Que cachait donc la feuille de figuier ?
Étude de Genèse 3,7
Amis lecteurs, me sentant de moins en moins immortel j’ai décidé maintenant de partager avec vous ce qui a été pour moi – il y a maintenant seize ans – ma plus grande joie à l’orée des quelques années de mes promenades dans la Bible. Je savais qu’en m’attaquant à l’un des textes les plus commentés au cours des millénaires je m’exposais à tous les sarcasmes et à toutes les accusations d’orgueil ou de mauvais esprit. Et ce ne fut pas le cas ! Alléluia !
En effet, ce texte, qui est à l’origine – à la genèse ! – de bien des culpabilités, de bien des oppressions de la femme par l’homme, de bien des théories sur le mal fondamental qui habiterait l’être humain – le fameux péché originel’ – est un texte explosif qu’on ne doit manipuler qu’avec d’infinies précautions.
Mais je ne peux m’empêcher de vous faire part, amis lecteurs, les découvertes que j’ai faites un soir d’hiver, dans les montagnes du Jura, découvertes qui m’ont rempli d’une immense joie qui résonne encore dans ma tête et dans mon cœur.
VOICI LE POURQUOI DU COMMENT !
Tout repose sur la lecture du verset Genèse 3,7
Il s’agit du texte en hébreu massorétique 1
וַתִּפָּקַחְנַה עֵינֵי שְׁנֵיהֶם וַיֵּדְעוּ כִּי עֵירֻמִּם
Se lit :Vatipaqachena céyney sheneyhem vayéde cou ki ceyroumim
עֲלֵה תְאֵנָה ויַּעֲשׂוּ לָהֶם חֲגֹרֹת׃
hem vayiteperou caléh te’énah vaya casou lahem chaghorot
La traduction de la Bible de Jérusalem est :
Et les yeux des deux furent ouverts et ils connurent qu’ils étaient nus
et ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des ceintures
et toutes les autres bibles suivent cette lecture.
Depuis bien longtemps que je me demandais pourquoi la Bible nous racontait que l’homme et la femme se mettaient subitement à coudre des pagnes sous prétexte qu’ils venaient de manger le fruit de l’arbre de la connaissance, et pourquoi – deux versets plus loin seulement – l’homme disait à Dieu : « J’ai eu peur parce que je suis nu » alors qu’il venait tout juste de se couvrir !!!
Voilà bien longtemps que je me demandais pourquoi on considérait que le fils premier né du premier homme et de la première femme – Caïn – était marqué pour l’Éternité par le fameux péché qu’ils auraient commis.
Voilà bien longtemps que je me demandais pourquoi on attachait aux relations sexuelles une connotation de péché, alors que le texte de la Bible, apparemment, ne faisait aucune allusion à cela, bien au contraire, etc.
Cela suffisait pour me donner envie d’étudier ce texte fondateur et de me demander si un quelque sens charnel’ – et donc inavouable ! – n’était pas caché sous le prude et millénaire consensus.
Tentative de traduction nouvelle
Pour ceux de mes lecteurs qui ne seraient pas des lecteurs assidus de la Bible en hébreux je dirai simplement que je m’appuie sur deux faits bien connus de ceux qui étudient les textes hébreux anciens :
- dans ces textes, les mots n’étaient pas vocalisés, puisque les massorètes (les juifs qui ont établi le corpus de la Bible Hébraïque) n’étaient pas encore intervenus pour ajouter des voyelles, accents et signes divers ;
- les intervalles entre les lettres et les mots étaient – au fil des recopies – de plus en plus imprécis, et certains mots pouvaient, avec le temps, se transformer en d’autres.
C’est ainsi qu’à partir de diverses considérations linguistiques – que j’ai étudiées en détail et mot par mot – j’ai été conduit à oser transformer la traduction traditionnelle :
Leurs yeux à tous deux furent ouverts et ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes…
… pour affirmer que ce verset Genèse 3,7 peut signifier :
Et leurs yeux à tous deux furent ouverts et ils connurent qu’ils étaient doués de discernement, et ils furent féconds au-delà du désir, et ils s’enlacèrent...
et évoluer vers toutes sortes de versions dérivées, depuis :
Et leurs yeux à tous deux furent ouverts et ils s’accouplèrent jusqu’à crier grâce, et ils s’inventèrent des enlacements,
jusqu’à :
Et leurs yeux à tous deux furent ouverts et ils se connurent pour la première fois, car ils étaient nus ; leur accouplement dépassa le simple rut, et ils se régalèrent d’embrassements…
Le moins que l’on puisse dire est que cette traduction – quelle que soit sa variante – n’est pas tout à fait semblable à la traduction traditionnelle !
Mais pourtant elle est tout à fait recevable et garantie par plusieurs hébraïsants plus savants que moi…
Et, cerise sur le gâteau, elle dit que le premier fils du couple (Caïn) a été conçu à ce moment-là dans le Jardin des Délices... ce qui signifie qu'en Genèse 4,1 il faut lire : L'homme avait connu sa femme... et non L'homme connut sa femme comme l'écrivent toutes les bibles !
Je vous laisse méditer cela, amis lecteurs...
À suivre… peut-être !
René Guyon
1 – Les Massorètes étaient des savants juifs qui, entre le VIIIe et le Xe siècle après Jésus-Christ, ont mis au point un système permettant de fixer la lecture – et donc le sens – du texte, par l’adjonction de signes, de remarques grammaticales et de points-voyelles (les massores). Le système des Massorètes de l’école de Tibériade est celui qui est actuellement utilisé dans les bibles hébraïques à usage liturgique ou scientifique.