Le premier jour de la semaine

Publié le par Garrigues et Sentiers

C’est le premier jour de la semaine : le premier jour de la Création du monde.
L’aube pointe à peine et l’obscurité n’en finit pas de stagner. La Création nouvelle commence encore de nuit attendant que Dieu redise : « Que la lumière soit ! ».
L’hiver a été doux et dans la campagne provençale ce printemps, des petites fleurs sauvages criblent le manteau vert des prairies. Les grands pins laissent glisser les échappées furtives du soleil matinal sur les pentes légères et sur les petits sentiers qui les sillonnent. Ce site champêtre semble accueillir ce premier jour de la Création.

Marie de Magdala se rend au sépulcre où git le corps de Jésus. Je la vois empruntant ces mêmes sentiers dans cette même nature en renouveau.
Le sépulcre est encore lié à la nuit. Et, soudain le cœur de Marie s’arrête de battre : « la pierre a été ôtée du sépulcre ». Elle n’a pas besoin d’entrer ni de vérifier. Une évidence s’impose à elle : « On a enlevé le corps du Seigneur » !
Déjà les premiers rayons du jour naissant s’infiltrent dans l’ouverture béante. Le monde recréé commence. Seul le tombeau a retenu l’obscurité et semble renvoyer la vie vers la lumière.

Désemparée et désolée Marie repart et court avertir Simon-Pierre et l’autre disciple appelé « le bien-aimé ». Essoufflée, elle leur lance : « Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau ».
À
leur tour,  les deux disciples se précipitent vers l’endroit et Marie les suit comme elle peut, bien qu’ils l’aient rapidement distancée même Simon-Pierre à l’allure plus lente.
Après constatation, tous deux repartent mais l’un d’eux, secrètement croit. Ce « bien-aimé » a pressenti et ressenti, comme moi dans ce cadre champêtre, ce premier jour de Création.

Marie est enfin arrivée et reste seule. Le soleil éclaire de plus en plus le sépulcre. Alors elle se baisse pour regarder et aperçoit deux anges vêtus de blanc.
Mais n’est-ce-pas cette lumière crue des premiers rayons du soleil matinal qui ont fini par percer le noir du tombeau, lumière éblouissante du soleil de Palestine ? Le soleil atteste de ce jour nouveau, de ce jour jailli hors des calendriers, hors de tout temps, hors des lois physiques de la nature. Le soleil vient de signer ce jour de ses rayons.
Marie pleure toujours et soudain, elle entend une voix : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ».

Cette voix est-elle venue des profondeurs de la tombe, née de cette lumière intrépide qui a balayé les restes d’obscurité ou a-t-elle résonné en elle ? Elle ne saurait le dire.
Un tombeau dans un jardin : la nature en état de renouveau s’est comme calquée sur cette image.
Marie croit voir le jardinier. Mais c’est Jésus, debout, glissé hors du sépulcre dans cette même lumière du début des temps. Au fait, pourquoi Jésus n’aurait-il pas pris la tenue et l’aspect d’un jardinier ? Dieu n’a-t-il pas commencé par se faire jardinier pour sa Création ?
Et ce tombeau dans ce jardin, c’est comme si toute existence humaine était destinée à cultiver un jardin et à finir dans un jardin, peut-être celui de ce Royaume de Dieu que nous appelons Paradis.

À nouveau, Jésus lui demande « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Elle entend ces mots pour la deuxième fois. La première fois, n’était-ce pas la voix de Dieu qui signifiait par là, la première alliance conclue avec la Création, une première alliance toujours vivante mais avec un passage vers la deuxième ?
Avec la même question posée par Jésus, c’est l’apparition de la deuxième alliance. Une autre question la suit de près : « Qui cherches-tu ? » Cette deuxième alliance n’est plus conclue avec Dieu seul mais avec une personne humaine : « Qui ? »
Marie croit toujours qu’il s’agit du jardinier. Elle l’ignore, mais cette vision de Jésus jardinier lui est réservée à elle, seulement à elle. Même le disciple bien-aimé n’y a pas eu droit.
Et Jésus n’a qu’un seul mot à prononcer pour se faire reconnaître : son prénom « Marie ! » auquel elle répond aussi par un seul mot « Rabbouni ».

Jésus lui dit alors : « Ne me retiens pas ! ». (Ne me dis plus rien, ne me dis plus ces paroles d’amitié, ne me manifestes plus ces gestes d’affection empreints de douceur et de compassion sinon je n’aurai plus le courage de remonter vers mon Père car, pour l’instant, je dois rester encore un peu de temps en lien avec cette terre).
« Ne me retiens pas ! Ne me touche pas ! ». Marie de Magdala avait dû souvent utiliser envers Jésus ce pouvoir qu’ont les femmes sur les hommes de les retenir près d’elles en leur manifestant par quelques caresses leur attachement et leur fidélité.
Ne me retiens pas ! Ne me touche pas ! (désormais nos relations ne seront plus ce qu’elles étaient, elles ne pourront plus être pareilles, Marie, il faut que tu acceptes cette idée. Mais je ne serai pas entièrement parti, mon esprit sera toujours avec vous, avec toi et mes disciples, mes frères).

Je t’envoie vers eux comme témoin, mon premier témoin. « Va trouver mes frères et dis leur… ». Le message, le premier message de Résurrection est lancé !
Les larmes de Marie ont séché. La joie l’envahit toute entière. Pour la deuxième fois de la matinée elle repart. Mais elle ne sent plus la fatigue qui l’accablait lors de son premier départ et de son premier retour vers la tombe à suivre péniblement les deux apôtres.
Cette merveilleuse nouvelle lui donne soudain des ailes et la porte légère le long de ce chemin devenu lui aussi nouveau, vers l’ensemble des apôtres.

Jésus est vivant ! Jésus est vivant !
Il monte vers son Père et notre Père à tous, vers son Dieu et notre Dieu à tous !
Ce Dieu-Père, il le remet entre nos mains. Il m’a chargée de vous le dire !
Ce Dieu au nom unique et imprononçable de la première alliance vient d’être institué Père de ce nom de « Père » pouvant être prononcé par toute l’humanité. Dans cette deuxième alliance, il vient pour nous tous de prendre le visage d’un Père.

À notre tour, nous sortirons de nos tombeaux pour vivre dans la lumière !

Christiane Guès

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