Chercher de nouveaux commencements
« Comme jamais auparavant dans l’histoire,
notre destin commun nous invite à chercher
un nouveau commencement »1
Du 30 novembre au 11 décembre prochain, la France va accueillir et présider la 21e conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques. Plus que jamais, l’humanité se trouve face à une course de vitesse entre une prise de conscience et de responsabilité par les citoyens et le laisser-faire de logiques purement financières et consuméristes.
Dans la préface à son ouvrage philosophique majeur intitulé Le Principe de responsabilité, le philosophe Hans Jonas écrit : « Le Prométhée définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore connues et l’économie son impulsion effrénée, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de l’homme de devenir une malédiction pour lui »2.
En 2008, quelques mois avant que n’éclate la crise majeure du système financier mondial, Patrick Artus, spécialiste en économie internationale et en politique monétaire et Marie Paule Virard, rédactrice en chef de la publication Enjeux-Les Échos, publiaient un ouvrage intitulé Globalisation, le pire est à venir. Dans la page de garde de l’ouvrage on pouvait lire cet avertissement : « Le pire est à venir de la conjonction de cinq caractéristiques majeures de la globalisation : une machine inégalitaire qui mine les tissus sociaux et attise les tensions protectrices ; un chaudron qui brûle les ressources rares, encourage les politiques d’accaparement et accélère le réchauffement de la planète ; une machine à inonder le monde de liquidités et à encourager les irresponsabilités bancaires ; un casino où s’expriment tous les excès du capitalisme financier ; une centrifugeuse qui peut faire exploser l’Europe »3. Ce diagnostic reste d’une brûlante actualité surtout si les responsables politiques restent tétanisés par les injonctions de la finance internationale. Dans cette conjoncture, les travaux d’experts et les conférences internationales sont certes indispensables. Mais ils ne seront porteurs de transformations concrètes que si chacun d’entre nous apprend à changer son regard sur le monde.
Dans sa Lettre encyclique Laudato si, le Pape François déplore que la crise financière de 2007-2008 n’ait pas conduit « à repenser les critères obsolètes qui continuent à régir le monde. (…) Sauver les banques à tout prix, en en faisant payer le prix à la population, sans la ferme décision de revoir et de réformer le système dans son ensemble, réaffirme une emprise absolue des finances qui n’a pas d’avenir et qui pourra seulement générer de nouvelles crises après une longue, coûteuse et apparente guérison » 4. Aussi, « face à la détérioration globale de l’environnement », le Pape décide « d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune »5. Reprenant le message de François d’Assise qui inspire son pontificat il écrit « Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté, dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous sous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination »6.
Bernard Ginisty
1 – Pape François : Lettre encyclique Laudato si, §207
2 – Hans Jonas : Le principe de responsabilité, Éditions Flammarion, collection Champs Essai, 2009, page 15.
3 – Patrick Artus Marie-Paule Virard : Globalisation. Le pire est à venir, Éditions La Découverte, 2008
4 – Pape François, op.cit. § 189
5 – Id. § 11