Réponse éclairée a l'obscur(antiste)
"Appel de Beauchastel"
Cet "appel" mérite une réponse complète et construite, tant il est imprégné de "manipulation" sur la forme (le premier paragraphe en est l'illustration qui tente d'emporter l'adhésion par l'émotion d'une histoire), de contre-vérités, d'affirmations partielles et partiales, tant il "suinte" la peur à chaque saut de ligne passée la moitié du discours.
Il révèle une inculture dans un domaine qui n'est pas une fin en soi, mais un moyen qu'il s'agit de s'approprier pleinement pour construire d'autres tempos d'enseignement, en ne prenant pas l'économie, disséquée au "bistrot du coin", comme prétexte, variation "green" incluse.
Bref, zéro pointé à un papier aussi peu renseigné et faisant appel à des ressorts aussi faibles. La seule "excuse" que l'on puisse trouver à cet "appel" est en partie rappelée dans le corps de celui-ci, à savoir la forme d'application des multiples réformes faites et défaites depuis des lustres dans une débauche de "référentiel bondissant", "rythme circadien", "pourcentage de réussite" et autres concepts qui, pris individuellement, peuvent avoir un intérêt, mais se perdront dans leur application grotesque sur un système dont certaines fondations sont à reprendre depuis des décennies.
L'informatique en général n'y échappe donc pas, tant elle est utilisée au quotidien sans la comprendre, à l'exemple de la monnaie, comme objet d'échange. Une tablette reste, quoique l'on puisse en dire, un contenant d'informations au même titre qu'un livre, et en censurer l'usage correspondrait, à une autre époque, à tenter d'enrayer l'essor de l'imprimerie sachant tout le mal, voire le "Mal", dont elle semblait être la dépositaire pour les légats des puissants. Curieusement elle a accouché d'un objet à présent chéri par ceux qui écrivent cet "appel", le livre de masse (et je lie bien les deux mots ensemble).
Tentative de réponses point par point
Paragraphe 1 : "La journée dans l'école numérique" relève de la mise en scène ou d'une forme de "storytelling" pour utiliser un terme, certes américain, mais qui contribue à enrichir notre vocabulaire par son contour et contexte très précis d'usage. Et ceci n'est en rien un argumentaire étayé, car je pourrais à mon tour puiser dans l'émotionnel pour tenter de faire plier à mon endroit le roseau humain, pas si bien pensant que cela, dès lors que son cerveau est mystifié par un "conte" de faits favorables. Hors sujet donc.
Paragraphe 2 : "L'innovation qui s'impose à nous" relève du biais d'analyse conjoncturelle et donc partiellement subjectif dans une société qui renie ses propres fondements technologiques par effet de mode. Cette même technologie est à l'origine d'éléments fondateurs de l'émergence de l'Occident comme puissance dominante et dans les frontières duquel chacun est fort aise de vivre agréablement (du moins par comparatif d'un passé, pas si lointain, puisque mon propre grand-père installait l'ampoule et la prise électrique dans les fermes bretonnes encore éclairées par d'autres moyens). Contre-vérité donc.
Paragraphe 3 : "Accepter [...] résignés [...] délitement", je cherche encore l'argumentaire dans ces assertions psychologiques ou liant une cause, "l'informatisation", à un effet, "le délitement", sans éléments même embryonnaires pour en étayer le rapport. La technique de l'assertion ne fait pas avancer le débat si celle-ci n'est pas démontrable et, en la matière, ce qui est décrit comme l'informatisation de l'enseignement n'en est même pas la fondation. Posséder des ordinateurs ou un smartphone ne fait pas d'une classe ou d'un individu un sujet informatisé si le contenu logiciel n'est pas à même de stimuler les facultés de raisonnement ou, pire, si l'utilisation en est faite en dépit, non pas du bon sens, mais à tout le moins, d'une connaissance raisonnable de son concept d'emploi et donc de ses limites. Par ailleurs les anciens Grecs auraient pu accuser l'éducation de s'être "papierisée" à un moment où l'essentiel de l'intermédiation était oral. Bref, là encore, hors du champ argumentaire. Pour terminer ce paragraphe avant "d'aller plus loin", les références aux turpitudes de l'Éducation Nationale, même légitimes, et illustrées dans mon instruction "à chaud", ne peuvent en aucun cas être utilisées dans le débat puisque hors sujet.
Paragraphe 4 : Le numérique, espion "ad vitam" de la vie privée, doit être certes une préoccupation du suivi des élèves, mais de nombreux outils existent à présent pour cela, dont certains défient déjà les organisations gouvernementales américaines comme le FBI. Le devoir citoyen sur le sujet me semble d'encourager cette cryptographie de bout en bout pour protéger l'informatique contre sa propre capacité à être trop efficace dans certains champs d'investigation, et de créer ainsi des risques d'exploitation dictatoriale futurs, car la "fin de l'histoire" est un mythe que l'on peut étayer, mais c'est un autre sujet. L'informatique est entrée dans le domaine de l'armement, donc mesures et contre-mesures sont de rigueur. Néanmoins point d'argumentaire encore sur l'intérêt strictement pédagogique de l'informatisation. La deuxième partie fait enfin émerger quelques éléments de débat, mais immédiatement tués dans l'œuf par un "ça suffit" sans rémission. Tout semble dit, alors même que le concept d'emploi des écrans émerge comme a émergé plus tôt dans l'histoire celui des livres (écrans et livres étant des contenants qui ne préjugent en rien des contenus). Là encore, certains Grecs anciens pourraient nous accuser de laisser le nez de nos enfants dans les livres au détriment de l'écoute pure. Quant à la connexion Internet, elle constitue rien moins que l'avancée la plus importante de l'histoire de l'humanité en terme d'échange d'informations, après l'invention de l'imprimerie, même si la qualité et l'intérêt de celle-ci reste, bien sûr, très subjective. Mais que je sache, le journal l'Equipe, tout comme l'Encyclopedia Universalis, restent des supports papier dont l'appréciation du contenu est laissée au loisir de chacun.
Paragraphe 5 : "hiérarchie administrative [...] classe politique" ont bon dos pour justifier une démission devant la "transformation implacable" [...] du "métier" de l'enseignant, alors même que celui-ci devrait s'instruire par lui-même de tous les sujets lui permettant potentiellement d'améliorer ce métier encore et encore pour que la durée même de la vie ne devienne pas un obstacle à notre évolution par le simple fait que nous n'aurions plus assez de temps pour créer du nouveau après avoir assimilé l'ancien pendant de trop longues années. Les métiers naissent, se transforment, voire disparaissent pour certains, et l'enseignement en fait partie sans pouvoir, ni même devoir, s'extraire du monde qui l'entoure pour permettre de mieux le faire comprendre à ceux dont il a partiellement la charge, car je n'oublie jamais que les premiers responsables de l'éducation d'un enfant sont et restent les parents qui n'ont pas à se dédouaner auprès de l'institution. Mais si ces parents s'approprient plus ou moins bien l'informatisation, je ne vois pas en quoi les enseignants pourraient s'en départir au lieu d'accompagner un mouvement pour mieux le maîtriser.
Paragraphe 6 : cette digression économique, qui commence par une assertion péremptoire, n'ajoute rien au débat mais tente de justifier un refus pour d'autres raisons que pédagogiques. Il serait trop long de mettre en perspective toute cette coagulation de concepts mal digérés, donc je clos ce sujet qui remplit des volumes entiers.
Paragraphe 7 : d'où sort cette pirouette sur la Silicon Valley ? Internet, au sens du contenu, véhicule le meilleur comme le pire (de même que tout média, livre inclus), et les ingénieurs en question sont probablement mieux à même d'instruire leurs enfants ou du moins d'utiliser des outils adaptés afin d'éviter certaines contaminations. À charge pour un enseignant "informatisé" d'opérer ce filtre dans la classe comme il le fait déjà avec les livres.
Paragraphe 8 : quand la "Green Economy" s'invite au bal alors que l'argumentation sur l'enseignement informatisé n'a toujours pas commencé à émerger par des points précis, laissons là encore ce champ hors de propos. Néanmoins pour en finir, la physique nous instruit qu'une dématérialisation se concrétise en énergie, mais que cette égalité d'Einstein n'est en rien un processus qui influe sur la pédagogie, donc, et encore une fois, hors sujet.
Paragraphe 9 : nous rentrons enfin dans le vif du sujet et là mon accord est entier à peu de frais. Car oui, aucun outil n'est la solution à tous les problèmes, et l'informatique n'est qu'un moyen et non une fin en soi. C'est l'humain qui, dans tous les cas de figure, possède les clés éventuelles d'un problème. Mais à ce titre, il peut étudier le déploiement potentiel de l'informatique pour en accompagner la résolution sans s'enfermer dans des dogmes abscons.
Paragraphe 10 : La pierre d'achoppement semble se profiler tant la description faite de ce que les américains appellent "Computer Science" et les français "Informatique" relève d'un autre âge, à savoir celui du siècle dernier, et en la matière, c'est l'âge de pierre. En effet, la compréhension présentée de la machine stockant les informations et de l'humain en assurant la transmission est une vision mécaniste du traitement dont les fondements remontent aux années 50 à 70.
Il y a confusion avec l'automatisation, tout comme au chapitre précédent le concept de dématérialisation était mis en avant comme d'actualité, alors qu'il relève déjà du passé en terme technique et qu'il faudrait envisager pour le présent celui de "virtualisation". Je concède aisément que l'Éducation Nationale étant à mille lieux de l'état de l'art de la "Computer Science", il soit difficile d'y voir un quelconque intérêt dans des salles informatiques recyclant des logiciels d'un autre âge aussi prompts à consterner leurs utilisateurs que pourraient l'être un cadran de téléphone mécanique comparé à une commande vocale en langage naturel. Bref, c'est là que l'inculture du discours blesse le raisonnement et que l'expérience informatique dénaturée par des fournisseurs de petite envergure la renforce dans son approche mécaniste. L'exploration en profondeur des "Computer Science" révèle des trésors d'émerveillement et d'intelligence (sans y mettre un "I" majuscule) à qui possède quelque guide pour évacuer la vulgate à deux balles. Et cette intelligence "virtualisée" est mise au service de l'humain et de son analyse unique et non servie comme la sauce indigeste d'un vulgaire QCM vendu au prix fort par les indigents de l'informatique du siècle dernier. L'information redevient alors un simple substrat que l'ordinateur peut présenter sous de multiples formes, des plus élémentaires aux plus complexes suivant l'assemblage requis et les interactions demandées.
Je parle bien de "virtualisation" expérimentale de portions d'univers connus, comme un corps humain en état de vie simulée et stimulée dans un cours de biologie, d'un système planétaire altérable dans les conditions de la mécanique de Newton pour un cours de géographie, ou encore d'une visite interactive du plateau de Gizeh en histoire. Bref, la "Computer Science" disponible dès maintenant sur un iPad récent pour ne pas le nommer et non sur le super calculateur d'un futur encore à nos portes. L'enseignant y est alors pleinement un guide dans la virtualité tout comme il l'est entre les pages d'un manuel scolaire avec toute la force de sa conviction et de son instruction ; encore faut-il s'intéresser à cette culture informatique et en faire l'effort d'apprivoisement, et non la rejeter comme une mécanique stupide.
Paragraphe 11 : SMS quand tu nous tiens et que l'on confond fin et moyen. La première chose à faire pour renouer le dialogue entre famille et école serait d'en ouvrir les portes. J'ai pu expérimenter pendant huit ans la convivialité d'une école dite à aires ouvertes (avec environ 600 élèves), où les parents pouvaient chaque matin entrer librement et dialoguer ainsi non seulement avec les enseignants, mais aussi avec d'autres parents et enfants dans les espaces ouverts des classes et de leurs ambiances diverses. Depuis le passage de mon enfant au collège, j'ai été relégué à l'extérieur sans autre forme d'explication qu'un alibi sécuritaire si simple à servir. Alors ne prétextons pas la dissémination de nouvelles technologies pour expliquer des dissensions qui n'en n'ont pas besoin.
Paragraphe 12 : De l'émergence de la peur si prompte à établir un front du refus de toute évolution. Non, le numérique n'est pas une révolution pédagogique, sauf à confondre sujet et objet. Le numérique reste un outil, un moyen et non une fin ou la fin de l'enseignant, sauf pour celui qui le refusera par crainte d'en accompagner le mouvement pour mieux en maîtriser l'efficacité. Mais l'expression du front du refus rejoint là encore une conception erronée du numérique tel que pratiqué actuellement en classe, dont je ne vais ici reprendre les arguments déjà cités.
Paragraphe 13 : Les Grecs anciens, de tradition orale, pourront à nouveau apprécier à leur juste valeur l'introduction en masse de la technologie pernicieuse des livres dans l'enseignement du siècle dernier.
Paragraphe 14 : Le passage en gras n'augmente en rien la pertinence de l'argumentaire quasi absent de cet appel consternant qui n'a d'autre excuse qu'un environnement régulièrement sclérosé par une administration souvent incohérente, et l'indigence d'une connaissance sur le sujet qu'il s'emploie à dénoncer en bloc.
Paragraphe 15 : Je n'imagine pas un effet salvateur lié à ma critique de ce texte, mais dont acte, ci fait, et prêt à instruire le dossier en valeurs positives de l'évolution vers le numérique pour nos enfants.
André Val