L’Avent, attente de Dieu à travers nos fragilités

Publié le par Garrigues et Sentiers

En proposant chaque année la liturgie de l'Avent, L'Église invite à vivre le rapport au Christ sur le mode de la nouveauté permanente et non celui de la possession satisfaite. Lorsque Jésus commence à faire parler de lui, Jean Le Baptiste envoie certains de ses disciples pour l’interroger : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ». Sa réponse ne consiste pas à enseigner un dogme ou à prendre position dans les querelles religieuses de son temps. « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres »1.

Le signe messianique c’est que les gens se mettent debout et que les pauvres entendent une bonne nouvelle.

Les fondateurs des grandes religions connaissent en général une longue évolution vers la sagesse et la sainteté. L’abondance des années constitue un signe de bénédiction. Or, le Christ n’est en rien le modèle d’une longue vie. Il n’écrit aucune œuvre, il ne crée pas un monastère. Il meurt jeune et ce qu’on appelle sa vie publique n’excède pas trois ans. Sa trajectoire que les chrétiens se remémorent à chaque eucharistie est celle d’un « passage », d’une Pâques. Ses disciples ne comprennent rien de son vivant, perdus qu’ils sont dans l’attente d’un messie politico-religieux. Non seulement le Christ ne cherche à embrigader personne, mais il appelle chacun à accueillir la venue de l’Esprit en lui. Lorsqu’il voit ses disciples consternés par l’annonce de sa passion et sa mort, il leur dit : « Il vaut mieux pour vous que je parte car si je ne pars pas le Paraclet ne viendra pas en vous »2.

Ce surgissement de l’Esprit en l’homme n’est jamais donné une fois pour toutes. Un Dieu vivant est toujours naissant et, comme le dit Maître Eckhart, on ne peut le saisir que « dans l’accomplissement de la naissance »3.

Dans ce temps de préparation à Noël, l’Évangile nous rappelle que Dieu est un enfant dans une crèche et qu’il est présent dans le pain partagé. Dieu se « défroque » des oripeaux de puissance, de gloire, de suffisance. Le Christ ne nous invite pas à un plan de carrière institutionnel ou à la construction d’une perfection morale ou encore à fuir dans un refuge face aux abominations de ce monde. Une des prières les plus justes que je connaisse est celle de Etty Hillesum, jeune juive de 27 ans gazée à Auschwitz en 1943.

Elle écrivait ceci dans son Journal quelques mois avant sa mort : « On a parfois le plus grand mal à concevoir et à admettre, mon Dieu, tout ce que tes créatures terrestres s’infligent les unes aux autres en ces temps déchaînés. Mais je ne m’enferme pas pour autant dans ma chambre, mon Dieu, je continue à tout regarder en face, je ne me sauve devant rien, je cherche à comprendre et à disséquer les pires exactions, j’essaie toujours de retrouver la trace de l’homme, dans sa nudité, sa fragilité, de cet homme bien souvent introuvable. Enseveli parmi les ruines monstrueuses de ses actes absurdes »4.

C’est à retrouver cette « trace de l’homme dans sa fragilité » que nous invite ce temps de l’Avent.

Bernard Ginisty

1 – Évangile de Matthieu 11,2
2 – Évangile de Jean 16,21
3 – Maître Eckhart : Sermons, Tome 2, Éditions du Seuil, 1978 page 113
4 – Etty Hillesum : Une vie bouleversée. Journal 1941-1943 Éditions du Seuil, collection Points 1995, page 117

Publié dans Réflexions en chemin

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