François : la communion pour certains divorcés remariés
C'est officiel maintenant. Le pape François entrouvre une porte de l’Église qui était jusque-là fermée aux divorcés-remariés. S'ils ont, par exemple, subi un divorce, s'ils ont refait leur vie de façon stable et s'ils ont des enfants, s'ils désirent vraiment – au sens d'une quête spirituelle authentique – participer à la communion eucharistique « qui n'est pas un prix destiné aux parfaits mais un généreux remède et un aliment pour les faibles », cela pourra se faire « pour certains cas » au terme d'un chemin de « discernement ». Par le biais notamment « d'un examen de conscience » avec un prêtre selon une «logique d'intégration» et non plus « d'exclusion ». Car « le confessionnal, écrit le Pape à l'attention de ces divorcés remariés, ne doit pas être une salle de torture mais un lieu de la miséricorde du Seigneur ».
Le pape François prévient toutefois dans le document intitulé La joie de l'amour qu'il publie ce vendredi 8 avril et qui magnifie le mariage « définitif » entre un « homme et une femme » que cette ouverture pastorale en cas d'échec n'a rien d'automatique ni ne justifie le divorce. Car, écrit-il, « le divorce est un mal, et l'augmentation du nombre des divorces est très préoccupante ». En particulier pour les enfants qu'il ne faut « jamais, jamais, jamais prendre en otage ».
La situation des personnes homosexuelles absente du texte
Grand absent, en revanche, de ce document une exhortation apostolique qui est la synthèse et conclusion de deux sessions, octobre 2014 et 2015 d'un même « synode sur la famille » qui a réuni à Rome plus de deux cents évêques et experts – la situation des personnes homosexuelles. Cette question était pourtant à l'ordre du jour de ce synode voulu par le pape François pour résoudre des sujets difficiles autour du mariage et de la famille. Mais elle a été repoussée, en particulier lors de la seconde session d'octobre 2015. Elle n'apparaît donc quasiment pas dans ce texte, sinon pour rejeter fermement toute perspective de mariage homosexuel et de diffusion de la théorie du genre qui promeut un indifférenciation sexuelle masculin, féminin.
Pour ce qui est de la question du divorce le Pape ne touche pas la doctrine de fond de l'Église catholique du « mariage indissoluble » mais il exploite des ressources d'accompagnement pastoral effectivement sous-utilisées jusque-là. Ainsi de la « loi de gradualité » qu'il emprunte à Jean-Paul II pour accompagner, dans la ligne d'une Église «hôpital de campagne» ceux qui sont « plus fragiles et marqués par un amour blessé et égaré ».
« D'aucune manière l'Église ne doit renoncer à proposer l'idéal du mariage »
Cette « loi de gradualité » dans la vie morale n'est pas « la gradualité de la loi » qui reste, elle, inchangée mais elle « évite des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations » prenant, de facto, la vie des gens telle qu'elle se présente. Sans aller pour autant « vers une casuistique insupportable qui mettrait en danger les valeurs » mais sans « s'exonérer des exigences de vérité et de charité de l'Évangile proposées par l'Église ». Car cela donnerait «à penser que l'Église entretient une double morale» écrit François. Le pape insiste donc pour « éviter toute interprétation déviante » car « d'aucune manière l'Église ne doit renoncer à proposer l'idéal du mariage ».
Mais « il n'est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite irrégulière vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. » Car, ajoute-t-il « il est mesquin de se limiter seulement à considérer si l'agir d'une personne répond ou non à une loi ou à une norme générale car cela ne suffit pas pour discerner et assurer une pleine fidélité à Dieu dans l'existence concrète d'un être humain ». Le Pape ne veut plus de pasteurs dans l'esprit d'une « morale bureaucratique froide» qui pourraient se « sentir satisfait en appliquant seulement les lois morales » comme « des pierres qui sont lancées à la vie des personnes » Ce qui est « le cas des cœurs fermés qui se cachent ordinairement derrière les enseignements de l'Église ». Il conclut « en croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance ».
Débats internes d'une rare intensité ces deux dernières années
Cette évolution dans la pastorale de l'Église vis-à-vis des divorcés remariés, craintes par un certain nombre de cardinaux, d'évêques et de prêtres qui y perçoivent le risque d'affaiblir les sacrements du mariage, de la confession et de la communion, mais soutenue par beaucoup d'autres a fait l'objet de débats internes d'une rare intensité ces deux dernières années. Ils sont donc loin d'être terminés.
Cette inflexion historique dans l'approche de la question des divorcés remariés au sein de l'Église catholique est contenue dans un seul des neuf chapitres que comporte ce document de 250 pages qui une sorte d'hymne à l'amour conjugal, y compris dans sa dimension sexuelle et «érotique», aux enfants et à leur éducation, à la grandeur de la famille et à son rôle dans la société. Autre nouveauté de ce texte, le renforcement dans l'Église catholique de la préparation au mariage mais aussi de l'accompagnement des « premières années » de celui-ci et la gestion des différentes « crises » qui peuvent intervenir dans la vie d'un couple. Elles ne doivent pas aboutir pour le pape à « la séparation » mais à «la réconciliation» par « le pardon ».
François s'érige en fait contre « la décadence culturelle » qui « ne promeut pas l'amour et le don de soi » car elle « transfère » dans « les relations affectives » ce qu'elle pratique avec « les objets et l'environnement » : « tout est jetable, chacun utilise et jette (…) exploite et presse. Ensuite Adieu ! Le narcissisme rend les personnes incapables de regarder au-delà d'elles-mêmes, de leurs désirs et de leurs besoins ».
Le pape François ouvre la porte de la communion à certains divorcés remariés