Un regard intelligent à focale variable ?
En réponse à l’article de Didier Levy, Liberté politique, Égalité des droits, Inégalité sociale ; cherchez l’intrus
Intelligent, pour « comprendre ». Focale, pour ajuster sur les cibles essentielles.
Les 50% des Français qui ne votent plus, ce n'est pas pour se désintéresser de la dualité Capitalisme / Communisme. Ce débat-là passionne encore une partie de ceux qui se déplacent. Mais les belles pages et les discours très construits qui n'aboutissent pas ont fini par lasser et décourager beaucoup, voire incommoder. Pour ma part, je ne pratique pas l'idolâtrie, pas plus pour Babeuf que pour Jésus. J'essaie de voir le monde tel qu'il est et les hommes tels qu'ils sont dans leur diversité.
Si l'égalité était le premier vœu de la nature, ça se saurait ! Je ne connaissais pas cet éclair de lucidité de la part des Constituants de 89 sur les dangers destructeurs d'une illusion d'égalité des patrimoines. Il est vrai que les termes sont devenus piégés. Socialisme... libéralisme..., ce dernier inventé par les Chrétiens au XIXe siècle pour libérer la classe ouvrière est devenu le combat pour libérer l'économie des idéologies stérilisantes. De même « progressiste » et « conservateur ». Aujourd'hui les progressistes oœuvrent pour avancer, s'adapter à un monde qui bouge très vite et les conservateurs se cramponnent au passé, aux avantages acquis lors des « Trente glorieuses » durant lesquelles la croissance galopait, voulant ignorer les nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés.
NON. L'égalité n'est pas le moteur de l'humanité. La conscience collective des peuples a parfaitement observé et saisi les inégalités de la nature. La vraie bataille contre celles-ci est un combat permanent et éternel du monde politique et associatif à partir de moyens inégalitaires (discrimination positive ?) pour corriger les injustices les plus criantes. La France est connue dans le monde pour utiliser toute une batterie de ces moyens dans les domaines les plus divers.
La quête de l'humanité est celle du BONHEUR, avec tout ce que cela comporte d'ambigu. En dehors du bonheur personnel qu'on se construit, notamment à travers l'image que l'on a de soi-même, le bonheur collectif, pour simplifier, se nourrit de paix et de sécurité sous toutes ses formes, de liberté de penser et d'agir... et d’un certain confort répondant à des désirs et des moments de joie.
Après ma retraite, j'ai été durant quelques années au Bureau d'une communauté Emmaüs. Nous avions lancé un Audit auprès de la centaine de communautés de France et les quelque 4.000 Compagnons, interrogés individuellement. Le résultat fut sans ambiguïté : à la quasi unanimité, ce n'est ni le confort d'une chambre individuelle, ni les sécurités alimentaires et des soins de santé, encore moins une quelconque égalité qui furent cités, mais LA DIGNITÉ RETROUVÉE À TRAVERS LE TRAVAIL. Chacun selon ses goûts et ses talents personnels. Voilà qui donne à réfléchir. N'oublions pas que sur les quelque 5 millions de demandeurs d'emploi, si l'on pouvait en créer un million seulement, tous les déficits de la SS et des caisses de retraites seraient résorbés. Et pour ceux qui font mine de s'insurger contre les « travailleurs pauvres » des pays anglo-saxons qui ont ramené le chômage en dessous de 5 %, faut-il leur laisser préférer voir continuer monter les millions de RSA à 500€ par mois, exclus de la société, ferment révolutionnaire récupéré par les Extrêmes?
Le Communisme est plus qu'une méthode de gestion économique. C'est une philosophie, un art de vivre, une représentation de société idéale, sans argent, susceptible de satisfaire nos besoins. Elaborées par des hommes sincères et généreux au départ, les choses se gâtent quand on met en œuvre en obligeant les gens à penser selon des dogmes qui ne correspondent pas à leur nature. D'où réaction mécanique et tout cela se termine dans tous les cas par une police politique et la terreur. Il n'y a plus guère que la Corée du Nord qui cherche à menacer le monde entier pour garder le pouvoir à l'intérieur. Pour combien de temps ?...
Thomas More a payé de sa vie il y a 6 siècles son Utopia, autre version de société idéale. Et la Bible nous met en garde de son côté à travers la Tour de Babel... Je ne connais pour ma part qu'un seul exemple contemporain de réussite d'une telle collectivité, vivant sans argent, dans une parfaite égalité des droits et devoirs, la collectivité subvenant aux besoins de chacun. Ce sont les KIBBOUTZ. Ce ne fut possible qu'à l'échelle de micro-réalisations encadrées par un État protecteur et à partir d'hommes et de femmes miraculés, souvent rescapés de pogroms en Europe de l'Est ou de camps d'extermination nazis. Ils ont voulu vivre leur survie dans un rêve assumé. On nous dit que l'esprit des pionniers Kibboutzim est en voie de s'estomper chez leur petits-enfants à la nature commune de l'homme, qui n'est pas égalitaire mais portée à la compétition sur tous les plans : même en amour, dans les Arts, dans le sport...
Il est très curieux dans notre monde franco-français d'aujourd'hui de voir descendu en flammes un président pré-élu pour quelques costards acceptés pour service rendu... ou l'ouverture d'un procès en sorcellerie d'une ministre qui a touché dans le passé des stock-options (parfaitement légales) au mérite d'avoir fait prospérer son entreprise, donc le pays, donc l'emploi... et dans le même temps occulter les 222 millions d'€ (150 milliards d'anciens Francs !) pour le transfert au PSG d'un joueur de foot habile frapper un ballon... De même que diaboliser les actionnaires qui risquent leur capital pour développer les entreprises (la richesse nationale et l'emploi), mais pas un mot sur les stars du Show Biz qui gagnent en une soirée une centaine de SMIC mensuels pour chanter et se tortiller sur une estrade. Nous avons parlé d'idoles ?...
Je pense que cette détestation post-soixante-huitarde des acquis au mérite n'est ni du domaine socio-économique, ni même du politique, mais de celui de la psychanalyse. Le capitaine d'industrie socialiste Le Floch Prigent ne disait-il pas : « Les Français n'aiment pas les gens qui réussissent » ? Cela joue des tours au pays, notamment sur le plan de l'Enseignement, qui ne cesse de reculer dans les comparaisons avec les autres Européens, jusqu'à approcher la queue du peloton. La dernière de cette pensée ubuesque est le tirage au sort des admissions à l'Université plutôt qu'à la reconnaissance du mérite et des talents personnels ! Et si on réglait notre focale sur la Finlande ?
Devant la démotivation généralisée de la classe ouvrière dans les années 30, les Soviétiques furent obligés d'inventer leur ouvrier idéal, se défonçant sans compter par amour de la Patrie, martelé par la propagande officielle : Stakanov.
NON ! la régulation par le marché, encadrée par le Législateur, n'est pas une religion mais un choix. Et je ne connais pas d'autre alternative que le collectivisme. Si quelqu'un sur ce blog a une idée pour une troisième voie viable, nous sommes preneurs. Pour ce qui de l’« économie sociale et solidaire », on peut trouver des produits dans nos supermarchés. Payer un produit équivalent plus cher est du même ordre que faire un chèque à une ONG. C'est sympa, mais ça ne bouleversera pas les cours mondiaux. Pas plus que la proposition française d'instaurer une taxe sur les transactions financières, refusée par les pays européens. Parmi les Ya-Ka, il se trouvera toujours quelqu'un pour proposer l'application unilatérale. C'est comme pour l'ISF, Bercy a fait ses comptes. Ce sera contre- productif, car de nouveaux capitaux à investir se détourneront de la France avec toutes les conséquences économiques et donc sociales que cela implique. Tout cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien à faire. L'art de la politique est de trouver des solutions de compromis qui soient acceptables pour tous, quitte à montrer parfois les dents s'il le faut.
Avant de terminer et sans nier certaines dérives de l'ultra-libéralisme, je voudrais d'une part démythifier quelque peu ce fantasme des riches égoïstes, insensibles à l'intérêt général et assoiffés d'engranger toujours plus de richesses, et d'autre part lever un peu le voile sur les similitudes que les uns et les autres d'entre nous ont cru percevoir entre le discours socialiste et les Béatitudes.
Sur le premier point, j'apprécie les apports des grandes fortunes au patrimoine national, historique, culturel, médical, etc., que ce soit sous forme de fondations, de legs, de donations. Des noms me viennent spontanément à l'esprit, tels : le parc et le château Pastré, près de chez moi, à Marseille ; plus à l'Est, la villa Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean Cap Ferrat, la villa Kerylos, legs de Théodore Reinach, à Beaulieu ; l'hôtel particulier-musée Nissim de Camondo à Paris, la salle de concert Poirel à Nancy, la fondation Maeght à St Paul de Vence, l'hôpital américain de Neuilly, l'hôpital Rothschild à Paris, la récente fondation Vuitton au Bois de Boulogne, vraie cathédrale culturelle moderne... et des milliers d'autres... (Je remarque au passage le nombre relativement élevé de Juifs parmi les généreux donateurs. Et ceci avant la Shoah... alors que l'Eglise, antisémite à l'époque, ne faisait rien pour dissuader l'opinion d'une prétendue avarice et cupidité du peuple élu...).
Certains penseront : « Ils auraient mieux fait de revaloriser les salaires de leur personnel » ? On pourrait dire de même de l'Église qui aurait pu distribuer quelques plats de lentilles supplémentaires aux pauvres, plutôt que construire des cathédrales et des abbayes ? Mais la France ne serait pas la même aujourd'hui.
Quant à focaliser notre attention sur la distance entre les discours et les actes de l'histoire de ce dernier demi-siècle, qui a créé la retraite par répartition ? la sécurité sociale ? le SMIG (ancêtre du SMIC) ? les comités d'entreprise ? la distribution au personnel des fruits des profits de l'entreprise ? Qui a doté la France d'une dissuasion nucléaire assurant sa protection ? d'une production d'électricité nucléaire faisant baisser la pollution et assurant l'un des KWh les moins chers d'Europe ? d'un premier ministère de la Culture ? d'un premier ministère du Droit des Femmes ? du droit à l'IVG ? Qui a décolonisé l'empire français ? Qui le premier a reconnu la responsabilité de l'Etat français dans la déportation des Juifs de France ? Qui s'est opposé aux Serbes lors du génocide de Bosnie ? Qui s'est opposé à l'invasion de l'Irak, qui a déstabilisé l'ensemble du Moyen Orient ?
On pourrait continuer. Pour ne pas blesser nos amis qui continuent de voter à Gauche, je ne remplirai pas l'autre colonne, celle qui recense la série d'erreurs et de fautes politiques et économiques qui ont conduit la France dans son état présent.
C'est pourquoi, pour ma part, j'ai décidé de quitter ma candeur sur les similitudes que je croyais discerner avec le message de Jésus, de concentrer mon regard, de ne porter intérêt que sur ceux qui me proposent de faire un pas de plus en direction de ce qui me paraît JUSTE.
Robert Kaufmann