Faire face aux deux fléaux qui menacent notre avenir
« S’organiser, pour l’homme, c’est s’organiser entre les hommes »1
Le 30 novembre prochain s’ouvrira à Paris la 21e Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques plus connue sous le nom de COP 21. L’enjeu est de taille car il devrait aboutir à un accord international, applicable à tous les pays, pour limiter le réchauffement climatique. Il ne s’agit donc pas d’améliorer une trajectoire économique pour en augmenter les potentialités mais de la remise en cause des fondamentaux qui portent cette trajectoire : le progrès est sans fin et tout problème rencontré trouve tôt ou tard sa solution technologique.
Cette croyance en une automaticité de la construction de notre futur commun vole aujourd’hui en éclats. Comme l’écrit Christophe Bouton, « L'histoire mondialisée va beaucoup trop vite pour qu’on puisse espérer la faire. L'action des hommes politiques fait figure d’une piètre agitation médiatique qui reste à la surface des choses ou à la remorque des événements. (…). L’homme n’est plus qu’un rouage dans une machine qui le dépasse et finira un jour par marcher sur lui. L’aliénation technologique se double d’une aliénation économique, fruit d’un capitalisme financier qui se joue des frontières entre les États »2. Il s’agit donc de retrouver notre capacité de construire du sens et une hiérarchie des valeurs pour nous permettre de faire face aux deux fléaux qui menacent notre avenir : l’innovation technologique débridée et le fondamentalisme marchand qui l’accompagne et en décuple les effets.
Comment parler de long terme dans des sociétés obsédées par ce qu’on appelle « le temps réel » et la rentabilité à court terme des investissements ? Car il s’agit bien, pour les représentants de la communauté internationale, de se hausser au-delà de leurs intérêts financiers et électoraux pour prendre des décisions qui vont bousculer les habitudes et les paresses intellectuelles, gestionnaires et administratives. C’est s’affronter à ce que l’ancien Vice-président des États-Unis Al Gore appelle « une démocratie et un capitalisme trimestriels »3.
Dans une économie mondialisée qui n’est régie par aucun gouvernement mondial, les maîtres des flux financiers tentent de se poser comme les maîtres du monde. Les conférences internationales risquent de n’être que des symptômes d’une crise qu’elles constatent à défaut de les gérer si nous ne construisons pas peu à peu une gouvernance mondiale. Après les sociétés traditionnelles qui confondaient l'économique et le social, après la modernité qui s'essouffle dans une séparation abrupte et absurde des deux domaines au nom d’une compétitivité sans cesse plus meurtrière, il nous faut inventer une économie solidaire et un développement durable. C’est à dire gérer autrement les ressources, non seulement financières, mais technologiques et économiques dans un monde pour qui la solidarité s’impose comme une exigence de survie.
Bernard Ginisty
1 – Gaston Berger : L’idée d’avenir et la pensée de Teilhard de Chardin in Phénoménologie du temps et prospective, Presses Universitaires de France, 1964, page 241
2 – Christophe Bouton : Faire l’histoire – De la Révolution française au Printemps arabe, Éditions du Cerf, 2013, page 7
3 – Al Gore : Le futur. Six logiciels pour changer le monde, Éditions de La Martinière, 2013, page 28