Prière du moine cistercien, prière pour tout chrétien

Publié le par Garrigues et Sentiers

Très sincèrement, je ne me sens pas du tout habilité à donner un enseignement sur la prière… Tout au plus un témoignage, quelques flashs sur la vie cistercienne dans sa pratique de la prière, et aussi quelques mots sur la méditation au sens actuel du mot.

Pour un moine qui a pour base de sa vie la Règle de saint Benoît, il y a cette phrase lapidaire : Ante omnia Opus Dei (« Avant toutes choses, l’Œuvre de Dieu »), c’est à dire la prière. Les 7 offices qui ponctuent la journée sont la Prière de l’Eglise, ce qui constitue 5 heures de chant, vécues, bien entendu, dans une foi vive. En plus de cela, le moine s’exerce, silencieusement, tout au long de la journée à des «retours à Dieu» : dans le travail manuel, en étude, au réfectoire, dans son sommeil même. C’est, en effet, toute sa vie qui se place sous le regard de Dieu. « Ma vie, c’est le Christ », disait saint Paul…

Benoît, plus pragmatique, prévoit 75 outils à mettre en œuvre pour grandir dans cette vie d’adoration « en Esprit et en Vérité »1.

Dans le cadre monastique, mais aussi dans nos vies dans le monde, la prière est une véritable aventure, qui comporte des âges de la vie spirituelle ; en se gardant de systématiser, on peut remarquer une progression : voie purgative, voie illuminative, voie unitive. Avec un seuil, un premier seuil que sauint Augustin exprime très clairement et superbement : « Je t’ai aimé bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t’ai aimé bien tard ! Mais voilà : tu étais au dedans de moi quand j’étais au dehors et c’est dehors que je te cherchais ; dans ma laideur, je me précipitais sur la grâce de tes créatures. Tu étais avec moi, et je n’étais pas avec toi. Elles me retenaient loin de toi, ces choses qui n’existeraient pas si elles n’existaient en toi. Tu m’as appelé, tu as crié, tu as vaincu ma surdité, tu as brillé, tu as resplendi, et tu as dissipé mon aveuglement ; tu as répandu ton parfum, je l’ai respiré et je soupire maintenant pour toi; je t’ai goûté, et j’ai faim et soif de toi; tu m’as touché et je me suis enflammé pour obtenir la paix qui est en toi. » Guillaume de Saint Thierry (XIIe siècle), à son tour, nous montre le chemin : « Purifie-toi, et au dedans de toi, tu trouveras le Royaume ».

C’est peut-être le moment de parler de la méditation et du silence dans la prière chrétienne. Cette prière chrétienne, il est utile de le rappeler, a pour socle, pour source, la Foi et le baptême : c’est dans le Christ, dans le Verbe que l’Esprit en nous gémit vers le Père ; « un élan vers Dieu dont on se sait aimé » (sainte Thérèse). Hélas, pour beaucoup d’entre nous, nos prières ne donnent pas la satisfaction, le contentement qu’on est en droit d’attendre d’elles… Manque de foi vive ? peut-être, mais aussi parce qu’on s’y prend mal ou qu’on est mal conseillé. Davantage de prières vocales, de chapelets et autres dévotions ne font qu’empirer l’affaire. Les vrais spirituels encouragent au contraire à plus de silence ; et aujourd’hui on redécouvre la méditation. Des sessions de « pleine conscience », le yoga, le travail corporel où nous redécouvrons l’importance du souffle, de la verticalité, de l’enracinement dans le sol, ces exercices nous aident à quitter le mental (la prison du mental). Avec la persévérance, ces « préalables » portent leurs fruits, et nous découvrons une prière toute nouvelle, un silence, une pauvreté, une ouverture à l’Au-delà, le tout Amour. « Fais-toi capacité, et je me ferai torrent », disait Jésus à Catherine de Sienne.

Toute la Tradition chrétienne contient des témoignages de cette contemplation que l’on nomme Méditation aujourd’hui. Ce n’est pas une nouveauté. C’est la prière du Silence, lieu où le contact avec le Christ peut se réaliser, une fois que l’activité incessante du mental s’est arrêtée.

Ecoutons saint Anselme de Canterbury : « Maintenant, fuis un moment tes occupations, cache-toi un peu de tes pensées tumultueuses. Rejette tes pesants soucis, et remets à plus tard tes tensions laborieuses. Rends-toi libre quelque peu pour Dieu, et repose-toi quelque peu en Lui. Entre dans la cellule de ton âme, exclus tout hormis Dieu et ce qui t’aide à le chercher ; porte fermée, cherche-le. Dis maintenant, tout mon cœur, dis maintenant à Dieu : Je cherche ton visage ». La méditation est ce pèlerinage quotidien vers notre centre où Dieu nous attend.

La méditation de nos jours a un succès extraordinaire : des sessions, des livres, des revues en parlent et louent même ses effets bienfaisants sur la santé… La méditation chrétienne a cependant une spécificité propre ; l’intégrer dans sa vie est plus qu’un petit progrès dans la prière. Celui qui s’y exerce régulièrement et avec fidélité expérimentera petit à petit un changement profond dans son être et son comportement.

Cela n’a rien à voir avec quelques pratiques religieuses faites à la va-vite et superficiellement, comme trop de chrétiens se contentent malheureusement. Se brancher véritablement sur le « cep de vigne » qu’est le Christ n’est pas anodin. C’est une grâce infiniment précieuse. Cette méditation nous conduit de l’extérieur vers l’intérieur (comme l’a rappelé le texte de saint Augustin cité plus haut). Elle nous ouvre à rien moins que la vie filiale du Christ. Telle est la Bonne Nouvelle : nous laissons Dieu vivre en nous ! Participation au Christ ressuscité. Nous sommes des « créatures nouvelles » : Dieu en moi, moi en Dieu !

Il s’agit bien d’une mutation ontologique, une conversion de tout l’être: « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (saint Paul, Gal 2,20). Voila la réalité. Ce pourquoi Christ s’est fait homme : annoncer ce don de Dieu à tous les hommes, leur donner l’Esprit qui nous conduit vers le Père.

A chacun de nous de s’effacer (tel est le travail de la méditation) pour que la Réconciliation et la Communion universelle s’accomplissent. Unité avec Dieu, unité, communion avec tous nos frères et le cosmos. C’est en route ! A chacun de nous de rester en marche, dans cette secrète Lumière, cette énergie christique.

Rémi Maisonneuve

 

1.–  Le chapitre IV de la Règle de Saint-Benoît énumère les 73 « Instruments des bonnes œuvres », depuis « Aimer Dieu de tout son cœur… » et « Ne point tuer » jusqu’à : ne pas se mettre en colère, ne pas être orgueilleux, ni buveur, ni gros mangeur, ni paresseux etc. Instruments qui, comme le suggère le titre, devraient être utilisés par tout chrétien.

Publié dans DOSSIER PRIERE

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