L’avancée inexorable du chômage : fatalité ?
Une fois de plus, malgré promesses, discours, dispositifs, nous constatons que le chômage continue régulièrement d'augmenter. Il atteint plus particulièrement des populations jeunes et les seniors. Et certains économistes suggèrent de nous habituer à vivre avec 10% de chômage structurel.
Le Président de la République a proposé lundi dernier, devant les membres du Conseil Économique et Social, un certain nombre de mesures touchant à la formation des chômeurs, à la valorisation de l’apprentissage et à l’aide à l’embauche dans les PME. Depuis des dizaines d’années, nous entendons, les responsables politiques de tous bords affirmer la volonté de développer l’apprentissage et on cite en modèle sur ce point les modèles suisse et allemand. Nous les entendons également insister sur la nécessité de donner plus souplesse aux PME et PMI que des rigidités juridiques et administratives freinent dans leur capacité de faire face à des crises.
Aujourd’hui, la France apparaît comme un des pays d’Europe ayant le plus de difficultés à diminuer le chômage. Les déclarations politiques et les dispositifs toujours recommencés peuvent ressembler à une litanie d'invocations dans le vide et à des rituels de moins en moins crédibles. Certes tout cela n’est pas inutile et permet de faire face à des urgences, mais ne saurait occulter le mal être de nos sociétés.
La peur de l'avenir, l'insécurité de l'emploi, le manque de perspectives des jeunes qui entrent dans la vie active, tout ce malaise profond, vécu par un nombre grandissant de nos concitoyens, fabriquent du désenchantement politique. La juxtaposition d'une avancée inexorable du chômage et des discours vains a quelque chose de dérisoire et de désespéré. Elle conduit à un scepticisme généralisé sur la capacité des professionnels de la politique de contrôler les mécanismes économiques et financiers mondialisés qui poursuivent imperturbablement leur logique dévastatrice.
Tout cela produit ce que nous constatons à chaque scrutin : la progression de l’abstention et celle de l’extrême droite qui deviennent les deux premiers partis de France !
Nous sommes au cœur d'une crise qui n'est pas seulement politique mais d'abord et avant tout intellectuelle. Nos hommes politiques ne sont pas pires qu'avant. Mais ils ont à affronter, et nous avec eux, la faillite de la représentation d’un certain type de fonctionnement de nos sociétés. Les discours ne sont plus en phase avec le réel. Au lieu de nous laisser enfermer par les termes d'une question à laquelle on ne cesse d’apporter des réponses inefficaces, nous avons à remettre en cause les termes même de la question et la représentation du monde qu'elle suppose.
La mondialisation est un fait qui s’impose à nos sociétés. Elle génère des crises successives qui nécessitent conversions et adaptations. Entreprises et salariés doivent aujourd’hui être capables de davantage de mobilité. Cette « guerre de mouvement » économique ne sera gagnée que par une très grande décentralisation et une responsabilité accrue des acteurs économiques et sociaux sur le terrain.
Pour ouvrir de nouveaux horizons au mouvement social et politique, nous devons régulièrement nous interroger sur ce que dirigeants et experts nous annoncent comme évidences incontournables. Le travail d’analyse des processus économiques et sociaux est constamment à reprendre sous peine de répéter incantations rituelles, anathèmes ou langues de bois.
L’innovation collective passe aujourd’hui par les différentes initiatives que les citoyens prennent sur le terrain : économie alternative et solidaire, créations de « start-up », réseaux d’échanges entre les personnes, lieux de création de nouveaux champs de la culture… tout ce qui fait que, face à la crise, notre peuple tient debout.
C’est de l’attention à ces nouveaux modes de vie et à ces pratiques d’affrontement quotidien au réel que pourra naître le renouvellement d’une politique capable d’accompagner les mutations que nous vivons.
Bernard Ginisty