Actualité permanente de la Réforme

Publié le par Garrigues et Sentiers

Pour beaucoup de communautés protestantes, le 31 octobre est le jour de la « Fête de la Réformation » en commémoration de la Réforme protestante. L’intention de Luther et des réformateurs n’était pas de substituer une Église à une autre, mais de ramener le christianisme à sa pureté évangélique. Ce n’est que face à la fermeture et à la décadence des autorités catholiques de l’époque, qu’ils se sont résolus à créer de nouvelles Églises. Rappelant que la fête de la Réformation commémore l’affichage par Luther de ses 95 thèses et non le jour où il brûla solennellement la bulle pontificale qui les condamnait, le théologien protestant Laurent Gagnebin écrit : « Ce n’est pas, en effet, un acte destructeur qui est à l’origine du mouvement réformateur. Sa source profonde a été et demeure fortement positive. Elle n’est pas d’abord rupture avec l’Église de Rome, mais bien, en profondeur, fidélité première à l’Évangile L’affichage du 31 octobre 1520 se voulait, lui, constructif. Il proclamait dans toute sa force évangélique et sa radicalité libératrice le message central de la grâce, de l’amour premier et inconditionnel de Dieu »1.

Plusieurs auteurs protestants comme Marc Boegner ou Roger Mehl ont pensé que le protestantisme pourrait avoir une fonction de « parenthèse » ou « d’intérim » en attendant la Réforme de l’Église universelle. Mais, comme le note avec justesse un grand théologien catholique du 20e siècle, Yves Congar, l’Église catholique a toujours besoin de l’interpellation réformée : « Un grand nombre de textes officiels, de déclarations du pape et des évêques sont des exposés où la Parole de Dieu n’est pas interrogée et entendue d’abord comme la source et la norme, l’inspiration et la lumière de ce qui sera dit. On la cite plutôt en illustration. Nous avons encore besoin d’être interpellés par Luther »2.
Plus fondamentalement, le pluralisme des Églises interdit à chacune d’entre elles de s’égaler à la totalité du Corps mystique du Christ. Si le désir d’unité des chrétiens, et plus généralement de l’humanité nous habite, il ne saurait conduire à l’enfermement dans une structure qui se définirait en quelque sorte comme la fin de l’histoire. C’est ce que Congar affirme : « Le caractère d’intérim ou de parenthèse que Hort, Boegner, Lindbsck attribuent aux Églises de la Réforme en tant qu’elles sont séparées concerne aussi l’Église catholique »3. Toutes les Églises sont provisoires et n’ont de sens que comme éducatrices de l’homme à l’accueil de l’Evangile, qui ne peut être que libre et entièrement personnel.

La Réforme se saurait se réduire à un chapitre de l’histoire du christianisme. Elle est une exigence permanente. Elle est la réponse à la crise plus radicale que les fantasmes totalitaires qui voudraient enclore le royaume de Dieu dans une institution terrestre. C’est à partir de la crise vécue par le Christ par rapport à sa propre tradition religieuse que le Christianisme est né. Jacques Ellul un des penseurs protestant du 20e siècle écrivait ceci : « Que fait Dieu lorsque, en tant que facteur critique dans l’histoire humaine, il déclenche la crise ? Il brise une fatalité pour rétablir une situation mouvante où l’homme trouvera une possibilité de liberté »4. La crise, depuis des lustres, est à la Une des media. Bien souvent, elle traverse nos vies personnelles. Le mot grec crisis signifie le moment de la hiérarchie des critères et des choix. La crise nous engage donc à sortir d’un certain flou confortable qui nous éviterait ces choix, parfois difficiles. En ce sens, la vie chrétienne est une continuelle re-formation, une authentique formation permanente à l’écoute de la Parole de Dieu qui, nous dit l’épître aux Hébreux : « est vivante, énergique et plus tranchante qu’aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu’à diviser âme et esprit, articulations et moelles »5 et ne cesse de renouveler la face de la terre.

Bernard Ginisty

1 – Laurent Gagnebin : La fête de la Réformation in Revue Évangile & Liberté, n°192, octobre 2005.
2 – Yves Congar (1904-1995) : Martin Luther, sa foi, sa réforme. Études de théologie historique, éditions du Cerf, 1983, page 80. Yves Congar, religieux dominicain, fut un des théologiens catholiques les plus influents du 20e siècle. Il est connu pour ses travaux en ecclésiologie et œcuménisme. Sanctionné par la Curie romaine, il fut réhabilité et nommé expert au concile Vatican II et élevé au cardinalat par le pape Jean-Paul II.
3 – Id.
4 – Jacques Ellul (1912-1994) : À temps et à contretemps, éditions du Centurion, 1981, page 185.
5 – Épître aux Hébreux 4,12

Publié dans Réflexions en chemin

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