Propos désabusés d'un cinéphile souvent déçu

Publié le par Garrigues et Sentiers

Les films se succèdent, nombreux, inégaux, parfois simples et inutiles remakes d'un succès antérieur, souvent utilisant des petits tics racoleurs pour plaire au public : sang dégoulinant dans les policiers, hyper-violence de films de guerre, un rien de sadisme par-ci, par-là, scènes de coucherie superflues quand l'intérêt risquerait de fléchir (sans exclure que le film débute sur une scène "érotique" : captatio benevolentiæ ?). Il arrive que tout thème explicite soit absent, peut-être pour se rapprocher de la "vraie vie" qui ne coule pas toujours comme un long fleuve tranquille et endigué.
Je ne citerai pas de nom pour les fauteurs de mes désillusions : 1° parce que je ne suis pas une balance ; 2° parce que ces imperfections deviennent si fréquentes qu'il n'y a pas de raison de dénoncer tel film ou tel metteur en scène. Mais certains défauts récurrents brisent non seulement mon enthousiasme, mais aussi mon intérêt. Si vous pensez que je suis mauvaise langue, soyez attentifs au prochain film "en salle" ou, s'il est moins récent, à la télé.
Est-ce pour faire banlieue, donc populaire, même lorsque ce n'est pas le lieu de l'action, que de nombreux jeunes "acteurs" (les vrais "comédiens" ont appris à parler) bafouillent à toute vitesse en articulant le moins possible ? Comment diable le metteur en scène ne s'en aperçoit-il pas ?
L'éclairage, qui est un "acteur" à part entière dans un film, qu'on écrit avec de la lumière, peut être défectueux. Jadis, même lorsqu'une scène avait lieu la nuit ou dans un bâtiment sans lumière, on voyait encore quelque chose. Je pense entre autres aux magnifiques noir et blanc chez les expressionnistes allemands, chez des français d'après-guerre : Carné, Duvivier, chez Orson Welles aussi (ah ! ces plongées dans les décombres de Vienne !). Aujourd'hui, certaines scènes, parfois les plus dramatiques, se passent dans un noir profond, pendant plusieurs secondes, sans effet manifestement recherché. Il peut subsister le son !
Plus grave, précisément, où sont partis les ingénieurs et responsables du son pendant le tournage ou la postsynchronisation ? De plus en plus souvent, la musique est trop forte, voire assourdissante, au point d'être gênante et qu'on la remarque au détriment du récit. Au point qu'on ne puisse pas comprendre certains dialogues. Ce pourrait être, à l'occasion, un effet voulu, pour entourer une scène de mystère, car on aimerait bien savoir ce qui se dit et de la frustration naît la curiosité. Mais c'est souvent sans utilité cinématographique… En outre, cette musique est parfois inadaptée, il ne faudra plus s'étonner d'entendre du rock ou du disco pendant une scène se passant à Versailles au temps du Roi-Soleil ou dans un Vatican historique. Vain souci d'originalité, d'intriguer ?

Beaucoup de cinéphiles préfèrent les versions de films dans la langue originale. Pourquoi pas ? Pour ceux qui ne connaissent pas l'idiome utilisé, il y a alors le recours obligatoire aux sous-titres. Pourquoi cet entêtement à sous-titrer en blanc au bas de l'image ? Le résultat en est que, dès que le fond de l'écran est clair, on ne peut plus rien lire. Les sous-titres sur un bandeau spécial ou de couleur jaune sont à cet égard plus "confortables" pour le spectateur ; ils restent trop rares.
J'aime le cinéma, j'aime les films, et il en reste heureusement beaucoup de bons et même très bons, mais je suis triste de voir que, dans trop de cas, on a enregistré quelque chose sans que le "but de guerre", le sens, en soit évident. Tourner des scènes comme une suite de diapositives, plus ou moins claires, plus ou moins bruyantes, plus ou moins balbutiées ne fait pas du cinéma.
On pourrait encore disserter sur les critiques de cinéma. Ils participent à nos choix. Quelle indépendance par rapport aux dossiers de promotion ? Quelle liberté vis à vis de certains snobismes donnant prime à l'"originalité" à tout prix, quelquefois simple "nouveauté" racoleuse. Vous remarquerez que certain metteurs en scène ont pratiquement toujours leur lot de louanges même pour des films moins bons ou médiocres1.

Jean-Baptiste Désert

1 – Qui, dans ce domaine, m'aidera à percer le mystère de l'attribution des "T" dans Télérama ? Ce très estimable et même indispensable hebdomadaire culturel affiche parfois "TTT" à des films imparfaits ou abscons, n'en donne qu'un a une production dont le critique-maison dit le plus grand bien, et semble rejeter a priori les films "populaires" et ceux qui ont le malheur d'exposer de "bons sentiments".

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Mon cher J.B., je te trouve très indulgent.<br /> Je ne saurais expliquer pourquoi, cette sono désastreuse, que tu dénonces à juste titre, progresse tant, bien au delà des petits films. Va-t-elle devenir la règle ? Même le blockbuster à grosse "promotion" s'y met. Je ne prendrai que deux exemples de films à succès récents ou rediffusés sur les chaînes de télévision.<br /> <br /> Interstellar de Christopher Nolan (2014) : 2.640.439 entrées en France (au 3 février 2015). Ce bon film de science fiction est aussi — je l'ai lu en tous cas de cette manière — un film où la communication comme assurance de vie (on le voit bien quand elle est amputée par des pannes) devrait être primordiale. Or une grand partie des échanges verbaux sont couverts tout ou partie par la musique de Hans Zimmer, considéré comme l'un des grands compositeurs de musique de dizaines et dizaines de films. J'espère qu'il a poursuivi en justice les responsables du son !<br /> <br /> Que dire alors du Spectre de Sam Mendes (fin 2015). ? 4.744.985 entrées (à la fin de la première année). La musique de Thomas Newman, compositeur de père en fils et primé aux USA, délivre une partition peu inventive, une sorte de continuo confus, abusant en outre de la réverbération, mais surtout tonitruante au point de rendre la quasi totalité des dialogues incompréhensible. Ceci, dans un film au scénario incertain, inflige au spectateur une "double peine". Je connais des personnes qui sont sorties de la salle à cause de cela.<br /> <br /> Pourquoi ce laisser-aller ? Ne dispose-t-on pas, comme modèle, d'un chapelet de créations où la tension dramatique ou l'angoisse s'amplifie plutôt dans une musique suggérée plus qu'imposée, voire dans le silence ?<br /> <br /> Marc Delîle
Répondre