dire qu’elle appartient à l’ordre de la connaissance, c’est seulement à la condition que, bénéficiant d’une liberté grammaticale récemment proclamée, nous écrivions ce mot, comme déjà Paul Claudel le faisait : « co-naissance ». Co-naître, c’est d’abord chercher à naître ensemble à la réalité de la condition humaine, c’est accepter de fouler ensemble l’humus de la vie quotidienne.

Finalement, le contraire de la vérité, ce n’est pas l’erreur mais toute attitude de supériorité qui, d’elle-même, la dénature et la dégrade en en faisant une arme de jugement et de condamnation, une richesse humiliante qui, refusant le partage, se distribue  comme une aumône. (…) Tant qu’elle ne jaillit pas d’une humble communion fraternelle, une vérité ne peut être « une vraie vérité » (janvier 1991) » (1).

 

Dans son manuel de philosophie intitulé Connaissance de Dieu et de soi-même écrit à l'usage du dauphin du roi de France dont il était le précepteur, Bossuet écrivait : « Malheur à la connaissance stérile qui ne se tourne point à aimer et se trahit elle-même » (2).

 

Bernard Ginisty

 

  1. Pierre BELLEGO (1913-1995), L’aujourd’hui du Christ dans l’aujourd’hui du monde, Association des Amis de Pierre Bellego, 1998, p. 234-235. Pierre Bellégo, prêtre catholique et écrivain, connaît, en tant que curé de la paroisse Saint Séverin-Saint Nicolas de Paris l’occupation de l‘église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Le 27 février 1977, il est expulsé  de cette église par des catholiques intégristes qui l’occupent toujours. Au cours de cet incident, il a deux côtes cassées. Un jugement du tribunal de Paris lui accorde des indemnités réparatrices en 1982. Prêtre à la paroisse Saint-Vincent de Paul de 1980 jusqu’à sa mort en 1995, il a été très actif dans l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture).
  2. Jacques-Bénigne BOSSUET (1627-1704), Connaissance de Dieu et de soi-même, IV, 10.

Publié dans Réflexions en chemin

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