Vous avez dit Midrash !
L’article d’Armand Vulliet, Qui veut la vie éternelle n’aime pas la vie, a suscité ce long commentaire de Christiane Guès que nous publions sous forme d’article afin d’en faciliter la lecture.
G & S
Que cela vous rassure ou non, ce n'est pas l'incroyance qui nous sépare de la Vie éternelle.
Jésus a effectivement existé. Il est simplement venu spiritualiser la loi de Moïse et résumer le Décalogue à un seul commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Même s'il se considérait Fils de Dieu, il s'est décentré de lui-même et s'est retranché derrière l'humanité.
Rien ne nous oblige à croire à une Résurrection ou à l'existence d'un Dieu. Mais nous devons essayer de vivre les valeurs de l'Amour sur cette terre et nous sommes tous, même chrétiens, loin d'en être capables y compris dans notre propre famille. Comment aimer ce monde dans lequel règnent la guerre, l'injustice et la souffrance ? Essayer de le rendre meilleur, plus juste et moins violent, telle est la tâche, non pas seulement celle des chrétiens, mais celle de l'humanité toute entière. Essayer seulement de vivre les droits de l'homme dans la laïcité ce n'est pas facile et nous savons que nous n'arriverons peut-être jamais à un parfait idéal d'amour du prochain.
La Vie Éternelle est pour moi un simple processus de la vie tout court. Si le bébé que nous avons été se souvenait de sa vie de fœtus, est-ce qu'il aurait aimé rester en cet état de vie végétative ? N'y aurait-il pas en lui une aspiration à autre chose, en une autre vie ? S'il en avait mémoire, le bébé aurait simplement conclu que cette vie de fœtus était indispensable pour accéder à la vie sur terre.
Ces découvertes qu'a faites René Guyon plus le livre de Nanine Charbonnel sur le « midrash », sans peut-être le vouloir, apportent une énorme contribution à la création et à la réalité de la Loi.
Par exemple le « Tu ne tueras pas » du Décalogue : c'est déjà beaucoup de ne pas tuer car, quelquefois, simplement des mots peuvent tuer. Ils peuvent tuer une amitié et c'est grave. Avec le renoncement à la vengeance, le renoncement à ce qui nous a affectés et le pardon de l'offense, cela va beaucoup plus loin qu'une loi établie sur un geste de mort qu'il ne faut pas faire. C'est cela le véritable « midrash ». C'est à la fois une copie et un perfectionnement de la loi. Ainsi la loi n'est pas abolie mais perfectionnée. Le plus du « midrash » c'est d'être spiritualisé. C'est là sa véritable valeur qui n'est pas qu'une simple copie du premier Testament. C'est le « On vous a dit ceci... Mais moi je vous dis... beaucoup plus ».
Le Jésus de papier c'est le Jésus du premier Testament à l'état de fœtus. Il y a eu sur du parchemin tout ce qui l'annonçait sans que les auteurs de l'époque le sachent vraiment, donc ce Jésus a réellement existé seulement sur du papier... avant qu'il prenne vie. Voilà pourquoi, peut-être, lui-même n'a rien écrit car tout ce qu'il avait à dire devait se vivre. Il est bien dit que la loi est inscrite dans notre cœur. Alors pourquoi la coucher sur du papier ? Il a laissé les évangélistes écrire avec tout le soutien du premier Testament et c'est ce que nous découvrons aujourd'hui : le midrash mais le midrash dans tout son accomplissement. La Parole dans les évangiles ce n'est pas une « différence » d'avec celle du premier Testament mais un plus, un complément. C'est ce que les évangélistes ont voulu prouver.
Le « midrash » est à la fois une copie et une amélioration de l'original. Par ses paroles, Jésus en a dit l'essentiel. Mais bien qu'ayant cet essentiel en mains, nous nous apercevons que nous avons toujours à le découvrir, à le peaufiner, à l'élargir. Le midrash est infini, il est en perpétuelle création car la Parole évangélique n'est pas figée mais toujours en marche. Il y a toujours des subtilités de l'Amour qui se rajoutent même si nous essayons d'en vivre les valeurs premières. Ainsi nous découvrons que ce monde a été livré entre nos mains, croyants ou pas.
Supposons qu'un groupe de pharisiens esthètes de l'époque aient inventé le personnage de Jésus à l'aide des textes du premier Testament. Mais cela va contre toute morale, contre la loi elle-même qu'ils se proposaient d'améliorer. Cela va à l'encontre d'eux-mêmes. Et puis dans quel but ? Les Juifs n'ont jamais parlé d'un tel groupe. Même pour le Judaïsme, Jésus a réellement existé pas comme le Messie, ni comme le Fils de Dieu, mais comme un homme cependant un peu illuminé. Mais ne dit-on pas que le génie frise la folie ?
Je reprends les mots : « quid de l'existence elle-même des personnages de l'histoire biblique, Moïse, Samuel, David, Salomon ». Pourquoi pas la loi, pour exister, n'aurait-elle pas puisé dans d'autres civilisations plus primitives pour se reproduire de façon plus perfectionnée dans le premier Testament ? La vie humaine se fait bien en trois étapes : vie de fœtus, vie terrestre et Vie éternelle ; alors pourquoi pas la Loi qui aboutit à cette dernière ?
Il y a quand même une nuance à établir entre l'imagination d'un écrivain qui se sert de personnages et de faits réels pour écrire un roman et le fait d'écrire des paraboles et des récits de guérisons comme étant l’œuvre d'un personnage inventé pour faire croire à l'existence et surtout au pouvoir de ce personnage. Je ne vois pas ce que les évangélistes auraient eu à y gagner, la célébrité n'étant pas dans leur camp. Il est vrai que dans la Bible Dieu accompagne son peuple et lui dicte ses lois, mais en réalité ce sont les hommes qui écrivent sous le regard de Dieu. C'est un peu ce qu'ont fait les évangélistes, ils ont écrit sur la Parole et sous le regard de Jésus Vivant de sa Vie éternelle.
Vous me direz : « C'est encore un midrash ! » Un de plus ! Mais le champ reste libre pour nos propres mots et nos petits midrashim.
Christiane Guès