Ni Nadine, ni Charlie !

Publié le par Garrigues et Sentiers

Je ne suis pas "Nadine", non à cause de son erreur à caractère historique sur la "race blanche", mais à cause des inepties qu'elle profère régulièrement depuis des années, avec l'assurance que l'on ne trouve généralement que chez les autodidactes.

La preuve a été faite que la notion de race n'a aucun sens. L'UNESCO avait publié, après la Seconde guerre mondiale, une enquête scientifique sur la notion de "Race". La brochure qui suscita le plus d'intérêt et de débats fut incontestablement, en 1952, Race et Histoire de Claude Lévi-Strauss. La "race" apparaît comme une construction idéologique fondée sur des apparences anatomiques : couleur de la peau, forme du nez, aspect des cheveux, couleur d'yeux, etc.

Mais cette apparence est démentie par les progrès de la génétique montrant la similitude des ADN. D'ailleurs, les catégories raciales concoctées au XIXe siècle classaient les "Arabes" dans la "race blanche". Est-ce l'idée que voulait défendre Nadine M. ?

Il faut rappeler en outre – pour comprendre ce que peut être un faux débat – que le mot "race" n’avait pas la même signification en 1959, quand Charles de Gaulle l'aurait employé et aujourd'hui.

Madame Morano aurait pu, à juste titre, parler de confrontation de "civilisations". Car c'est une simple évidence que la culture européenne (quoique loin d'être uniforme) s'est forgée sur plus de deux millénaires et que l'influence de l'Islam y a été, tout ce temps, très réduite. Elle a donc dit une bêtise, soit. Je ne la défendrai pas.

Ce qui me trouble, c'est qu'au moment du drame de Charlie Hebdo, on a entendu (presque) tout le monde (du moins à gauche) défendre la liberté d'expression comme un absolu – et donc établir la possibilité de penser à tout-va – et que maintenant on s'en prend à ceux qui disent peut-être des contre-vérités… lesquelles, selon les principes évoqués, devraient pouvoir être formulées "librement".

Sinon qui va être juge de ce que la liberté autorise ou, paradoxalement, interdit ?

Il en est ainsi jusqu'aux évidences que l'on ne peut proclamer quand elles ne correspondent pas au corpus culturel des certains médias parisiens. Souvenons-nous de la polémique sur les « racines judéo-chrétiennes de l'Europe ». Oui, après la marque de la culture gréco-romaine, et avant l'éclairage des Lumières, la plus grande partie de l'Europe a été soumise, qu'on s'en félicite ou qu'on le regrette, à un millénaire de christianisme, avec ses ombres et ses lumières.

Le nier est aussi absurde que de ne pas reconnaître que la culture musulmane prédomine en Arabie saoudite. D’ailleurs, Bernard Cazeneuve, ministre P.S. des cultes, vient de reconnaître, dans son discours à la clôture des États généraux du christianisme à Strasbourg, ces racines évangéliques des valeurs républicaines de la France.

Résumons-nous.

De deux choses l'une :

- ou bien la liberté de penser et de s'exprimer s'impose sans concession, et on ne devrait pas poursuivre les déviants (on reproche assez à l'Inquisition sa dictature morale),
- ou bien certaines choses ne doivent pas être dites et une censure (pratiquée par qui ?) a le devoir d'en empêcher la formulation.

Alors, caricaturistes, il faudra être plus respectueux de vos adversaires.

Jean-Baptiste Désert

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J
Merci aux commentateurs de mon modeste "coup de gueule". Merci d'avoir répondu car un blog ne prend vie que dans la confrontation (courtoise) des idées entre les internautes. La variété de leurs points de vue me rassure : pour les uns c'est trop, pour les autres pas assez. Merci particulier à Anne 2B, qui a compris ce que je voulais exprimer.<br /> A Marc Durand, je voudrais dire qu'il n'est, bien entendu, pas question de comparer les situations de Charly et de Nadine, encore moins les pénalités subies, mais, dans l'un et l'autre cas, il était question de la limite autorisée à la liberté d'exprimer n'importe quoi. Je voudrais comprendre la légitimité des critères de tolérance. Par exemple : est-il pertinent, élégant, utile, courageux, productif.… de représenter un personnage "sacré" (pour certains) en train de se faire sodomiser ? En quoi cela peut-il illustrer la noblesse de la laïcité, dont je pense qu'elle gagne en crédibilité quand elle se montre respectueuse des autres, y compris de ses adversaires ? Même dans la caricature critique, on peut utiliser des traits plus fins qu'une vulgarité de principe.<br /> Le droit interdit de prononcer certains mots ? Sans doute, mais l'exemple est mal choisi : le mot "race" figure dans la Constitution de la République française (version 1958, révisée en janvier 2015 (sic), article 1. Ça se trouve facilement sur le site de l'Assemblée nationale : « La République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». La Constitution française est-elle raciste ?<br /> A J. Laboute. Je maintiens qu'il y a des significations variées du mot "race". Celle que semblent condamner les opposants à Nadine, serait celle qu'employaient les nazis et, avant eux, quelques anthropologistes du XIXe siècle , établissant un classement des individus en catégories de valeurs inégales. Au sommet, seuls vrais hommes, les aryens grands, blonds, aux yeux bleus (comme Hitler ou Gœbbels !) , et puis une pyramide, en bas de laquelle se trouvaient les "nègres" et les Juifs considérés comme des "sous-hommes". Quant au constat des différences d'apparences physiques, il reste un peu insuffisant, car il est patent que la "race blanche" comportait aussi bien les grands vikings que les petits siciliens basanés . Lesquels étaient les "vrais blancs" ?<br /> À Ph. Lhermet. Je ne pense pas que, pris solitairement, le mot race soit de soi "raciste". C'est l'emploi que les racistes en font qui le rend tel. La preuve ? voir ma réponse à Marc Durand (§ 2).<br /> Tout cela n'absout pas Mme Morano, qui était le prétexte du jour. Je voulais simplement appeler à la prudence quand on crée ou entretient une polémique plus ou moins fausse dans son objet.<br /> Quant à la démocratie, évoqué par Ph. L., c'est un autre sujet qu'il faudrait discuter sur un autre plateau. En son nom (comme en celui de la Liberté), on n'a pas seulement commis des crimes (Cf. quelques républiques dites "démocratiques" du grand Est, mais des erreurs. Je suis prêt au débat.<br /> Jean-Baptiste Désert
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P
Ainsi va la scène politique française : un jour, les « sorties » provocatrices de Madame Morano, le lendemain les diatribes hystériques et germanophobes de Madame LePen. Ce n'est même plus le degré zéro de la politique, c'est la chute dans les abimes insondables (et non mesurables) de la bêtise (rappelons-nous Jacques BREL et son air consacré à la dame en question), le plus affligeant étant que des commentateurs dits « politiques » s'en repaissent à longueur d'éditos ou de chroniques ...<br /> <br /> Au delà du spectacle de désolation que nous offre ce petit monde politico-médiatique, on peut trouver des sujets d'interrogations soulevés à juste titre par certains commentaires de G&S.<br /> La bonne conscience, si longtemps attribuée aux personnes fréquentant les églises, a maintenant envahi l'espace politique, de droite comme de gauche. Les uns prennent des accents gaulliens pour en référer à une époque qui n'est plus (on l'a déjà dit, le mot "race" n’avait pas le même signification il y a un demi-siècle), les autres se réfugient dans une abstraction totale selon laquelle supprimer le mot «race» entrainerait la fin du racisme...et des comportements racistes (on vole en plein idéalisme...au-dessus des nuages !).<br /> <br /> Je souscris à ce qu'écrit J. Laboute en poussant l’analyse un peu plus loin. Il n'est pas nécessaire d'avoir atteint l'école maternelle pour voir qu'un africain ne ressemble pas à un asiatique. Des études récentes indiqueraient que ces différences se retrouvent (en beaucoup plus complexes) dans l'étude génétique des populations : les biologistes ne parlent pas de races humaines, mais « d’ascendance biogéographique ». Peu importe le mot, le résultat c'est qu'il y a bien des différences entre groupes humains, même si les mouvements de populations et l'interpénétration entre groupes qui en résulte ont pu fortement compliquer leur mise en évidence. <br /> <br /> Ceux qui veulent nier les différences entre humains me rappellent ceux – beaucoup entendus ces derniers temps - qui voudraient nier la différence entre sexes. Pour en finir avec le sexisme, et au nom de l'égalité, finissons-en avec la différence sexuelle, et tout sera réglé... Pour en finir avec le racisme, finissons-en avec les différences biologiques entre humains, supprimons le mot «race» et tout sera réglé... L'idéalisme désincarné n'a pas fini de faire des ravages !
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A
Merci pour cette analyse et ces éclaircissements.<br /> Le plus agaçant, épuisant, inutile voir angoissant dans les propos des uns et des autres et cette surenchère médiatique immédiate, cette guerre des clans que cela engendre à chaque nouvelle censure. Je n'adhère pas du tout aux idées de Madame N.M mais l'avais “entendu“ simplement qu'elle parlait des gens qui habitaient à l'origine dans cette partie ouest de l'Europe. Elle aurait dû penser que la France n'est pas uniquement réduite à la métropole. Dès que quelqu'un prononce le "mot" à ne pas dire, c'est haro sur le baudet. Et la possibilité de se tromper, de réaliser trop tard que de nombreuses personne sont été blessées ? Mais là, en l'occurrence, on n'y croit pas...<br /> Anne 2B
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M
Une petite nuance cependant : Madame Morano a perdu sa place de candidate à une élection par décision de son parti politique dont en principe elle doit respecter les règles par le choix qu'elle a fait d'y adhérer, les journalistes de Charlie Hebdo ont été assassinés. Il me semble difficile de les renvoyer dos à dos.<br /> Madame Morano a le droit de dire ses inepties, j'ai le droit de dire que ce sont des inepties et que cela sous-entend une idéologie nauséabonde. Avec encore une petite nuance : elle a un statut social qui lui donne accès aux medias (elle est sans cesse dans ces medias), ce n'est pas mon cas. Quand on a un tel pouvoir médiatique, quand on est élu de la République, cela impose la nécessité de se comporter de façon responsable et ne pas se plaindre des réactions que l'on a provoquées.<br /> Enfin nous sommes dans un Etat de Droit, le Droit interdit de tenir publiquement certains propos (pas ceux que Madame Morano a proférés cette fois-ci), donc il n'y a pas totale liberté de dire tout ce qu'on peut penser.
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J
Soit, désormais, ne devraient plus être considérées de races parmi les hommes ! Dont acte.<br /> Mais alors, s'est-on avisé qu'il ne peut donc plus y avoir désormais de racismes ?<br /> Ni, en bonne logique, de racistes, ni même encore de propos à caractère raciste...<br /> La question a tout le moins mériterait d'être posée de la pertinence de renoncer à ces catégories,<br /> lorsque l'on voudrait se refuser à constater qu'il existe bien des différences physiologiques apparentes.
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L
Une fois de plus un raisonnement biaisé. rappelons que la loi dans notre pays interdit et donc sanctionne les propos racistes et antisémites car ils sont non seulement faux mais ont conduit dans la passé à d'épouvantables tragédies. Ce ne sont pas de simples "opinions". Il est surprenant qu'un chrétien ne fasse pas cette distinction ! Cette loi a été votée par le parlement au nom de notre nation voila de qui elle tient son pouvoir. et cela s'appelle la démocratie.
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